Nouvelle CEI, stratégie pour la libération de Gbagbo, guerre contre IBK et les dirigeants africains nationalistes…
Aujourd’hui | 28 août 2014 | Dans une interview à paraître le 1er septembre prochain dans Le Monde d’Abidjan, le politologue ivoirien Bernard Doza analyse, avec son sens aiguë de la formule, la nouvelle commission électorale indépendante, la polémique autour de la stratégie pour la libération de Gbagbo, mais aussi des sujets moins domestiques comme le risque que court le président malien Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) face à la France qui fait toujours payer aux présidents nationalistes. Et, comme à son habitude, Doza cogne fort. Peut-être même trop fort.
Le verbe toujours haut, Bernard Doza, politologue ivoirien au ton direct, estime, dans une interview à paraître dans Le Monde d’Abidjan le septembre prochain que le vrai problème qui se pose aux cadres du FPI, c’est qu’ils ont été convaincus que Gbagbo ne reviendra pas de la cour pénale internationale où il a été déporté depuis de nombreuses années. Le Front populaire ivoirien vit en effet une crise ouverte entre les artisans de la libération de l’ancien président et ceux qui prônent un rapprochement avec le pouvoir sans préalable. Son chef de file, Pascal Affi N’guessan estime entre autres que le FPI a une responsabilité dans le conflit postélectoral qui a fait quelque 3000 morts, selon des chiffres largement sous-estimés.
Le président du FPI essaie également de convaincre ses camarades sur la nécessité d’entrer à la commission électorale indépendante, fût-ce aux côtés de son ancien président Youssouf Bakayoko. Mais il doit d’abord affronter, samedi prochain, un comité central extraordinaire largement hostile à son idée. Bernard Doza, lui, a une position tranchée marquée par un oui, à la condition de ne pas se laisser griser. « L’entrée du FPI à la
CEI, recadre l’équilibre des forces d’observation, donc de proposition de résultats électoraux partiels, au président du conseil constitutionnel. Mais l’entrée à la CEI, ne veut pas dire que le FPI, va aux élections avec un autre candidat, en laissant Laurent Gbagbo sur le bord du chemin, dans une course vers le pouvoir politique, qui sert des ambitions personnelles et néocoloniales. »
Au FPI, les défenseurs de l’entrée du parti à la CEI, eux, visent plutôt le graal d’une participation aux joutes électorales pendant que le président Gbagbo resterait en prison. Ce qui apparaît aux yeux de Doza comme une erreur de fond. Car pour lui, « le FPI, n’a pas été créé par toute la gauche ivoirienne au lendemain d’un congrès constitutif, comme le parti socialiste français qui a été lancé, après le congrès de toute la gauche réunie, à Epinay en 1969. Le FPI, c’est le parti créé par Laurent Gbagbo et Simone, sur la base de leurs convictions. Or, Laurent Gbagbo et Simone ont été arrêtés en avril 2011 et l’un déporté à la HAYE et l’autre dans le nord ivoirien, à cause de leurs convictions nationalistes. Dès cet instant, le FPI devient le seul instrument légal, pour organiser leur retour en Côte D’ivoire. »
Lors du dernier comité central, Sangaré Aboudramane avait dit la même chose, à quelques mots près, estimant que « le FPI doit revenir à Gbagbo ». D’ailleurs une partie du FPI est férocement engagée dans cette stratégie de restitution du parti à son fondateur. Dans une tribune publiée, il y a quelques semaines, dans de nombreux journaux ivoiriens, le porte-parole du Président Gbagbo, Justin Koné Katinan, exilé au Ghana, a fermement condamné les négociations entreprises par le président du FPI, parfois contre la volonté de la base. Car pour lui, elles marginalisent le président Gbagbo et tentent de tourner sa page.
Mais Bernard Doza analyse aussi la crise entre Paris et le président malien Ibrahim Boubacar Kéita comme un résumé de la guerre idéologique de la France contre les leaders nationalistes. C’est pourtant la même France qui a aidé IBK à arriver au pouvoir. Selon Doza, après l’avoir aidé, Paris ne jure plus que par la fin du malien. « Après Laurent Gbagbo, affirme-t-il, regardons patiemment ce qui va arriver prochainement à IBK que j’ai aussi coaché, qui est un nationaliste de gauche, très ombrageux pour la France, dans sa vision du MALI. Mais qui a été choisi à Paris, à défaut d’un homme fort sur le terrain, pour neutraliser le puissant capitaine Sanogo, auteur du coup d’Etat contre ATT. » La guerre aux nationalistes, Paris n’est donc pas prête d’y renoncer pour ne pas perdre son rang de 5è puissance économique du monde.
Signe des temps, après avoir accueilli en héros le président français, François Hollande, lors de son déplacement au Mali, les bamakois font désormais grise mine depuis que Paris donne l’impression de protéger les rebelles touaregs, reconduisant ainsi la stratégie développée contre Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire en 2002.
Sévérine Blé