Des coups de feu près du Grand Hôtel de Kinshasa – La GR en alerte rouge

Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu 

DESC Confidentiel | Les habitants de Kinshasa, dans le quartier du Grand Hôtel de Kinshasa, ont certainement entendu des sirènes de coups de feu le dimanche 5 juillet 2015 aux alentours de 20h, semant une certaine panique dans les milieux expatriés de ce coin huppé de la capitale congolaise. Certains témoins avaient décrit des bruits de tirs dans le secteur du camp Tshatshi, lieu d’encasernement de la Garde républicaine (GR), l’unité d’élite chargée de la sécurité présidentielle.

Après vérification approfondie de DESC auprès des sources militaires internes, ces coups de feu provenaient d’une position de la GR dénommée Molokai, située non loin de l’ambassade d’Allemagne, le long du fleuve Congo, juste après le boulevard Tshatshi à Gombe. En réalité, les soldats de la GR avaient ouvert le feu sur une pirogue motorisée qui naviguait la nuit et qui avait l’air suspect. La pirogue a rebroussé chemin vers Brazzaville après ces tirs. Il s’agissait sans doute des trafiquants clandestins opérant généralement la nuit.

En réalité, ce fait était la conséquence de l’état de nervosité qui caractérise la garde républicaine ces derniers jours dans la capitale congolaise où toutes les troupes de la Garde républicaine ainsi que les unités de la Zone de défense 1 (Bas-Congo, Bandundu, Equateur et Kinshasa) sont en alerte rouge, accroissement supplémentaire dans le déploiement des forces, au lendemain des festivités de l’indépendance au Bas-Congo.

Avec l’alerte, tous les soldats sont sur les nerfs, au moindre incident, l’ordre leur a été donné d’ouvrir le feu. Les commandants d’unités ont été priés de rester à leur poste et d’y passer la nuit avec leurs troupes. Ce qui fait que les militaires sont très nerveux car ils passent la nuit à la belle étoile depuis 4 jours.

Kinshasa a frôlé une mutinerie de grande ampleur proche des pillages de 1991

Selon des informations reçues des sources militaires crédibles, la capitale congolaise a frôlé des pillages sans précédent. « De mystérieuses personnes ont jeté des tracts dans différents camps militaires de la capitale: Kokolo, camp Ndolo (siège de la force aérienne), camp de la force navale à Kingabwa, camp Badiadingi à Mont-Ngafula. Ces tracts, selon notre source, faisait circuler une « rumeur » selon laquelle : le président Kabila a donné une prime de 100$ américains, des sacs de riz, des cartons de poulets à chaque soldat pour la fête de l’indépendance du 30 juin 2015, comme il le fait en principe chaque année. Mais que tous ces produits ont été détournés par les Généraux Dieudonné Banze Lubunj (Chef d’état-major de la force terrestre et ancien commandant de la GR) et Gabriel Amisi Kumba Tango Four (Commandant de la Zone de Défense 1). C’est qui n’est pas exact car cette année, rien n’a été prévu dans ces sens (primes, rations et dotations militaires). En conséquence, les soldats de ces casernes ont commencé à grogner. Il s’agit d’une intoxication ».

Les militaires à la base de la grogne ainsi que les instigateurs de la tentative de mutinerie du 30 juin 2015 ont été dénoncés par leurs camarades d’armes. Ils ont été arrêtés et sont actuellement interrogés par les services de renseignement militaire (Démiap Intérieur) ainsi que chez le T2 GR, chargé de renseignement militaire au sein de la Garde républicaine, le général de brigade Crispin Tshiwewe Songesa[1].

Le cortège de Kabila a essuyé des tirs à Kinshasa, à son retour du Bas-Congo 

Selon toujours nos sources militaires : « Le président Kabila, en revenant le 3 juillet 2015 du Kongo Central, a décidé de se rendre immédiatement au Domaine présidentiel de la Nsele (DPN), devenu depuis plusieurs mois son lieu de résidence à Kinshasa. Et en route vers 21 heures, le cortège présidentiel va essuyer des tirs à la hauteur de Nganda Maboke, un lieu de la périphérie de Kinshasa connu pour ses restaurants d’appoint spécialisés dans la préparation des papillotes de poissons, fraîchement pêchés du fleuve, situé entre Kibomango (un centre d’entrainement de la GR) et le DPN. Les tirs ont touché le véhicule de pointe, situé en tête du cortège sans causer mort d’hommes ni des blessés. L’incident s’est déroulé dans une zone boisée et pas du tout éclairée du tout. Mais le cortège est parvenu de poursuivre sa route jusqu’au DPN. Quelques éléments du Régiment Sécurité et Honneur (RSH) de la protection rapprochée du président, dont le nouveau commandant est le colonel Mpanga – un ancien commandant du bataillon missiles de la GR – vont effectuer un ratissage tactique de la zone d’incident par bouclage et encerclement du périmètre de la zone ciblée sans toutefois retrouver les assaillants.

Cet incident n’est pas une première. Lors de la révolte populaire de janvier 2015 contre la tentative avortée de Kabila de conditionner la tenue des élections au recensement de la population, une grande cache d’armes a été découverte par la Démiap et les services de renseignement de la GR dans l’enceinte de l’usine brassicole Bralima (qui fabrique la célèbre bière kinoise Primus) sur l’avenue du Flambeau situé à Ndolo, à Kinshasa. A ce jour, les propriétaires de cette cargaison n’ont jamais été identifiés par les services de renseignements alors que le DG de la Bralima et son staff ont subi des interrogatoires musclés de 72 heures[2], en présence du Général Olenga. A cela, une autre source militaire de la MONUSCO nous a rapporté que durant la révolte de janvier 2015, les éléments de la police militaire, sous le commandement du chef d’état-major général des FARDC, le Didier Etumba, à la rescousse de la Garde républicaine inopérante, ont ramassé des armes n’appartenant pas aux FARDC, abandonnées dans les rues du centre-ville et des liasses de billets des francs congolais neufs[3].

A l’allure où vont les choses, il n’est pas étonnant de voir des coups similaires se multiplier, tant Kabila, de plus en plus isolé politiquement (pratiquement sans base populaire), diplomatiquement (abandonné par ses parrains occidentaux même s’il jouit encore du soutien de Kigali et de Kampala en tant que leur « dernier empereur chinois » en RDC) et militairement par une armée clochardisée et divisée comme sous les temps de la fin de Mobutu.

Nous faisions déjà état de plusieurs cas de mécontentement au sein de l’armée et de la GR. En voici un témoignage : « Les katangais du camp Tshatshi sont méchants. Il y a quelques années ils applaudissaient le président mais ils commencent progressivement à se rendre compte de la réalité et sont maintenant contre Kabila en disant qu’il est rwandais. Les épouses des militaires du camp Tshatshi se prostituent pour nourrir leurs enfants. D’ailleurs, un militaire a tué sa femme lorsqu’il a appris qu’elle s’adonnait à ce genre d’activités à Binza pompage, dans la commune de Ngaliema à Kinshasa. Ces femmes des militaires se prostituent généralement derrière l’ITC (institut Technique Commercial) Ngaliema à partir de 18h00. La misère pousse ces familles des militaires à se nourrir des os de poulet. Mal payés, ces militaires n’ont pas le moyen d’acheter un poulet et elles se contentent de cela. Ces carcasses proviennent des usines de l’entreprise Congo Futur (NDLR : qui appartiendrait Jaynet Kabila), car elle utilise la chair du poulet pour fabriquer des saucisses que les kinois appellent ‘kanga journée’. Ces os de poulets, mélangés à la sauce des légumes appelés « Matembele », donnent le goût des poulets. Cela leur permet d’avoir l’impression de manger du poulet »[4].

A cela, il faut rappeler que lors du défilé du 30 juin 2014, DESC a également recueilli le témoignage suivantdes militaires congolais : « Monsieur Wondo, il y a un grand malaise dû au traitement non équitable des militaires. Certains militaires des autres unités seraient mécontents d’avoir reçu 30 dollars de prime de défilé du 30 juin 2014 contre 100 dollars pour leurs frères d’armes de la Garde républicaine qui ont reçu en plus 1 sac de riz et 1 cartons de poulet alors que du côté des autres militaires FARDC, on n’aurait reçu qu’un sac de riz et carton de poulet pour 4 soldats. Ils se plaindraient également d’un traitement injuste quant à leur dotation militaire en équipement. On parle grosso modo de 3 Kits individuels complets reçus par chaque élément de la garde républicaine contre 1 Kit d’équipement pour les autres. Un kit comprend une tenue militaire, une paire de bottines, un béret, une cartouchière et un sac de couchage par soldat et officier »[5].

Kabila en sursis et otage du pré-carré katangais ?

Comme nous l’écrivions dans nos analyses antérieures, à mesure que l’on va approcher de la fin des deux mandats constitutionnels de Joseph Kabila, la tension ne cessera de monter tant dans son camp militaire que dans son pré-carré sécuritaire qui se livre à une bataille de tranchées ces dernières années. Le maintien ou non de Kabila au-delà de 2016 divise ses partisans politiques et son entourage militaire.

Déjà en 2014, DESC a été la seule source à faire état d’une menace de démettre Kabila par la GR à la suite d’un mécontentement des éléments de la GR fidèles au général suspendu John Numbi Banze[6].

Selon une source militaire présidentielle : « Le chef est actuellement sous une forte pression constante du pré-carre militaro-sécuritaire qui l’oblige pratiquement à se maintenir au pouvoir et à ne montrer aucun signe de faiblesse. L’un des généraux puissants de cette clique est le Vice-amiral Damas Kabulo, l’actuel Secrétaire général du ministère de la Défense ». Dans notre récent ouvrage : Les Forces armées de la RD Congo, une armée irréformable ?, nous avons décrit de manière détaillée le rôle de Kabulo et de plusieurs personnalités militaires, policières et civiles de l’entourage sécuritaire de Kabila en dégageant certaines similitudes troublantes. Damas Kabulo est Mulubakat de Kalemie de père, sa mère est une Banyaviora (Tutsi de Moba). Un des premiers ex-FAZ à se rallier à l’AFDL.

Au cours d’une réunion sécuritaire importante sécrète, tenue à Kinshasa, Kabulo a déclaré ce qui suit en des mots très clairs: « vaut mieux perdre un mulubakat que perdre notre pouvoir. ». Selon notre source : « Il s’agit là d’une menace à peine voilée et que ce petit groupe peut renverser le président à tout moment si ce dernier renonce à se présenter en 2016 ou si il ne présente pas un dauphin qui correspond à leurs intérêt, que le pré-carré peux manipuler ». Et la source de conclure : « Ainsi, la marge de manœuvre du boss se rétrécit de jour en jour par rapport au pré-carre militaire. D’où son refus (silence) de se prononcer publiquement ou officiellement par rapport à son départ ou non après la fin de son mandat en 2016.

D’après toujours ces membres du cercle militaro-sécuritaire de Kabila, ils sont prêt à tout pour conserver le pouvoir, quitte à déclencher une guerre civile s’il le faut. Pour eux, « le pouvoir s’arrache. Il ne se donne pas, surtout pas par de la paperasse (bulletin de vote) mais le pouvoir est au bout du fusil ». Et notre source de commenter : « Ces messieurs, autour du Général Olenga, n’ont aucune notion de démocratie ou de d’alternance. Pour mes collègues du pré-carré : rien ne peut se faire en RDC sans eux ou contre eux. Ils prennent les pressions américaines et celles des autres occidentaux pour des gesticulations sans importance et inutiles. L’exemple burundais les inspire fortement et ils disent qu’il ne faut pas rêver. Les USA ne lanceront pas de missiles Tomahawks sur Kingakati ou le Palais de la nation si le boss passe en force ou fait passer en force sont éventuel dauphin. L’occident va juste miauler comme d’habitude mais en fin de compte, ils ne feront rien du tout, comme au Zimbabwe également.

Mais une chose est certaine, les signes de nervosité du régime deviennent tellement visibles que depuis ces deux événements, Ion constate présentement un déploiement de chars de combats et de véhicules blindés autour de la RTNC et du Palais de la Nation.

[1] Le général de brigade Crispin Tshiwewe (que l’on voit sur cette vidéo, à partir de la 3ème minute, commandant le défilé militaire du 30 juin 2014 en rendant les honneurs à Kabila : https://www.youtube.com/watch?feature=player_detailpage&v=B4gK_-ny6N4), 42 ans, est un Songye de Lubao (Kasaï-Oriental). Il est aussi un ex-FAZ ayant évolué au 313ème Bataillon de la 31ème Brigade Para des FAZ, qui était basé d’abord à Kamina avant d’être déployé à Bukavu en 1996. Il y est entré comme l’un des plus jeunes sous-lieutenants de son unité. La majorité de son unité s’est ralliée à l’AFDL en 1997.
[2] See more at: http://desc-wondo.org/rdc-apres-le-couac-militaire-de-janvier-2015-olenga-en-disgrace-etumba-reprend-du-galon/#sthash.TREVL0Nm.dpuf.
[3] http://desc-wondo.org/rdc-apres-le-couac-militaire-de-janvier-2015-olenga-en-disgrace-etumba-reprend-du-galon/#sthash.kKyb1onE.dpuf.
[4] See more at: http://desc-wondo.org/detournements-des-bourses-militaires-au-sein-des-fardc-desc/#sthash.8DB2ebgE.dpuf.
[5] See more at: http://desc-wondo.org/attaque-du-camp-tshatshi-bluff-ou-coup-de-colere-analyse-desc/#sthash.PH2IiSC4.dpuf.
[6] http://desc-wondo.org/alerte-desc-la-garde-republicaine-a-menace-de-renverser-joseph-kabila/ ou http://desc-wondo.org/john-numbi-et-joseph-kabila-le-desamour-apres-la-lune-de-miel/.