“Ce qui est digne de respect chez Patrice Nganang, c’est que, tout écrivain qu’il est, il fréquentait les quartiers, y organisait des travaux de construction d’école, de voirie et d’assainissement, c’est qu’il a manifesté à Yaoundé, quasi seul, devant le palais de justice pour la libération d’Enoh Meyomessé, c’est qu’il est allé secourir les prisonniers, c’est qu’il a sillonné pendant un mois un pays en colère et dialogué avec ses leaders, défiant le pouvoir, en un mot c’est un homme de générosité, de sincérité, et surtout de courage. Insinuer qu’il a pris autant de risques pour sa gloire personnelle est, pire qu’une infamie, une stupidité…” (Odile Tobner). Achille Mbembe, qui a osé traiter Nganang de fou, a-t-il fait une de ces choses-là pour montrer qu’il est avec le petit peuple et qu’il se soucie de lui? Lui qui a écrit un beau livre sur Um Nyobè assassiné par la France parce qu’il voulait l’indépendance totale et immédiate du Cameroun, a-t-il une fois condamné la guerre que la France faisait à Laurent Gbagbo qui se battait pour une Côte d’Ivoire libre et souveraine? N’apporta-t-il pas plutôt son soutien, en même temps que le Béninois Paulin Houtondji, le Sénégalais Mamadou Diouf et le Congolais Elikia M’Bokolo, à des soi-disant universitaires français dont la tribune dans ‘Le Monde’ du 19 janvier 2011 avait, à mon avis, un seul but: diaboliser Laurent Gbagbo et préparer ainsi les esprits en France et à l’étranger à accepter le bombardement de la résidence présidentielle d’Abidjan par l’armée française en avril 2011? J’ai eu le plaisir en 1989 de faire une élogieuse recension de l’ouvrage ‘Afriques indociles’ d’Achille Mbembe dans ‘Telema’, une revue publiée à Kinshasa par les Pères jésuites de la RDC; je croyais alors que Mbembe était indocile non seulement au satrape Biya mais aussi à la Françafrique; je le percevais comme un disciple d’Um Nyobè; j’étais persuadé qu’il se battait pour une Afrique libre et debout et qu’il était lui-même un homme libre et debout, mais je m’étais lourdement trompé sur son compte et je dus revoir mon jugement sur lui et cet homme perdit définitivement mon estime le jour où je le vis s’associer à la meute des voyous et criminels qui voulaient la mort de L. Gbagbo; je le considère comme un agent de la Françafrique depuis que j’ai remarqué que c’est toujours à lui que la parole est donnée par RFI et les autres médias français corrompus, menteurs et à la solde de l’Elysée. Bref, pour revenir à Nganang, Mbembe aurait dû simplement se taire au lieu d’injurier son compatriote tout en faisant croire qu’il réclame sa libération (le fameux jésuitisme évoqué à juste titre par la veuve de Mongo Beti). Certaines personnes le voient comme un des grands intellectuels de l’Afrique d’aujourd’hui. C’est oublier qu’il ne suffit pas de penser, d’enseigner dans des universités ou d’écrire des livres pour être intellectuel. Il existe d’autres critères à remplir parmi lesquels celui dont parle Edward Said dans ‘Des intellectuels et du pouvoir’ :” Le choix majeur auquel l’intellectuel est confronté est le suivant : soit s’allier à la stabilité des vainqueurs et des dominateurs, soit – et c’est le chemin le plus difficile – considérer cette stabilité comme alarmante, une situation qui menace les faibles et les perdants de totale extinction, et prendre en compte l’expérience de leur subordination ainsi que le souvenir des voix et personnes oubliées”. Tout en reconnaissant que l’auteur de ‘Temps de chien’ est parfois excessif et qu’il n’aurait pas dû menacer de tuer Paul Biya, j’ai le sentiment que Mbembe s’est acoquiné avec les “vainqueurs et dominateurs”, qu’il fait partie de la mafia françafricaine qui tue et vole les Africains depuis plusieurs décades, tandis que Nganang a choisi de “prendre en compte le souvenir des voix et personnes oubliées”.
Jean-Claude DJEREKE
Titre de la Rédaction