Les populations d’Académie Résidentielle sont à couteaux tirés avec un promoteur immobilier.

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Photo: Coulibaly Abdoulay

(FratMat, 11 avril 2013) – Odeurs nauséabondes. Des moustiques. Des asticots dans une eau de couleur noirâtre. Et des habitants du sous-quartier ‘’Académie résidentielle’’, à Niangon nord, qui en ont marre de cette mare aux insectes qui s’est créée, par les eaux des fosses sceptiques provenant d’une cité Sodefor (Laurier 12) voisine, une opération immobilière de la société ‘’Les Lauriers’’. En effet, situé en aval de la cité Sodefor, ‘’Académie résidentielle’’ vit cette situation depuis 2003 où cette cité Laurier 12 a commencé à être habitée.

Coulibaly Mamadou, président de la Mutuelle de développement de l’Académie résidentielle (Mudar), ne dit pas le contraire. « Nous vivons ici à l’Académie résidentielle depuis des années. Et nos problèmes ont commencé depuis que la cité Laurier 12 a commencé à être habitée. Des tuyaux d’évacuation des eaux usées et des fosses sceptiques sortent de la clôture de cette cité. Nous avons maintes fois interpellé les promoteurs immobiliers concernés, nous n’avons pas eu de suite. Encore moins les autorités municipales qui sont venues, à plusieurs reprises, constater sans rien apporter comme solutions », se plaint le président de la ‘’Mudar’’. Selon les explications des riverains, dans le plan de ce quartier, il n’est pas prévu ce canal. Pire, les voies qui sont prévues dans ce plan sont coupées par ce trou créé par ces eaux usées. Des passages ou des ponts de fortune ont été construits pour faciliter la traversée. Le trou s’est davantage élargi avec les érosions causées par les eaux pluviales pour constituer, aujourd’hui, un dépotoir d’ordures ménagères et un danger permanent pour les habitants d’Académie Résidentielle. Dame Kady assiste impuissante son terrain en train d’être ravagé par ces eaux usées. Un poste de contrôle de la compagnie ivoirienne de l’électricité (Cie) rattrapé par ce trou, a dû être détruit et reconstruit à quelques mètres de là.

Aussi, à leur corps défendant, Dame Siaho Diomandé et sa fille Adèle Diomandé fument du poisson au bord de ce gros trou, inhalant à longueur de journée ces odeurs nauséabondes. « On se débrouille au bord de ce trou en fumant du poisson que nous revendons. Mon mari est à la retraite, et ma fille s’occupe avec cette activité pour faire face à certaines petites dépenses de la maison. Ce trou est devenu une poubelle. Malgré nos nombreuses interpellations et plaintes, rien ne change. Nous vivons donc depuis longtemps dans ces odeurs insupportables », témoigne Siaho Diomandé.

A quelque cent mètres du premier pont de fortune réalisé par un riverain, un agent de la Société ivoirienne de raffinage (Sir) dont la bâtisse n’échappe pas à cette situation, deux jeunes dames vaquent à leurs occupations au bord de ce gros trou. L’une, Béatrice Ya, qui attend son quatrième bébé, tient une tablette remplie de biscuits, bonbons, cigarettes… L’autre, Edwige Youan Lou, malaxe la farine pour faire des beignets, sans s’inquiéter des mouches qui se posent par moments sur ces aliments. « On est habitué à ces odeurs. Mais on va faire comment ? On demande aux autorités de venir nous sortir de cette situation qui n’a que trop duré », plaide Edwige Youan Lou.

La société Les Lauriers, interpellée par courrier en date du 17 mars 2010, par les riverains, s’est tournée vers la mairie de Yopougon pour lui signifier « qu’il s’agit d’un problème de viabilisation du réseau primaire dont la responsabilité incombe à l’Etat, vendeur de terrain et non au promoteur ». Informé par le même canal, par les populations, des désagréments qu’elles subissent à cause du déversement des eaux usées non traitées des cités Lauriers 11, 12 et 14, dans le milieu naturel, non loin des habitations, le ministère de la Construction, de l’Urbanisme et l’Habitat (à l’époque) a dépêché  ne équipe technique de la direction de l’assainissement et du drainage (Dad) sur les lieux, le 09 octobre 2012.

Il ressort du rapport de cette visite dont nous avons reçu copie, des insuffisances sur les ouvrages réalisés par le promoteur immobilier, ‘’Les Lauriers’’. « La visite des lieux effectuée par la direction de l’assainissement et du drainage, le 9 octobre 2010, a révélé que toutes les eaux usées issues de la cité Sodefor sont déversées dans la nature –les ravins, les terrains bâtis et non bâtis entourant la cité- sans subir de traitement préalable », écrit le rapport. Tout en rappelant que sur le même sujet, le 9 janvier 2008, le chef de zone exploitation et entretien de réseaux avait déjà fait l’état des lieux et relevé un certain nombre d’anomalies, à savoir : les caniveaux devant drainer les eaux pluviales sous dimensionnés, entrainant l’inondation des cours en saison des pluies ; tous les regards sont construits en agglos et présentent des cunettes mal soignées ; les regards du réseau des eaux usées sont mal conçus.

En définitive, le rapport de la Dad conclut que « tous les réseaux d’assainissement et de drainage de la cité Laurier n’ont d’exutoire que les terrains et ravins environnants. Fort de tous ces constats, le ministère de la Construction, de l’Urbanisme et de l’Habitat d’alors a invité le promoteur (par courrier en date du 11 janvier 2011) à « procéder à une mise en conformité des réseaux d’assainissement et de drainage » et « trouver un exutoire approprié aux eaux rejetées ». Toutes ces invites n’ont pas eu les résultats escomptés et les riverains continuent de souffrir de la proximité des eaux usées et de ce trou qui s’agrandit de jour en jour.

GERMAINE BONI