Une Analyse du Professeur Oulaye Hubert
Le 15 janvier 2019, à la surprise générale, le Président de la Chambre de première instance prononçait l’acquittement de toutes charges et la libération immédiate du Président Laurent Gbagbo et du ministre Charles Blé Goudé, dans la procédure entamée à leur encontre par la CPI des procureurs Ocampo et Bensouda, depuis novembre 2011, pour crimes contre l’humanité commis lors de la crise postélectorale de 2010-2011.
Des manifestations de joie partout en Côte d’Ivoire et dans le monde, ont salué cette « décision immense, historique », rendue sur un ton martial, par une instance de la Cour pénale internationale, une juridiction internationale dont tout le monde reconnait aujourd’hui, au regard de ses pratiques qu’elle est plus au service des intérêts politiques des puissants de ce monde, qui l’ont conçue et qui la financent, qu’au service des victimes sans défense des dictatures. Mais très rapidement, les scènes de liesse populaire ont cédé le pas à la stupeur, à l’indignation voir à la colère.
En effet, la Procureure Fatou Bensouda, battue, humiliée et discréditée, sous prétexte de vouloir interjeter appel de la décision d’acquittement prononcée, et évoquant le risque de fuite des acquittés, va demander la suspension de la libération immédiate des deux prévenus, qui s’apprêtaient à quitter la prison de Scheveningen le soir même du 15 janvier 2019. Cette demande de maintien en détention est rejetée par les juges de la Chambre de première instance le lendemain 16 janvier 2019.
Sur appel de cette dernière décision, la Chambre d’appel ordonne dans un premier temps la suspension de la libération pour dit-elle garantir le droit de la procureure d’interjeter appel.
Par la suite, par une décision en date du 1er février 2019, la Chambre d’appel ordonnait la libération des acquittés, assortie d’un ensemble de conditions supposées protéger l’intégrité du processus judiciaire. Il importe de noter que la procureure elle-même, avait déclaré auparavant « accepter une remise en liberté dans un pays membre de la CPI, exceptée la Côte d’Ivoire ».
Les conditions imposées à la libération sont les suivantes : – Obligation de résider dans un Etat membre de la CPI désireux et apte à faire respecter les conditions fixées par la Chambre d’appel ; – Pointage hebdomadaire auprès des autorités du pays de résidence ; – Déplacements limités au territoire de la municipalité de résidence. Les limites ont été étendues par la suite au territoire ; – Autorisation préalable de tout déplacement à l’étranger par la CPI ; – Interdiction de rencontrer des témoins et de s’exprimer dans la presse sur l’affaire ; – Engagement signé de se conformer dans le futur aux décisions de la CPI. Au total, la Chambre d’appel a opté pour une liberté très restrictive qui s’apparente bien à une quasi-assignation à résidence. Il est prévu qu’en cas de non-respect des consignes, ces conditions peuvent être révisées à l’initiative de la Chambre ou d’une partie prenante. Par ailleurs, elles peuvent être réaménagées tous les 6 mois.
Depuis la date de cette décision, les deux prisonniers de la CPI ont été libérés, chacun attendant la décision de la procureure de faire ou non appel du jugement d’acquittement : le Président Laurent Gbagbo réside en Belgique, tandis que le ministre Blé Goudé séjourne encore à la Haye faute de pays d’accueil. Comme eux, nous sommes tous, militants, sympathisants, parents, amis, démocrates du monde entier, dans l’attente de cette décision qui semble repositionner la procureure perdante comme la maîtresse du jeu. En effet, Bensouda, après avoir pris connaissance du jugement écrit se prononcera quant à la poursuite ou non du procès en appel, et tous, nous sommes suspendus comme on dit « à ses lèvres ».
De deux choses l’une : – Soit, elle juge les arguments en soutien de la décision d’acquittement, fondés et ne laissant aucune chance de succès à une procédure d’appel, et alors elle renonce à s’engager dans une nouvelle aventure judiciaire dommageable pour son image et celle déjà très souillée de la CPI. Dans ce cas de figure, le procès prend fin officiellement et les deux prisonniers sont immédiatement libérés et rentrent en Côte d’Ivoire. – Soit elle juge que la décision contient des failles, notamment juridiques, susceptibles d’emporter la décision de la Chambre d’appel et dans ce cas elle ouvre la procédure d’appel. Le procès est alors relancé.
Dans le second cas de figure où Bensouda décide d’ouvrir le procès en appel, quel sera le sort des prévenus acquittés ? Devront-ils retourner en prison pour la suite de la procédure ou bien demeureront-ils libres tout en continuant de répondre présents devant la Chambre d’appel ? Dans le cas où ils demeurent libres, seront-ils obligés de rester dans un pays étranger jusqu’à la fin du procès d’appel ? Ou bien pourront-ils rentrer en Côte d’Ivoire ?
La Chambre d’appel par sa décision du 1er février 2019, rejetant « la libération sans conditions » et ordonnant « la libération sous conditions » des deux prévenus a déjà clairement répondu aux deux premières questions.
En effet, le Président Laurent Gbagbo et le ministre Charles Blé Goudé ne retourneront plus en prison en cas de procès en appel. Ils garderont leur liberté durant tout le procès s’il venait à s’ouvrir, sauf que cette liberté continuera d’être assortie de conditions « supposées nécessaires » pour garantir leur présence au cours de la procédure. Ces conditions sont évolutives. Il faut entendre par là, qu’elles peuvent être renforcées ou allégées en fonction des circonstances.
A la troisième question de savoir, s’il est possible pour les acquittés de rentrer en Côte d’Ivoire dans l’intervalle du procès, la lecture de la décision montre que contrairement au vœu de la procureure d’écarter cette éventualité, les juges d’appel n’ont pas formellement fait droit à cette demande de l’accusation. Ce qui veut dire que le retour des acquittés en Côte d’Ivoire au cas où un procès en appel est engagé, reste de l’ordre du possible.
Mais deux conditions devront alors être remplies : d’une part l’autorisation devra être accordée par la CPI qui reste maître de la décision à prendre au regard des circonstances ; d’autre part, l’accord des autorités ivoiriennes sera requis, ce qui est loin d’être une formalité quand on sait les fortes appréhensions du pouvoir actuel à la simple évocation du retour du Président Gbagbo en Côte d’Ivoire. Voilà donc la situation particulière dans laquelle se trouve le Président Laurent Gbagbo et son jeune frère Blé Goudé, en ce jour du 31 mai 2019, où nous devrions être ensemble pour fêter son anniversaire ici à Abidjan.
A ce stade, survient la question incontournable de savoir, s’il est normal, conforme au droit de la CPI ou au droit en général que des personnes qui ont été acquittées par un tribunal, en l’occurrence la Chambre de première instance, au lieu de retrouver leur totale liberté, continuent d’être maintenues dans le statut hybride de « ni détenus, ni libres » ?
Que dit le droit sur la question de l’acquittement ? Et quel regard porter ou quelle lecture pouvons-nous faire sur la situation particulière du Président Gbagbo et de Charles Blé Goudé ?
Le droit de l’acquittement.Une personne acquittée peut-elle continuer d’être détenue ou voir sa libération soumise à diverses conditionnalités, sous le prétexte que la procédure la concernant se poursuit ?
Le traité de Rome à travers l’article 81, 3, c y répond positivement : « En cas d’acquittement, l’accusé est immédiatement mis en liberté, sous réserve des conditions suivantes : i) Dans des circonstances exceptionnelles, et en fonction, notamment, du risque d’évasion, de la gravité de l’infraction et des chances de voir l’appel aboutir, la Chambre de première instance peut, à la demande du Procureur, ordonner le maintien en détention de l’accusé pendant la procédure d’appel ». Il ressort clairement que le principe en la matière c’est la liberté, tandis la détention ou l’imposition de conditions sont des exceptions qui ne se justifient que dans des circonstances exceptionnelles liées à un risque d’évasion ou à la gravité de l’infraction, ou à l’existence de fortes chances de voir l’appel aboutir à une condamnation de la personne acquittée.
Il en va ainsi parce que sont en cause ici, le droit à la présomption d’innocence et le droit à la liberté qui sont deux droits fondamentaux de l’homme, mais qui sont confrontés lorsque la procédure judiciaire n’est pas à son terme comme c’est le cas en l’espèce, s’agissant d’une décision de première instance susceptible d’appel, à un autre droit fondamental qui est celui d’une justice totale et équitable pour tous, en l’occurrence ici, les victimes parties prenantes au procès. Celles-ci ont un intérêt à voir épuisées les voies de recours à leur disposition. C’est la position que semble adopter la procureure et que consacre la décision de la Cour d’appel.
Il est constant que le droit de tout accusé à la présomption d’innocence est consacré par de nombreux textes juridiques internationaux. Ce droit est admis comme l’un des principes de base de droit pénal moderne. Selon ce principe, toute personne poursuivie est considérée comme innocente tant qu’elle n’a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente saisie.
Le principe de la présomption d’innocence postule que la liberté du prévenu est la règle et sa détention l’exception. En d’autres termes, la détention du prévenu ne doit être ordonnée que dans les conditions exceptionnelles, à titre provisoire et doit prendre fin lorsqu’elle n’est plus justifiée, notamment en raison d’une décision d’acquittement qui lève la culpabilité de l’accusé.
Par conséquent, toute décision de maintien en détention d’une personne acquittée porte d’abord atteinte à son droit fondamental de bénéficier de la présomption d’innocence.
Une telle décision porte également atteinte à son droit à la liberté, reconnu à tout être humain. Le droit à la liberté reconnu à tout individu de tout temps vise essentiellement à le protéger contre toute atteinte à sa liberté physique. L’arrestation et la détention ne doivent en regard de ce droit être pratiquées qu’à titre exceptionnel.
L’acquitté en tant qu’être humain, doit pouvoir jouir de son droit fondamental à la liberté. En le maintenant en détention après son acquittement l’on enfreint à son droit fondamental à la liberté qui devient une exigence, dès lors que par son acquittement il est lavé de tout soupçon pouvant justifier son maintien.
Cependant, il faut reconnaitre que la fin d’un procès en première instance ne met pas un terme à la procédure, dès lors qu’est prévue la possibilité de faire appel du jugement rendu. La Chambre d’appel peut en effet bien revenir sur l’acquittement et il serait alors utile d’avoir l’accusé disponible pour répondre des charges.
En clair, la mesure d’acquittement revêt nécessairement une précarité au regard des pouvoirs dont dispose la Chambre d’appel de la remettre en cause. L’acquitté doit-il pour autant rester dans les liens de la détention pour répondre aux besoins de la procédure appelée ou non à se poursuivre, ou bénéficier d’un régime de liberté ?
Le choix opéré par la Cour d’appel de même que par la procureure, est celui de la liberté sous condition, tant à ce stade que pour la suite de la procédure. Ce choix place les deux acquittés dans la situation hybride de « ni détenus, ni libres » en dépit de leur double qualité selon Maître ALTIT, de « personnes non seulement présumées innocentes, mais reconnues innocentes… ». La situation juridique des deux acquittés ainsi plantée, quelle lecture faisons-nous du dossier à cette étape de la procédure.
NOTRE LECTURE.Il faut pour une bonne lecture du dossier, partir dans un premier temps sur la base de l’éventualité du dépôt par la procureure d’un recours devant la Chambre d’appel en récusation de la décision d’acquittement. Pour nous une telle démarche serait irrémédiablement vouée à l’échec. Le caractère inéluctable d’une telle issue du procès relève de l’évidence. Nul aujourd’hui, y compris la procureure Bensouda ne peut douter d’une telle issue judiciaire négative. Cependant, en dépit des évidences la procureure pourrait bien persister dans cette voie. Ce qui nous conduira dans un deuxième temps, à examiner au regard d’un entêtement éventuel, les enjeux en cause dans le dossier suite à l’acquittement du Président Laurent Gbagbo.
DE L’ECHEC PREVISIBLE D’UN PROCES EN APPEL.L’histoire du procès procureur de la CPI contre Laurent Gbagbo et Blé Goudé, laisse à voir une constante dans l’attitude du juge. A l’étape du jugement de confirmation des charges en 2013, deux juges sur trois avaient été défavorables à l’ouverture d’un procès contre le Président Gbagbo, pour raisons de preuves insuffisantes et non conformes à la norme exigible au regard du traité de Rome. Mais une solution inédite et boiteuse pour ne pas dire politique avait été retenue, celle d’autoriser la procureure à compléter son enquête sur une période de six mois.
Au final, la confirmation des charges a été décidée dans un contexte de confusion. Non seulement, les questions et attentes des juges n’avaient pas reçu de réponses, mais l’un des juges initialement défavorable à un procès, démissionnait et décédait dans des conditions non élucidées moins d’un mois après le prononcé de la décision de confirmation.
Aujourd’hui, après trois ans de procès en première instance, encore deux juges sur trois, dont le président Cuno Tarfusser, prononcent l’acquittement du Président Gbagbo et de Charles Blé Goudé pour les mêmes raisons à savoir, l’insuffisance de la preuve du procureur. Ainsi, après huit années, d’enquêtes du procureur, deux procès conduits par des juges différents, la parfaite concordance des magistrats de la CPI sur la vacuité du dossier Laurent Gbagbo est clairement patente : le procureur a été incapable d’apporter la preuve établissant l’existence d’une politique ou d’un plan commun, ayant entrainé des crimes contre l’humanité, dont seraient co-auteurs et ou complices, Laurent Gbagbo et Charles Blé Goudé, cela dans le but de les maintenir au pouvoir, par l’usage de la force contre les partisans d’Alassane Ouattara !
Tous les juges sont parvenus à la conclusion qu’il n’y a pas eu de crimes contre l’humanité au cours de la crise postélectorale, dont les responsables seraient Laurent Gbagbo et Blé Goudé.
Que recherche donc le procureur en ouvrant un troisième procès dans ce dossier ? Il est vrai que le traité de Rome lui donne la faculté de faire appel de la décision de la Chambre de première instance en date du 15 janvier 2019, mais le procureur a-t-il vraiment la sincère conviction qu’il gagnera ce troisième procès après les deux premières débâcles ? Est-t-il opportun pour la procureure d’ouvrir un troisième front en appel, alors même que : – La faiblesse de sa preuve, révélée au stade de la confirmation des charges a été, en dépit du temps d’enquête complémentaire de complaisance à elle accordée à cette occasion, vient d’être éloquemment confirmée par le juge de première instance ! – La majorité des témoins à charge lors du procès ont déposé à décharge contre les prévenus ! – Qu’au regard de la débâcle au niveau des témoins annoncés elle a dû renoncer à présenter près de 50 pour éviter la honte ! – Les experts librement choisis par elle, ont presque tous pratiquement déchargés les prévenus ! – Malgré les 6 mois d’enquête complémentaire, elle n’a pas réussi à apporter des preuves qui accablent les prévenus ! Au total, quels éléments nouveaux de preuves la procureure espère-t-elle apporter au juge d’appel pour emporter sa conviction, qu’elle n’a pu utiliser durant les huit années que dure la procédure devant la CPI ? Mais allons plus loin dans le débat juridique pour poser à la procureure, les questions de fond qu’elle a choisi d’éluder au lieu d’y apporter les réponses attendues. Est-ce maintenant devant la Cour d’appel : – Que la procureure va démontrer l’existence d’un plan commun ? Indiquer les acteurs du plan commun ? Ce qu’elle n’a pu faire au stade de la confirmation ou au cours du procès ! – Qu’il va démontrer et établir comme l’exige le niveau de la norme de preuve à ce stade (au-delà de tout doute), comment les FDS, une armée républicaine ou encore les patriotes ou mercenaires supposés auraient-ils été informés et instruits du plan commun et ont ont pu donner leur consentement à agir en fonction dudit plan ? – Qu’il va montrer la différence entre un membre des FDS agissant en fonction du plan commun, et un autre agissant dans le cadre républicain au cours d’une opération de maintien d’ordre ? – Comment compte-t-il démontrer que les éclats d’obus supposés lancés par les FDS sur le marché Siaka Koné d’Abobo-gare, ont été programmés pour distinguer entre les ressortissants du nord partisans d’Alassane Ouattara, des Ébriés et Attiés natifs de cette commune, ainsi que des Gouros et des Kroumen ? Entre les militants du RDR d’Alassane Ouattara et les militants du FPI de Laurent Gbagbo et ceux du PDCI d’Henri Konan Bédié ?
L’on pourrait égrener à souhait la liste des questions de fonds soulevées par les accusations et allégations « farfelues » et mensongères de la procureure dans le dossier, auxquelles cette dernière n’apporte aucune réponse sérieuse.
En vérité, si l’on veut être sérieux et rationnel un tant soit peu, on ne peut qu’affirmer l’impuissance du procureur dans ce dossier. Il n’a réussi à rien démontrer hier et ce n’est pas maintenant ou demain qu’il apportera en seulement une année ou deux de procès en appel, ce qu’il n’a pas réussi à trouver après 8 années intenses d’enquêtes et d’audition. Ou peut-être, demandera-t-il une dizaine d’années complémentaires de travail pendant lesquelles les acquittés resteraient à sa disposition loin de la Côte d’Ivoire !
Mais nous le savons tous, et la communauté internationale que représente la procureure sait encore mieux que nous, pourquoi la procureure ne réussira jamais à démontrer la responsabilité des acquittés dans ce dossier. L’affaire CPI contre Laurent Gbagbo n’est rien d’autre qu’un complot, un vulgaire montage juridico-politique savamment orchestré par l’ancien président français Nicolas Sarkozy, avec le soutien de l’Union européenne et de la Secrétaire d’Etat Hillary Clinton, tous proches relations d’Alassane Ouattara, désireux à l’époque de leur gouvernance de placer au pouvoir en Côte d’Ivoire leur filleul, poulain et ami.
Laurent Gbagbo à la Haye c’est la volonté de Nicolas Sarkozy de punir un Chef d’Etat africain indocile, rebelle à ses ordres de souverain de la françafrique, qui voulait remettre en cause la mainmise de la France sur la Côte d’Ivoire !
L’épisode judiciaire qui a suivi les « brimades » et la guerre menées contre le régime Gbagbo, visait tout au plus à parachever le complot par une décision d’éloignement judiciaire du président considéré à juste titre comme le plus grand opposant à leur poulain.
Voilà pourquoi, 10 voire 15 années complémentaires d’enquêtes n’apporteront pas de preuves de crimes contre l’humanité à opposer au Président Laurent Gbagbo. Ce dossier qui est éminemment politique ne pourra jamais tenir devant un juge de la CPI qui voudra l’examiner en toute indépendance. Certes, l’arbitraire reste toujours possible à la CPI, mais il devient de plus en plus difficile de le masquer aux yeux des démocrates et des puristes du droit au plan international qui suivent les affaires portées devant cette juridiction. L’affaire Gbagbo est devenue une affaire publique, africaine, mondiale et non plus seulement ivoirienne !
Le monde entier est aujourd’hui informé du rôle qui a été celui de la France, de l’ONUCI, des rebelles, des dozos ! Le monde entier n’est plus ignorant de la vérité de cette guerre de la France de Sarkozy contre la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo ! Le monde entier sait que les vrais criminels de guerre ainsi que les génocidaires, ne sont pas du camp de Laurent Gbagbo. Ils regardent avec beaucoup d’interrogations, la procureure de la CPI, qui rechigne à lancer des poursuites contre le camp Ouattara, confirmant ainsi les propos de Guillaume Soro, selon lesquels, en s’engageant dans la guerre « il avait reçu l’assurance d’Alassane Ouattara et de Nicolas Sarkozy, que jamais il ne fera l’objet de poursuites au plan international ».
Telle est la vérité du dossier Laurent Gbagbo. Laurent Gbagbo n’est en rien responsable de crimes contre l’humanité supposés commis pendant la crise postélectorale. Cette vérité est connue de la procureure Bensouda. La question qui se pose dès lors est celle de savoir pourquoi, alors qu’elle sait qu’au plan judiciaire elle ne gagnera pas contre Laurent Gbagbo, la procureure semble vouloir persister dans sa volonté de l’accabler et pourrait malgré la vérité ci-dessus décrite, déposer un recours devant la Chambre d’appel ? Poser cette question, c’est poser la question des enjeux de la décision d’acquittement du 15 janvier 2019.
LES ENJEUX DE L’ACQUITTEMENT.Sur la question de l’acquittement il y a deux groupes qui se font face. Ceux qui attendent la libération totale et définitive des deux acquittés et ceux qui en revanche sont contre cette libération et qui souhaitent dans le pire des cas, la prolongation ad aeternam de la procédure judiciaire.
Dans le premier camp on trouve naturellement les acquittés, leurs partisans et sympathisants ivoiriens et non ivoiriens qui ont depuis le départ adhéré au combat pour la libération du Président Laurent Gbagbo et de Charles Blé Goudé, un combat aujourd’hui perçu comme celui de la vraie libération de l’Afrique du joug des puissances occidentales.
Dans le second camp on trouve en toute logique, les tenants actuels du pouvoir, leurs alliés locaux auxquels se joignent les soutiens extérieurs, principalement constitués par les puissances occidentales dominatrices de l’Afrique, avec en bonne place, la France même si l’on devrait nuancer l’appréciation pour distinguer l’époque Sarkozy de l’époque Macron.
C’est au regard de ces deux groupe qu’il faut situer les enjeux dans le contexte actuel. Nous en voyons essentiellement deux : L’enjeu de la vérité historique sur la crise ivoirienne et l’enjeu de la Côte d’Ivoire de demain, de la Côte d’Ivoire post-crise. Sur le premier enjeu, la vérité historique sur la crise ivoirienne. La première conclusion qui s’évince de la décision de son acquittement et de sa libération, c’est la restitution de la vérité sur les graves évènements qui se sont déroulés en Côte d’Ivoire que la communauté internationale d’alors avait décidé de travestir en faisant du Président Laurent un bouc émissaire, le tenant pour responsable moral et pénal des tueries perpétrés par les forces rebelles qui soutenait Alassane Ouattara.
Si aujourd’hui la justice internationale déclare le Président Laurent Gbagbo non coupable des crimes à lui reprochés, c’est donc qu’il y a eu manipulation de l’opinion tant nationale qu’internationale par les médias internationaux, au sujet des vrais auteurs que sont les forces pro-Ouattara et les partisans de ce dernier. S’il y a eu manipulation des faits, c’est qu’il y a eu aussi manipulation de la vérité donnée par les urnes au cours de l’élection présidentielle qui fut on le sait, marquée par une fraude massive à ciel ouvert, dans les « zones CNO ». En clair, l’acquittement décidé consacre l’échec de la communauté internationale version Sarkozy-Hillary, c’est l’échec de la françafrique dans le dossier ivoirien.
En rétablissant la vérité sur la crise ivoirienne, la décision d’acquittement, et c’est heureux, réhabilite officiellement à la face du monde entier le Président Laurent Gbagbo dont l’image avait été ternie de façon systématique par les responsables politiques occidentaux et leurs médias à l’échelle du globe. C’est donc à la fois, une réhabilitation morale, judiciaire et politique du Président Laurent Gbagbo. Avec lui, se trouvent également réhabilités tous ceux qui, classés comme des pro-Gbagbo, ont fait l’objet de répression, d’emprisonnement ou ont dû partir pour l’exil pour sauver leur vie.
Dans le même temps, l’acquittement a pour effet de décrédibiliser ses adversaires d’hier et d’aujourd’hui, africains et occidentaux auxquels il faut joindre l’ONU de Ban Ki Moon qui a trempé dans les mensonges et s’est illustré par un flagrant parti-pris pour Alassane Ouattara.
Sur le deuxième enjeu, la Côte d’Ivoire de demain.
C’est la chance qui s’offre à la Côte d’Ivoire, de mettre un terme à une gouvernance déléguée, extravertie et appauvrissante, pour s’engager résolument dans la reconstitution du tissu national déchiré.
Quitter une gouvernance déléguée par les puissances occidentales depuis leurs capitales à des relais locaux sans autonomie de gestion, préoccupées de satisfaire avant tout le monde leurs intérêts nationaux, plutôt que de servir les ivoiriens, qui par conséquent s’appauvrissent chaque jour davantage, en dépit des chiffres factices de taux de croissance annoncés. Renouer avec une gouvernance souveraine de la Côte d’Ivoire axée sur les problèmes et les besoins fondamentaux des ivoiriens, telle qu’elle avait été enclenchée avec le programme politique réaliste de la refondation. Avec l’acquittement et le retour prochain du Président Laurent Gbagbo, l’espoir de vivre à nouveau une telle politique soucieuse du bien-être quotidien des ivoiriens est une certitude.
A l’évidence, une telle posture met en danger les intérêts égoïstes de ceux qui n’ont jamais cessé d’exploiter la Côte d’Ivoire et qui voient pour cette raison l’acquittement comme un danger.
En second lieu, l’acquittement, la libération et le retour en Côte d’Ivoire du Président Laurent Gbagbo, constituent une véritable chance pour ressouder le tissu national profondément défiguré par le discours tribaliste du rattrapage ethnique. La réconciliation des ivoiriens, artificiellement divisés par les initiateurs de la rébellion est en panne, car n’intéressant personne d’autre en dehors du FPI et de son président, Laurent Gbagbo.
L’acquitté Laurent Gbagbo est le chainon manquant du processus de réconciliation. Le ballet des hommes politiques de tous bords qui défilent à la Haye d’abord, en Belgique ensuite, achève de convaincre que son retour en Côte d’Ivoire est attendu et sera le point de départ de la réconciliation véritable. Tels sont les enjeux principaux de la décision d’acquittement. Il y en a d’autres présentant un intérêt certain tel, l’enjeu électoral de 2020. Le retour fort probable du Président Laurent Gbagbo entraine dès à présent une reconfiguration du paysage politique, avec des rapprochements inédits tel celui entre le FPI et le PDCI qui trouble le sommeil du parti au pouvoir, le RHDP parti unifié sous la direction d’Alassane Ouattara.
QUE CONCLURE ?Il n’est pas possible de clore le présent exposé en éludant la question que chacun se pose silencieusement, à savoir quelles sont les chances de libération définitive des acquittés Laurent Gbagbo et Blé Goudé ? Une question qui ramène à s’interroger sur les chances de voir la procureure Fatou Bensouda, agir contre les intérêts qu’elle a toujours défendus, pour désister d’un éventuel recours devant la Chambre d’appel, mettant un terme ce faisant, à la procédure judiciaire contre les acquittés ?
Il faut d’abord se convaincre que de réelles chances de voir la procédure arrêtée existent. Elles se fondent en premier sur la vacuité notoire du dossier. Elles s’appuient ensuite sur le fait, que contrairement aux schémas de violences annoncés par certains critiques de la décision, que ni en Côte d’Ivoire, ni en Europe, des incidents ou troubles n’ont été signalés durant toute la période qui a suivi la libération des deux prévenus.
Enfin, surtout elles se fondent sur l’impératif de réconciliation des ivoiriens et la chance que constitue à cet effet la libération et le retour en Côte d’Ivoire du Président Laurent Gbagbo. Sa posture pro-réconciliation malgré ce qu’il a subi, n’a jamais varié. Par le passé cet homme a fait la preuve qu’il était pour la paix au sein de la classe politique et en Côte d’Ivoire.
Les visites ininterrompues qui lui ont été rendues à la prison de Scheveningen et aujourd’hui en Belgique, par la quasi-totalité de la classe politique ivoirienne, sont la preuve qu’il est pour celle-ci un « rassembleur », un homme de conciliation. En clair, Laurent Gbagbo apparait aujourd’hui pour le PDCI, le RHDP et pour la grande majorité des ivoiriens comme une véritable chance pour la réconciliation nationale et donc pour la paix.
En regard de cela, l’attitude attendue de la communauté internationale et partant de la CPI, c’est de plutôt d’agir dans le sens d’encourager les ivoiriens à aller vers la réconciliation et la paix, et non de constituer un obstacle à cet espoir de paix en prenant la décision peu judicieuse d’interjeter appel et d’ouvrir une procédure perdue d’avance.
J’ai confiance que la communauté internationale qui sait que l’intérêt des ivoiriens se trouve aujourd’hui, plus dans la réconciliation qui devient possible par la libération de Laurent Gbagbo, saura conseiller à la procureure Fatou Bensouda de prendre la bonne décision le moment venu. Quant à la procureure elle-même, elle sait ce qu’elle gagnerait à être pro-réconciliation plutôt qu’anti-réconciliation !
Sur ce point, la tâche nous revient à nous militants du FPI, de fortement communiquer sur cette attente quasi-unanime du peuple ivoirien, afin que la communauté internationale, la CPI et plus particulièrement Fatou Bensouda en soient parfaitement conscientes, et décident de mettre fin à la procédure. Bon anniversaire et bon retour en Côte d’Ivoire au Président Laurent Gbagbo. Je vous remercie de votre aimable attention. Le Professeur Oulaye Hubert Président du Comité de contrôle du FPI