Les dernières statistiques publiées par « UK Health Protection Agency » en Décembre 2012, établissent une baisse importante du nombre de nouvelles infections du VIH dans beaucoup de pays d’Afrique, alors qu’il grimpe dans sa Diaspora. Un article de la journaliste Sierra Léonaise Mariama Kandeh datant du 18 Juillet 2011 dit que les communautés noires africaines de la Diaspora, notamment en Angleterre et au Canada, sont les plus touchées.
Dans le cadre d’une enquête que nous menons sur les raisons de la chute du taux de prévalence du VIH/SIDA en Afrique, particulièrement en Côte d’Ivoire, Notre consœur Achille Geneviève Gnoahou a renconté pour vous Mme Nathalie Flore Appia Azané. En service à l’Unité de Soins Ambulatoires et Conseils (USAC), hôpital spécialisé situé au sein du Centre hospitalier universitaire (CHU) de Treichville, Abidjan, Mme Nathalie Flore Appia Azané est Assistante sociale.
Nathalie Flore Appia Azané: Le taux de prévalence du VIH a chuté en Côte d’Ivoire grâce aux nombreuses campagnes nationales et aux efforts assidus du secteur de la santé publique, privé ainsi que des ONG impliquées dans la lutte contre le SIDA. Ce sont des campagnes constantes et qui ont donc fini par faire prendre conscience à tout un chacun qu’il est devenu impérieux de se prendre en charge soi-même en se protégeant.
Combien de type de campagnes avez-vous, vous permettant de vous adresser aux religieux, aux élèves, aux non religieux, entre autres ?
Nous avons plusieurs types de campagne. Par exemple, au niveau des activités communautaires, nous faisons la promotion de l’abstinence et la fidélité, du port correct du préservatif. Et on a assisté à une intensification des activités à l’endroit des jeunes, notamment des jeunes non scolarisés. Ces séances de sensibilisation sont suivies de dépistage volontaire, elles sont adaptées aux différentes communautés et s’étendent jusque dans les entreprises et secteurs d’activité.
Quelles sont vos interventions au niveau des religieux?
A niveau religieux, bien que n’encourageant pas le port du préservatif, l’accent est mis sur la chasteté, la sensibilisation sur les autres modes de transmission. Certaines confessions vont jusqu’à la demande du test de dépistage aux couples candidats au mariage. Certains religieux sollicitent des professionnels pour entretenir les fidèles sur les modes de transmission autres que par le sexe.
Comment savez-vous que ces campagnes portent des fruits?
Les structures de dépistage ont augmenté du fait du nombre croissant de personnes qui viennent se faire dépister. Il y a eu également la mise en place d’un algorithme simplifié de dépistage par piqûre au bout du doigt, la diversification du personnel de santé apte à le réaliser, entre autres, médecins, infirmiers, sage femmes et les assistants sociaux. Et nous sommes toujours en plein développement de stratégies nouvelles de dépistage. A la fin 2010, on dénombrait 738 sites de conseil et dépistage.
Combien de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) sont prises en charge en Côte d’Ivoire?
Selon un rapport provisoire du Programme National de Prise en Charge Médicale (PNPEC), le nombre de personnes vivant avec le VIH sous traitement ARV s’accroît de plus en plus. Il est passé de 72 011 en 2009 à 82 7212 en 2010 et était récemment de 89 410 en 2011.
Alors, tous les PPVIH dont le CD4 est inférieur à 350 sont-ils pris en charge? Combien de patients avez-vous sur la liste d’attente en ce moment?
En réalité, toute personne déclarée séropositive est orientée vers un centre de prise en charge pour être mis dans le circuit de soins. C’est la mise sous antirétroviraux qui est soumis à des critères éligibilité qui sont nationaux. A ce jour, tous ceux dont le CD4 est inférieur ou égal à 350 sont mis sous traitement ARV en Côte d’Ivoire. En revanche, je ne saurais vous dire combien sont sur la liste d’attente puisque c’est un chiffre qui change avec le comptage du CD4. En tout cas, tous ceux qui sont ne pas encore sous traitement bénéficient également d’une prise en charge et d’un suivi.
Et la prise en charge au niveau de la transmission mère-enfant?
Au niveau de la prévention de la transmission mère-enfant (PTME), le nombre de sites offrant les services PTME est passé de 554 en 2009 puis à 633 en 2010, dépassant ainsi la cible de 537 sites prévus en 2010. Toutes les 20 régions sanitaires et les 79 districts sanitaires offrent des activités de PTME.
On estimait à 450 000 le nombre de personnes vivant avec le VIH en Côte d’Ivoire dont 220 000 femmes âgées de 15 ans et plus et 63 000 enfants âgés de 0 à 14 ans. Dans la population de PVVIH, on estime respectivement à 150 000, soit 38% (CD4 inférieur à 200) et 230 000 soit 59% (CD4 inférieur à 350) les plus de 15 ans, et à 29 000 (46%) les enfants qui ont besoin d’ARV.
Tous les enfants sont-ils pris en charge également?
Oui, bien sûr ! Tous les enfants concernés sont pris en charge et mis sous traitement.
En 2006, l’ONG “Lumières et Actions” avait révélé sur une radio dédiée aux personnes séropositives basée en France appelée “Survivreausida” qu’il y avait une rupture des ARV en Côte d’Ivoire. Y a-t-il une rupture régulière des ARV dans le pays?
Oui effectivement il existe de fréquentes ruptures dans la disponibilité des ARV, rendant difficile l’amélioration de l’observance chez les PVVIH. Ce qui agit sur l’état de santé des clients déjà sous traitement.
Combien de cas de décès dus au VIH/SIDA y a-t-il eu en Côte d’Ivoire depuis 2010?
Selon l’ONUSIDA, 36 000 cas de décès dus au VIH ont été enregistrés en 2009. En outre, ces estimations portent à 440 000 le nombre d’orphelins et enfants rendus vulnérables du fait du SIDA dans le pays.
Quels sont les difficultés que vous rencontrez dans le domaine de la lutte contre le VIH/SIDA aujourd’hui en Côte d’Ivoire?
Le manque de ravitaillement constant entraîne malheureusement les problèmes des “perdus de vue”, de mauvaise observance, la démotivation du personnel médical et paramédical due à l’insuffisance des infrastructures et au manque d’équipements qui joue sur le ravitaillement régulier des médicaments.
La stigmatisation toujours présente est la cause principale du non partage à autrui de son statut par la personne vivant avec le VIH, par peur du rejet basé sur des préjugés. Dans nos différentes interventions sociales, il nous est parfois arrivé de constater que cette stigmatisation n’épargnait aucune couche socioprofessionnelle, en dépit des nombreuses campagnes de sensibilisation.
Au niveau des religieux, nous avons constaté qu’ils peuvent être des alliés mais peuvent aussi être à la base des “perdus de vue” quand leurs interventions sont mal orientées. Leur formation serait d’une grande aide car ce sont de grands leaders d’opinion avec qui il va falloir compter pour faire passer les messages justes dans les communautés.
Que faites-vous pour pallier au manque de ravitaillement constant d’ARV ?
Les médicaments sont gratuits et donc nous n’avons pas d’autre choix que d’attendre qu’ils soient disponibles. Nous essayons de jongler avec la situation en demandant un éventuel surplus de stocks à certains centres d’approvisionnement. Alors s’ils n’ont rien, il n’y a pas de solution. Il serait peut-être temps de songer à trouver une solution, quitte à faire contribuer les populations car ces ruptures qui sont de plus en plus fréquentes n’arrangent personne. Il y va de l’amélioration de la qualité des soins et du bien-être des personnes vivant avec le VIH/SIDA.
Qu’est-ce qui explique la démotivation du personnel médical?
La charge de travail, la qualité des infrastructures, le manque d’équipement et les fréquentes ruptures dans disponibilité des traitements ARV finissent par émousser la volonté des différents acteurs de la prise en charge de l’infection à VIH qui, malgré tout, abattent un travail formidable avec peu de moyens, la santé et la joie de vivre à des milliers de personnes infectées ou affectées par le VIH/SIDA.
Selon des experts dans le domaine du VIH SIDA, si le séropositif, pour une raison ou une autre ne prends pas régulièrement les médicaments anti retro viraux, cela crée non seulement une réinfection au niveau de son système immunitaire mais aussi peut créer des conditions qui font que les médicaments qui convenaient bien au système du séropositif, n’arrivent plus à s’adapter aux changements opérés dans le corps par le virus, dus à l’arrêt des médicaments.
Interview réalisée par Achille Geneviève Gnoahou