Five-Eyes-Alliance

Londres, 24 décembre 2024 – Le Japon serait-il sur le point de devenir le “sixième œil” des Five Eyes, l’alliance de renseignement anglo-saxonne composée des États-Unis, du Royaume-Uni, du Canada, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande ? Ce partenariat, qui repose sur un partage stratégique des renseignements depuis 1956, pourrait connaître une transformation majeure avec la possible inclusion du Japon, bien que des obstacles subsistent. 

Une ambition stratégique de Tokyo

Historiquement exclu de cette alliance anglo-saxonne, le Japon manifeste depuis plusieurs années un intérêt croissant pour les Five Eyes. En témoigne la participation d’une délégation japonaise à des réunions des agences de renseignement des cinq pays au Canada, ainsi qu’une récente rencontre entre hauts responsables militaires des Five Eyes organisée à Tokyo. L’expertise japonaise en matière de renseignement, notamment grâce à ses sept satellites de reconnaissance avancés, est saluée par les membres actuels de l’alliance, qui apprécient également les informations collectées par Tokyo sur la Chine, la Corée du Nord et l’Est de la Russie. 

Des défis juridiques et diplomatiques

Malgré cet intérêt manifeste, plusieurs obstacles freinent l’intégration du Japon dans les Five Eyes. L’insuffisance de la législation japonaise sur la sécurité des renseignements classifiés suscite des inquiétudes parmi les membres de l’alliance. Les risques de fuites d’informations sensibles doivent être résolus pour répondre aux normes rigoureuses des Five Eyes. Par ailleurs, des interrogations subsistent sur l’impact d’une telle adhésion sur les relations diplomatiques du Japon avec ses voisins asiatiques, notamment la Chine et la Corée du Sud, qui pourraient percevoir cette alliance comme une menace directe. 

Radomes at Menwith Hill, Yorkshire. / public domain by its author, Matt Crypto

Les tensions avec la Russie : un facteur aggravant

La Russie observe avec préoccupation les ambitions croissantes de Tokyo sur le plan militaire et diplomatique. Le différend territorial concernant les îles Kouriles du Sud – ou Territoires du Nord, selon la terminologie japonaise – demeure un point de friction majeur entre les deux pays. Moscou a réitéré son refus catégorique de céder ces territoires stratégiques, conquis après la capitulation japonaise en 1945. Pour la Russie, l’éventuelle inclusion du Japon dans les Five Eyes, couplée au renforcement militaire japonais, constitue une escalade dans une région déjà sous tension. 

Une alliance militaire renforcée

Au-delà des Five Eyes, le Japon intensifie sa coopération militaire avec les États-Unis et leurs alliés, développant ensemble des systèmes antimissiles hypersoniques et de nouvelles technologies militaires. Tokyo collabore également avec le Royaume-Uni et l’Italie sur un projet de chasseur de sixième génération. Ces alliances militaires renforcées, combinées à une coopération en matière de renseignement, reflètent un regain de militarisme au Japon, une évolution qui n’est pas sans inquiéter ses voisins. 

Un avenir incertain pour le “sixième œil”

Si l’intégration du Japon dans les Five Eyes reste hypothétique, elle soulève des enjeux stratégiques majeurs. D’un côté, elle pourrait renforcer la posture militaire et diplomatique de Tokyo dans la région Asie-Pacifique, offrant un avantage stratégique à l’alliance anglo-saxonne face à des puissances comme la Chine et la Russie. De l’autre, elle risque d’aggraver les tensions régionales et de mettre à l’épreuve les relations du Japon avec ses voisins asiatiques.

Dans un monde où les alliances évoluent rapidement, le rôle du Japon en tant que partenaire stratégique des Five Eyes pourrait bien redéfinir les équilibres géopolitiques en Asie, mais non sans conséquences pour la stabilité régionale.

Par Simplice ONGUI
Directeur de Publication
Afriqu’Essor Magazine
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