J’ai suivi avec beaucoup d’intérêt le « débat africain » de Radio France Internationale (RFI) de ce dimanche. J’ai écouté M. Kouadio Konan Bertin dit KKB, affirmer, à propos de sa tentative d’alliance avec le Front populaire ivoirien (FPI), qu’Houphouët-Boigny, qu’il connaît bien, au sortir d’une crise aussi grave que celle qu’a connue notre pays, n’aurait pas hésité à rassembler tous les fils du pays, au-delà de leurs appartenances politiques. C’est étonnant qu’après avoir dit cela, le même KKB refuse que les héritiers directs d’Houphouët-Boigny que sont le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), son parti, et le Rassemblement des républicains (RDR) décident de s’unir au point de présenter un candidat unique. M. KKB a ressorti cette phrase fourre-tout que l’on met à toutes les sauces : « la politique est la saine appréciation des réalités du moment. » Pourquoi refuse-il qu’à la saine appréciation des réalités du moment, le président Bédié ait décidé qu’il était de l’intérêt de son parti de soutenir M. Ouattara dès le premier tour ? M. KKB a-t-il oublié qu’au lendemain de l’indépendance, le président Houphouët-Boigny, après avoir sainement apprécié les réalités du moment, a demandé à tous les partis politiques de se fondre en un seul, le PDCI ? Qu’y a-t-il donc d’incongru dans le fait que le PDCI qui dirige le pays avec M. Alassane estime, à la saine appréciation des réalités du moment, qu’il est suffisamment satisfait du bilan de ce dernier pour ne pas juger nécessaire de présenter un candidat contre lui à la prochaine élection présidentielle ? Le grand tort de l’appel de Daoukro, disons-le tout net, est de briser les ambitions de certains qui, sans jamais avoir été à la rencontre du peuple de Côte d’Ivoire pour lui proposer une nouvelle vision, un nouveau contrat de confiance, estiment néanmoins qu’ils méritent plus que M. Ouattara, de le diriger. Je parle de Messieurs Essy Amara et Charles Konan Banny. Kablan Brou Jérôme qui figurait au nombre des « irréductibles » semble s’être perdu en route. KKB, lui, estime que pour avoir implanté des bases de la jeunesse du PDCI dans tout le pays, il est légitime pour prétendre diriger la Côte d’Ivoire. Qu’il en soit ainsi. Et il a demandé de ne pas le minimiser, en se référant à la Bible. Je suppose qu’il fait référence à l’histoire de David et Goliath, étant entendu qu’il est David. Eh bien, David-KKB a demandé dans une interview passée, au candidat Ouattara d’être fair-play et de faire comme Goodluck Jonathan en l’appelant (au soir du premier tour ?) pour le féliciter de sa victoire.
Il fut question au cours de ce « débat africain » du pardon. David-KKB a dit qu’en 1963, Houphouët-Boigny n’avait pas exigé de ceux qu’il avait emprisonnés qu’ils demandent pardon avant de les libérer. Si, si, David-KKB. Ils lui avaient demandé pardon. Mais Houphouët-Boigny a par la suite reconnu qu’il avait été trompé et c’est lui qui a demandé pardon. Et puis, le contexte ici est totalement différent. J’avoue que j’ai eu froid dans le dos lorsque j’ai entendu Amani Nguessan déclarer que « c’est insulter les Ivoiriens que de réclamer au FPI de demander pardon. » Parce que, selon lui, « le 19 septembre 2002, le RDR a fait la guerre au pouvoir FPI. » Faut-il rappeler à Amani Nguessan que la crise dont nous parlons et qui a coûté la vie à 3000 personnes est celle qui est née de leur refus obstiné de reconnaître la défaite de Laurent Gbagbo, qu’il s’agit des crimes qu’ils ont fait commettre par leurs miliciens et mercenaires sous le regard de la communauté internationale ? Non, Amani Nguessan le sait bien et cela fait partie de leur tactique que de botter en touche et de chercher à noyer le poisson lorsque la question est abordée.
J’ai récemment regardé un documentaire sur la chaine française Planète. Il y était question de la collaboration du régime de Vichy avec les occupants allemands pendant la seconde guerre mondiale. A la libération, ce sont plus de cent mille personnes qui ont été exécutées, pendues par les pieds ou par le cou par les foules, pour collaboration avec l’ennemi, des milliers de femmes qui ont été tondues, pour avoir couché avec des Allemands. Personne n’avait été jugé et personne n’avait alors parlé de justice des vainqueurs. Au Rwanda, Paul Kagamé et ses forces n’ont pas fait dans la dentelle pour venir à bout des génocidaires. Ce sont des millions de personnes qui ont été massacrées dans les camps de la RDC où elles s’étaient réfugiées. Jusqu’à présent, Kagamé continue de traquer ces génocidaires. Et personne, surtout pas les Français, ne parle de justice des vainqueurs. Amani Nguessan a beau jeu de se sentir insulté lorsqu’on lui demande de se repentir, et d’exiger que Laurent Gbagbo soit libéré avant tout débat. Nous sommes en Côte d’Ivoire.
Enfin, il a été question au cours de ce débat de la réconciliation, et j’ai entendu l’animateur dire que « la réconciliation est en panne. » J’aimerais vraiment que l’on me dise avec quel instrument l’on mesure notre degré de réconciliation. Quel est notre pourcentage de réconciliation en ce moment ? 20% ? 50% ? 70% ? La réconciliation est-elle en panne parce que MM David-KKB, Banny et Essy sont fâchés en ce moment avec M. Bédié, parce que MM. Affi Nguessan et Aboudramane Sangaré sont fâchés ? Ce que je vois personnellement dans le pays lorsque je le sillonne, ce sont des populations qui vivent en parfaite harmonie, comme par le passé. Je peux me tromper, mais je n’ai pas le sentiment que quelqu’un ait envie de se jeter sur son voisin parce qu’il est d’un autre parti, d’une autre ethnie, d’une autre nationalité.
Venance Konan
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