Noël: « Cette nuit, nous aussi, nous montons jusqu’à Bethléem » (texte complet)
« Cette nuit, nous aussi, nous montons jusqu’à Bethléem »: c’est l’invitation du pape François à l’occasion de la messe de la nuit de Noël (messe « Cum Jubilo » en grégorien) qu’il a présidée en la basilique Saint-Pierre, ce lundi 24 décembre 2018, à 21h30.
La basilique a été pour la première fois illuminée grâce à 100 000 LED (780 appareils), faisant économiser 90% d’énergie par rapport à l’éclairage précédent. L’inauguration officielle aura lieu le 25 janvier.
Le pape a proposé une première question pour un examen de conscience de Noël: « À Bethléem, à côté de Jésus, nous voyons des gens qui ont marché, comme Marie, Joseph et les pasteurs. Jésus est le Pain de la route. Il n’aime pas des digestions paresseuses, longues et sédentaires, mais il demande qu’on se lève en hâte de table pour servir, comme des pains rompus pour les autres. Demandons-nous: à Noël, est-ce je partage mon pain avec celui qui n’en a pas? »
Continuant sa méditation sur Bethléem, le pape a souligné cette réalité rassurante: « Bethléem est le remède à la peur, parce que malgré les ‘‘non’’ de l’homme, là Dieu dit pour toujours ‘‘oui’’: pour toujours il sera Dieu-avec-nous. »
Le pape a invité à l’attitude nécessaire pour goûter Noël: « Attendre éveillé, aller, risquer, raconter la beauté: ce sont des gestes d’amour. Le bon Pasteur, qui à Noël vient donner la vie aux brebis, à Pâques adressera à Pierre et, à travers lui à nous tous, la question finale: «M’aimes-tu» (Jn 21, 15). C’est de la réponse que dépendra l’avenir du troupeau. Cette nuit, nous sommes appelés à répondre, à lui dire nous aussi: ‘‘Je t’aime’’. La réponse de chacun est essentielle pour le troupeau tout entier. »
« Je veux arriver à Bethléem, Seigneur, parce que c’est là que tu m’attends. (…) Prends-moi sur tes épaules, bon Pasteur: aimé par toi, je pourrai moi aussi aimer et prendre mes frères par la main. Alors, ce sera Noël quand je pourrai te dire: ‘‘Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime’’ (cf. Jn 21, 17) », a conclu le pape François.
Après la lecture de la Kalenda, qui résume l’histoire du salut jusqu’à la naissance du Christ à Bethléem, le pape a dévoilé la statuette de l’Enfant Jésus.
La Kalenda est un texte ancien qui annonce la naissance historique du Sauveur dans une récapitulation de l’attente universelle de l’Avènement du Sauveur.
Dix enfants – 6 filles, 4 garçons – de quatre continents – d’Italie (1), du Panama (2), du Japon (1), de Chine (2), de RDC (2) et de Roumanie (2) – ont fleuri la statuette. Le livre des évangiles a été porté sur un trône auprès de l’Enfant après la lecture de l’Evangile. Et au terme de la célébration, le pape a porté la statuette jusqu’à la crèche, qu’il a ensuite encensée et que les enfants ont fleurie. Puis le pape a béni un à un les enfants avant de quitter la basilique en se dirigeant vers la sacristie.
Les intentions de prière de la prière universelle ont été pour le pape François (en chinois), pour les gouvernants (en anglais), pour les vocations sacerdotales (en français), pour les pauvres et les malades (en russe).
La célébration s’est achevée par le chant de l’antienne mariale du temps de Noël: « Alma Redemptoris Mater ».
Au terme de la célébration, le pape a publié un tweet invitant à « contempler l’enfant Dieu »: « En contemplant l’enfant Dieu, qui épand la lumière dans l’humilité du berceau, nous pouvons nous aussi devenir témoins d’humilité, de tendresse et de bonté. #Noël«
Avant la célébration, le pape avait publié un tweet rappelant le sens chrétien de l’arbre de Noël: « L’arbre de Noël avec ses lumières nous rappelle que Jésus est la lumière du monde, c’est la lumière de l’âme qui chasse les ténèbres des inimités et fait place au pardon. #Christmas« .
A midi, demain, mardi 25 décembre, le pape François délivrera son message de Noël à midi: il accordera ensuite la bénédiction Urbi et Orbi qui confère l’indulgence plénière aux conditions habituelles prévue par l’Eglise, même en la recevant – pour soi-même ou pour un défunt – par la médiation de la télévision, de la radio ou d’un support électronique.
Voici la traduction officielle du Saint-Siège de cette homélie prononcée en italien.
AB
Homélie du pape François
Joseph, avec Marie son épouse, monta jusqu’à «la ville de David appelée Bethléem» (Lc 2,4). Cette nuit, nous aussi, nous montons jusqu’à Bethléem pour y découvrir le mystère de Noël.
1. Bethléem: le nom signifie maison du pain. Dans cette ‘‘maison’’, le Seigneur donne aujourd’hui rendez-vous à l’humanité. Il sait que nous avons besoin de nourriture pour vivre. Mais il sait aussi que les aliments du monde ne rassasient pas le cœur. Dans l’Écriture, le péché originel de l’humanité est associé précisément au manger: «elle prit de son fruit, et en mangea» dit le livre de la Genèse (3, 6). Elle prit et elle mangea. L’homme est devenu avide et vorace. Avoir, amasser des choses semble pour beaucoup de personnes le sens de la vie. Une insatiable voracité traverse l’histoire humaine, jusqu’aux paradoxes d’aujourd’hui; ainsi quelques-uns se livrent à des banquets tandis que beaucoup d’autres n’ont pas de pain pour vivre.
Bethléem, c’est le tournant pour changer le cours de l’histoire. Là, Dieu, dans la maison du pain, naît dans une mangeoire. Comme pour nous dire: me voici tout à vous, comme votre nourriture. Il ne prend pas, il offre à manger: il ne donne pas quelque chose, mais lui-même. À Bethléem, nous découvrons que Dieu n’est pas quelqu’un qui prend la vie mais celui qui donne la vie. À l’homme, habitué depuis les origines à prendre et à manger, Jésus commence à dire: «Prenez, mangez: ceci est mon corps» (Mt 26, 26). Le petit corps de l’Enfant de Bethléem lance un nouveau modèle de vie: non pas dévorer ni accaparer, mais partager et donner. Dieu se fait petit pour être notre nourriture. En nous nourrissant de lui, Pain de vie, nous pouvons renaître dans l’amour et rompre la spirale de l’avidité et de la voracité. De la ‘‘maison du pain’’, Jésus ramène l’homme à la maison, pour qu’il devienne un familier de son Dieu et frère de son prochain. Devant la mangeoire, nous comprenons que ce ne sont pas les biens qui entretiennent la vie, mais l’amour; non pas la voracité, mais la charité; non pas l’abondance à exhiber, mais la simplicité à préserver.
Le Seigneur sait que nous avons besoin chaque jour de nous nourrir. C’est pourquoi il s’est offert à nous chaque jour de sa vie, depuis la mangeoire de Bethléem jusqu’au cénacle de Jérusalem. Et aujourd’hui encore sur l’autel, il se fait Pain rompu pour nous: il frappe à notre porte pour entrer et prendre son repas avec nous (cf. Ap 3, 20). À Noël, nous recevons sur terre Jésus, Pain du ciel: c’est une nourriture qui ne périme jamais, mais qui nous fait savourer déjà la vie éternelle.
À Bethléem, nous découvrons que la vie de Dieu court dans les veines de l’humanité. Si nous l’accueillons, l’histoire change à commencer par chacun d’entre nous. En effet, quand Jésus change le cœur, le centre de la vie n’est plus mon moi affamé et égoïste, mais lui qui naît et vit par amour. Appelés cette nuit à sortir de Bethléem, maison du pain, demandons-nous: quelle est la nourriture de ma vie, dont je ne peux me passer? Est-ce le Seigneur ou quelque chose d’autre? Puis, en entrant dans la grotte, flairant dans la tendre pauvreté de l’Enfant un nouveau parfum de vie, celle de la simplicité, demandons-nous: ai-je vraiment besoin de beaucoup de choses, de recettes compliquées pour vivre? Est-ce j’arrive à me passer de tant de garnitures superflues, pour mener une vie plus simple? À Bethléem, à côté de Jésus, nous voyons des gens qui ont marché, comme Marie, Joseph et les pasteurs. Jésus est le Pain de la route. Il n’aime pas des digestions paresseuses, longues et sédentaires, mais il demande qu’on se lève en hâte de table pour servir, comme des pains rompus pour les autres. Demandons-nous: à Noël, est-ce je partage mon pain avec celui qui n’en a pas?
2. Après Bethléem maison du pain, réfléchissons sur Bethléem maison de David. Là, David, jeune garçon, faisait le pasteur et à ce titre il a été choisi par Dieu, pour être pasteur et guide de son peuple. À Noël, dans la ville de David, pour accueillir Jésus, il y a précisément les pasteurs. Dans cette nuit «ils furent saisis d’une grande crainte, nous dit l’Évangile» (Lc2, 9), mais l’ange leur dit: «Ne craignez pas» (v. 10). Dans l’Évangile revient tant de fois ce ne craignez pas: c’est comme un refrain de Dieu à la recherche de l’homme. En effet, l’homme depuis les origines, encore à cause du péché, a peur de Dieu: «j’ai eu peur […], et je me suis caché» (Gn 3, 10), a dit Adam après le péché. Bethléem est le remède à la peur, parce que malgré les ‘‘non’’ de l’homme, là Dieu dit pour toujours ‘‘oui’’: pour toujours il sera Dieu-avec-nous. Et pour que sa présence n’inspire pas la peur, il s’est fait un tendre enfant. Ne craignez pas: cela n’est pas dit à des saints, mais à des pasteurs, des gens simples qui en même temps ne se distinguent pas par la finesse ni par la dévotion. Le Fils de David naît parmi les pasteurs pour nous dire que personne n’est jamais seul; nous avons un Pasteur qui surmonte nos peurs et nous aime tous, sans exceptions.
Les pasteurs de Bethléem nous disent aussi comment aller à la rencontre du Seigneur. Ils veillent dans la nuit: ils ne dorment pas, mais font ce que Jésus demandera à plusieurs reprises: veiller (cf. Mt 25, 13; Mc 13, 35; Lc 21, 36). Ils restent éveillés, attendent éveillés dans l’obscurité; et Dieu «les enveloppa de sa lumière» (Lc 2, 9). Cela vaut aussi pour nous. Notre vie peut être une attente, qui également dans les nuits des problèmes s’en remet au Seigneur et le désire; alors elle recevra sa lumière. Ou bien une prétention, où ne comptent que les forces et les moyens propres: mais dans ce cas, le cœur reste fermé à la lumière de Dieu. Le Seigneur aime être attendu et on ne peut pas l’attendre dans le divan, en dormant. En effet, les pasteurs se déplacent: «ils se hâtèrent» dit le texte (v. 16). Ils ne restent pas sur place comme celui qui sent qu’il est arrivé et n’a besoin de rien, mais ils s’en vont; laissant le troupeau sans surveillance, ils prennent des risques pour Dieu. Et après avoir vu Jésus, sans même être des experts de discours, ils vont l’annoncer, à telle enseigne que «tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leurs racontaient les bergers» (v. 18).
Attendre éveillé, aller, risquer, raconter la beauté: ce sont des gestes d’amour. Le bon Pasteur, qui à Noël vient donner la vie aux brebis, à Pâques adressera à Pierre et, à travers lui à nous tous, la question finale: «M’aimes-tu» (Jn 21, 15). C’est de la réponse que dépendra l’avenir du troupeau. Cette nuit, nous sommes appelés à répondre, à lui dire nous aussi: ‘‘Je t’aime’’. La réponse de chacun est essentielle pour le troupeau tout entier.
«Allons jusqu’à Bethléem» (Lc 2, 15): c’est ce qu’ont dit et fait les pasteurs. Nous aussi, Seigneur, nous voulons venir à Bethléem. Aujourd’hui également la route est ascendante: on doit dépasser le sommet de l’égoïsme, il ne faut pas glisser dans les ravins de la mondanité et du consumérisme. Je veux arriver à Bethléem, Seigneur, parce que c’est là que tu m’attends. Et me rendre compte que toi, déposé dans une mangeoire, tu es le pain de ma vie. J’ai besoin du parfum tendre de ton amour pour être, à mon tour, pain rompu pour le monde. Prends-moi sur tes épaules, bon Pasteur: aimé par toi, je pourrai moi aussi aimer et prendre mes frères par la main. Alors, ce sera Noël quand je pourrai te dire: ‘‘Seigneur, tu sais tout, tu sais que je t’aime’’ (cf. Jn 21, 17).
[Texte original: Italien]© Librairie éditrice du Vatican