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Par RFI

Dans l’est de la RDC, au moins 21 personnes ont été tuées dans une attaque d’une extrême brutalité, a rapporté la Monusco dans un communiqué publié ce lundi 16 décembre. Selon la société civile, cette attaque porte la signature des ADF-Nalu, l’un des groupes rebelles les plus secrets et le plus redoutés en RDC.  Depuis des années, les ADF-Nalu terrorisent des dizaines de milliers de civils dans la région de Beni, dans le Nord-Kivu. Reportage.

Des prières sous une pluie battante. Rassemblés dans une petite maison aux murs de terre et au toit de tôle, ils sont une dizaine venus soutenir la famille qui habite là. L’angoisse est palpable. Il y a 15 jours, Véronique est partie planter des haricots. Elle n’est pas revenue.

Pour son fils, il n’y a aucun doute, sa disparition porte la signature des ADF-Nalu. « Ce qui nous a surpris, c’est que ce champ, il est tout près de la route principale. Et à cet endroit l’armée régulière est là. Donc on n’arrive pas à comprendre comment les ADF-Nalu viennent kidnapper jusqu’à 200 m de la route ! Ça me met en colère », s’emporte-t-il.

Kidnapper des femmes, des jeunes, parfois des familles entières pour peu qu’elles se soient trouvées dans les champs au mauvais moment, c’est en effet la marque de fabrique des ADF-Nalu, une rébellion ougandaise à l’origine qui demeure peu connue. La pratique est devenue frénétique. « Les cas d’enlèvement sont passés de 24 à 382 de 2010 à 2013 », indique Teddy Kataliko, président de la société civile à Beni.

660 kidnappings en trois ans

Au total, en trois ans, la rébellion a enlevé 660 personnes. Des recrutements forcés pour former des combattants ou travailler dans les champs. Selon John (pseudonyme), enlevé à l’âge de 19 ans et qui a passé six ans avec les ADF-Nalu, le mouvement se radicalise parce qu’il se sent menacé. « Avant, l’armée et les ADF cohabitaient très bien. Depuis que le gouvernement a lancé des opérations contre les ADF en 2010, ils sont devenus agressifs. Ils sont au courant qu’il y a une coopération entre l’armée ougandaise et congolaise pour lancer une offensive. C’est pour ça qu’ils sont plus méchants avec la population », affirme-t-il.

« Les ADF-Nalu interdisent aux civils d’aller dans les champs, car il peut y avoir des militaires qui se déguisent en civils pour essayer de les attraper. Du coup, quand ils voient quelqu’un dans les champs, ils le kidnappent plutôt que de prendre le risque que ce soit un militaire ou quelqu’un qui puisse révéler leurs positions », explique-t-il encore.

Depuis un mois, et après la victoire sur le M23, l’armée congolaise annonce une offensive imminente contre les ADF-Nalu. Mais à Oïcha, en plein cœur du territoire de la rébellion, l’offensive se fait trop attendre. Depuis un an, malgré la présence de l’armée et de casques bleus, la sécurité n’a fait que se dégrader. « Il faut que l’État en finisse une bonne fois pour toutes avec ces rebelles, pour qu’on puisse retourner dans nos champs cultiver. Car c’est ça notre activité ! Sinon, comment on va pouvoir manger ? », lance un habitant.


Qui sont les ADF-Nalu ? Un ex-rebelle témoigne

Les ADF-Nalu, ou « forces démocratiques alliées », sont un groupe armé ougandais au départ créé en 1995 pour renverser le président Yoweri Museveni. Aujourd’hui, le groupe figure en bonne place sur la liste des groupes rebelles à éliminer pour l’armée congolaise et la mission des Nations unies. Le mouvement est très peu connu, car il fait disparaître tous ceux qui s’en approchent.

John (pseudonyme) a quitté la rébellion il y a six ans. Enrôlé de force à l’âge de 19 ans avec la promesse de travailler dans une mine d’or, il a passé six ans aux côtés des ADF-Nalu, un mouvement très organisé, selon lui, où la religion occupe une place prépondérante : « En arrivant là-bas, on commence par vous envoyer à l’école coranique. On vous enseigne ce qu’est l’islam, ce qui est interdit, ce qui est permis. Si vous êtes ADF-Nalu, vous devez obligatoirement être musulman. »

« Souvent, ce sont les femmes qui coupent les têtes »

Et pour monter en grade, il faut être particulièrement pratiquant. John raconte une discipline de fer : des journées rythmées par le travail dans les champs, l’entraînement physique, les prières. Et l’interdiction absolue de transgresser les règles. « Si vous tentez de vous évader et qu’ils vous rattrapent, ils rassemblent tout le monde et vous exécutent en public, pour effrayer les autres et empêcher toute nouvelle tentative. Souvent, ce sont des femmes qui coupent les têtes. Quand vous êtes nouveau, on vous initie. On passe beaucoup de temps avec des femmes, elles vous accompagnent au champ par exemple, essaient de vous séduire. Si vous succombez, vous êtes fouettés. »

En 2007, après une offensive violente de l’armée, John décide de prendre la fuite. Aujourd’hui, il est incapable d’estimer le nombre de combattants ADF, mais selon lui, l’objectif serait toujours de renverser le président ougandais : « Selon l’enseignement qu’on reçoit, l’objectif est de combattre l’Ouganda et de renverser Museveni. Et par rapport au Congo, les comandants disent en rigolant : “Mobutu n’a pas su nous déloger, est-ce que le gouvernement de Kabila va y parvenir ?” »