Nokuleta Dube, la femme qui a co-fondé la première école noire en Afrique du sud et a popularisé l’hymne national
A propos du film
Le Samedi 27 juin à la salle Les Frères Poussières d’Aubervilliers, le réalisateur malien Chérif Keïta présente pour la première fois en France, son documentaire Remembering Nokutela/uKukhumbula uNokutela (57 minutes) réalisé en 2013. Cette œuvre est un hommage à Nokutela Mdima Dube, la femme qui a planté les semences de la chorale zouloue moderne et a contribué à populariser la chanson « Nkosi Sikelel’iAfrika », devenue depuis l’hymne national de l’Afrique du sud. L’universitaire et réalisateur malien lui a non seulement consacré un film mais s’est également battu pendant quatre ans pour la sortir de l’oubli. Grâce à son combat, elle est entrée au panthéon des héros de la libération d’Afrique du Sud le 31 août 2013 et une pierre tombale a été inaugurée à sa mémoire.
Soutenu par le Comité Joseph Ki Zerbo, cette projection (entrée libre) qui s’intègre à la programmation de la salle centrée sur l’Inde sera suivie d’un débat en compagnie du réalisateur qui rappellera les liens unissant le couple Dube et le Mahatma Gandhi, voisins et militants anti-apartheid, et de la danseuse indienne Sangeeta militant pour une pratique de l’art dans les couches sociales défavorisées et ouverte à plusieurs formes de danse dont les danses africaines.
A propos de Nokutela Dube (1873 1917)
Nokutela Dubeest la première femme noire sud-africaine à avoir créé une école pour les enfants noirs, Ohlange Institute, devenu plus tard Ohlange High School. Epouse de John Dube, co-fondateur et premier président de l’ANC, elle a voyagé en sa compagnie aux Etats-Unis entre 1896 et 1899, a rencontré Booker T Washington et le Woman’s Board of Missions a publié son histoire en 1889 sous le titre “Africa – The Story of my Life”.. En 1900, elle crée la première école professionnelle pour les noirs en Afrique du Sud, inspirée de la philosophie de Booker T Washington. En 1903, elle lance avec son mari le « Ilanga laseNatali » (The Sun of Natal), un journal en anglais et en zoulou. Dans le cadre de son enseignement, Nokutela se consacre à la musique et joue plusieurs instruments. En 1911, elle publie avec son mari Amagama Abantu (A Zulu Song Book), un recueil de chants combinant traditions chorales zouloues et occidentales, fondant ainsi les bases des premières chorales modernes sud-africaines noires. Elle a contribué avec son mari à populariser « Nkosi Sikelel’iAfrika », devenu depuis l’hymne national de l’Afrique du sud. En 1912, en effet, sa chorale interprète le titre à l’occasion du meeting du South African Native National Congress : treize ans plus tard, il devient officiellement l’hymne de l’ANC puis plus tard l’hymne sud-africain. Inspiratrice de nombreuses femmes sud-africaines dont l’activiste Cecilia Lillian Tshabalala, fondatrice en 1932 du club Daughters of Africa, (prémices du mouvement féministe africain), Nokutela Dube a été enterrée dans une tombe anonyme où était marquée l’inscription CK pour Christian Kaffir (nègre chrétien). Il faudra l’énergie de l’universitaire malien Cherif Keïta qui lui consacre un film en 2013 et milite pour sa reconnaissance pendant quatre ans pour que l’état sud-africain lui offre une stèle à sa mémoire après que sa tombe eut été identifiée en 2009 par le Johannesburg Parks and Cemeteries Service. C’est dans l’école qu’elle avait cofondée avec son mari que Nelson Mandela a choisi de voter pour les premières élections démocratiques jamais organisées en Afrique du Sud.
« Quelle femme, quel destin », s’est exclamée la réalisatrice française Marion Stalens, après avoir vu le film. Et l’universitaire américaine Carol Donelan de dire : » C’est une oeuvre incroyablement émouvante, avec la force narrative d’un film policier ou d’un mystère. J’ai adoré la clarté de vision de Keita et le rythme qu’il donne à son récit. C’est du cinéma de génie ! »
Quelques reportages sur le film:
http://www.bbc.com/news/magazine-27702630
http://www.northfieldhistory.org/posts/northfield-mandela-and-me/
A propos de Cherif Keïta
Né à Bamako, au Mali, Cheick M. Cherif Keïta a poursuivi ses études supérieures à l’ISTI à Bruxelles, en Belgique où il a obtenu un diplôme de traducteur anglais et russe avant de se rendre à l’Université de Géorgie, dans le sud des Etats-Unis pour son doctorat en langues et littératures romanes avec une spécialisation en histoire et politique africaines. Il est actuellement professeur de français, de littérature africaine et afro-caribéenne à Carleton College dans le Minnesota. Il est aussi l’auteur de Massa Makan Diabaté : un griot mandingue à la rencontre de l’écriture paru chez l’Harmattan en 1995 et Salif Keïta : l’ambassadeur de la musique du Mali (editions Grandvaux, 2009), un hommage à son cousin germain. Il a également produit et réalisé deux films documentaires sur l’histoire de l’Afrique du sud : Oberlin Inanda : the life and Times of John L. Dube (2005, Mention spéciale au Fespaco) et Cemetery Stories : A rebel missionary in South Africa (Sélection officielle du Fespaco 2009).