Le Bureau de Prospective Economique de la Primature vient de publier un indice national de la qualité de vie (IQV) au Sénégal, sous la plume de Moubarack LO et Amaye Sy. Ce travail s’inscrit dans le cadre conceptuel de l’émergence pris au sens large qui peut être représenté par une image verticale du bas vers le haut, avec un diagramme qui dépeint un « schéma pyramidal ». La promotion de la qualité de vie occupe la dernière strate de la pyramide après l’étape d’émergence économique. En conséquence, la question de la mise en place d’un indice pour la mesure et le suivi de la qualité de vie se pose naturellement.

Cette mesure passe prioritairement par la saisie du concept de qualité de vie. Toutefois, depuis son apparition dans le discours politique dans les années « 50 », le concept demeure sans fondement théorique consensuel malgré de nombreuses tentatives de conceptualisation.

En dépit de ce manque de consensus autour du concept, deux approches scientifiques sont généralement adoptées pour mesurer la qualité de la vie. Dans son étude, le BPE a préféré recourir à des indicateurs objectifs plutôt que de choisir l’approche reposant sur des données de bien être subjectif.

Pour cela, 11 dimensions de la qualité de vie déclinées en 32 sous-dimensions et en 70 indicateurs ont été sélectionnées par le BPE. La sélection des indicateurs est basée sur leur importance, leur pertinence dans la dimension considérée et la disponibilité de données chronologiques. Les données utilisées pour le calcul couvrent la période 2005-2015. Elles proviennent de sources officielles : ANSD, directions nationales, agences de l’Etat, organisations internationales. Ainsi, l’indice de qualité de vie agrège les informations contenues dans les indicateurs sélectionnés.

Afin de permettre la comparaison des indicateurs et donc d’éviter le problème d’hétérogénéité de leurs unités de mesure, une transformation leur a été appliquée. Chaque indicateur a ainsi été divisé par une valeur de référence qui représente un niveau cible. Selon la disponibilité de la donnée, une référence est fixée prioritairement comme une valeur cible des Objectifs de Développement Durable (ODD), une norme minimale fixée par une organisation internationale ou la moyenne de l’indicateur au sein du groupe des pays à revenu intermédiaire supérieur selon la classification de la Banque Mondiale. Ainsi, l’indice vaut 100 si tous les indicateurs considérés sont égaux à leurs cibles ODD de 2030.

À partir des choix réalisés, un indice composite de qualité de vie (IQV) permettant de mesurer la qualité de vie des Sénégalais a été construit. Il ne cherche pas à mesurer un niveau de qualité de vie en tant que tel, mais bien son évolution dans le temps. Toutefois, la méthode de normalisation des indicateurs retenue permet d’apprécier le chemin qui reste à parcourir pour l’atteinte des cibles. L’indice est calculé en 2005, 2010, 2014 et 2015.

L’analyse du résultat révèle qu’en 2015, globalement, le pays est légèrement en dessous de la barre des 50, correspondant à la moitié du chemin dans l’atteinte des ODD inclus dans l’indice. Au niveau des dimensions, seuls les sous indices de deux composantes, « Logement, environnement, cadre de vie » et « connectivité », sur onze, ont franchi cette barre de 50 sur 100. En évolution, la qualité de vie est en hausse durant toute la période 2010 à 2015. Une accélération significative apparait entre 2010 et 2015 comparée aux cinq années précédentes. En effet, l’indice global a gagné 5,6 points entre 2010 et 2015 tandis qu’une hausse de 3,5 points est enregistrée entre 2005 et 2010.

La dimension « santé, nutrition » est la composante qui contribue le plus à la hausse de la qualité de vie durant la période 2010-2015, suivie des dimensions « Revenu », « Transports » et « Travail ».

L’étude fait également la comparaison de la dynamique de l’IQV avec celles d’indicateurs de référence qui mesurent partiellement la qualité de vie. Il est ainsi comparé à deux indices de pauvreté utilisés au Sénégal: l’indice de pauvreté multidimensionnelle (IPM) et les indicateurs de bien-être comme le PIB par tête ou la consommation par tête.

La dynamique globale de l’IPM correspond à celle de l’IQV sur toute la période, tandis que l’accélération de l’IQV entre 2010 et 2015 ne se reflète pas dans la perception des ménages qui s’est à l’inverse dégradée sur cette demi-période. La comparaison avec les indicateurs de bien-être économique que sont le PIB par habitant et la consommation par habitant révèle que les évolutions de ces deux indicateurs sont conformes à celle de l’IQV.

Cependant ces indicateurs utilisés à des fins de comparaison ne sont pas des indicateurs de la qualité de vie et l’IQV amène de ce fait une réelle valeur ajoutée. En effet, grâce au nombre de ses dimensions et de ses indicateurs, l’IQV couvre de multiples aspects de la qualité de vie. Il est complémentaire aux indicateurs économiques qui se limitent, quant à eux, à mesurer le bien-être des Sénégalais à partir de leurs seules ressources financières. Il a de plus l’avantage d’être transparent, décomposable et facilement communicable.

Malgré tout, l’indicateur se cantonne à mesurer l’évolution de la qualité de vie pour un Sénégalais « moyen ». Il convient donc de poursuivre les recherches afin d’améliorer la mesure de la qualité de vie au Sénégal. Ainsi, une enquête sera menée dans les prochains mois, avec pour objectif d’incorporer plus d’indicateurs et d’aborder la question des inégalités. Ceci permettra de construire des indices de qualité de vie spécifiques à certains groupes de la population sénégalaise ou aux régions et départements du pays. Ce qui facilitera les choix de politiques publiques d’investissement au niveau local. Source : Primature de la République du Sénégal