Par Mohamed Sylla
(LIDER, 23 octobre 2013) – Hier matin, la presse nationale et internationale relayait l’information selon laquelle des échanges de tirs se déroulaient entre des militaires à la caserne de la brigade anti-émeute (Bae), à Yopougon. Encore une fois, les populations ivoiriennes ont eu droit à des frayeurs de la part des éléments de l’armée d’Alassane Dramane Ouattara. Cet événement remet à l’ordre du jour la question du désarmement et de la réforme du secteur de la sécurité.
Sur la première question, le constat est que deux ans après sa prise de pouvoir, Alassane Dramane Ouattara donne le sentiment de ne pas tenir son armée. Comment se fait-il que lui, président de la république, chef de l’Etat, ministre de la Défense, chef des armées, président du conseil national de défense, président du conseil national de sécurité, n’arrive pas à garantir un minimum de sécurité aux Ivoiriens ? A la vérité, toutes ces institutions ne servent qu’à faire du remplissage pour caser les fidèles du créateur de la doctrine du rattrapage ethnique et à produire de belles déclarations, qui s’avèrent totalement inefficaces sur le terrain.
Par exemple, depuis un an qu’il existe, le conseil national de sécurité ne fait preuve ni de réalisme, ni de pro activité. Au Cns, ils sont constamment surpris par les événements et n’ont jamais proposé ni stratégie de désarmement des ex-combattants, ni modalités de démobilisation des dozos et autres miliciens. Le statut de la fonction militaire demeure inexistant. La promesse d’un plan de mise en place de la nouvelle armée est devenue le serpent de mer de la réforme du secteur de la sécurité. Ce manque de vision conduit à des bavures comme celle qui s’est produite le weekend dernier, lors duquel des éléments des Frci ont battu à mort un conducteur de taxi. Dans un pays normal, cela ne peut pas se produire. Mais en Côte d’Ivoire, les populations sont livrées aux Frci, l’Ivoirien lambda peut se faire tuer en pleine rue, sans conséquence, pendant que le Dr. Ouattara et les autres dignitaires du régime, eux, sont bien gardés par l’Onuci et leur garde rapprochée appelée Forces spéciales.
Mais n’allez pas penser que Ouattara est pris en otage par les Frci ! Non, Ouattara n’est pas pris en otage par les ex-combattants. Il est leur chef, d’ailleurs il fait leur promotion et se dit très fier de leur rébellion meurtrière de 2002 à 2011. Il ne fera rien donc pour mettre de l’ordre dans les forces armées parce que la situation actuelle l’arrange pour laisser planer l’insécurité et la violence et ainsi préparer les élections de 2015 en maintenant les populations dans la terreur, lui qui a vu sa base électorale, désillusionnée par son manque de solutions, s’effriter depuis qu’il préside aux destinées de la Nation.
La classe politique, et surtout l’opposition, doit en prendre conscience et agir pour faire en sorte que Ouattara s’engage dans la voie de l’Etat de droit, dont la Côte d’Ivoire s’est plus que jamais éloignée depuis que Ouattara au pouvoir. L’Onu, qui l’a soutenu, doit aussi s’engager plus et s’adonner moins au dilatoire et aux atermoiements. A LIDER, nous disons qu’il faut d’abord urgemment définir une doctrine de défense et de sécurité qui ne soit pas un chapelet de pieuses déclamations.
«Quelles défense et sécurité nationales ? Pour quoi faire ? Faut-il à la Côte d’Ivoire, une armée de conscription ou une armée professionnelle ? Nous faut-il encore avoir recours à des appelés qui servent de chair à canon quand on est dos au mur ou bien doit-on se contenter des seuls engagés ? Dans quelles proportions ? Pour quelles durées les uns et les autres seraient mis au service de l’armée ? Pour quelles missions et dans quel cadre?» Telles sont les questions qui ont été posées depuis longtemps par le président de LIDER, le Pr. Mamadou Koulibaly, sans que réponses satisfaisantes lui soit donné. Et pourtant, aucune véritable réforme de l’armée et du secteur de la sécurité ne pourra avoir lieu tant qu’il en sera ainsi.
Il est grand temps que le Dr. Ouattara et l’Onu se mettent au travail !
Mohamed Sylla est le Délégué national aux Réformes institutionnelles de LIDER