Les deux schémas prévus pour la sortie de crise
On en sait un peu plus sur les tractations diplomatiques, tant au niveau de l’Union africaine (UA) que de l’organisation des nations unies (ONU), pour la résolution de la crise post-électorale de 2010. Les révélations sont venues d’alcide Djédjé, ex-ambassadeur de la Côte d’Ivoire à l’ONU et ex-ministre des affaires étrangères sous Laurent Gbagbo. Il comparaissait devant la Cour d’assises, dans le cadre du procès des pro-Gbagbo, en compagnie des ex-ministres Etien Amoikon, Dogo Raphaël et Christine Nebout Adjobi. C’était hier mercredi, au palais de justice d’Abidjan-Plateau. Ils sont tous poursuivis pour atteinte à la défense nationale, insurrection, troubles à l’ordre public, constitution de bandes armées, rébellion, xénophobie, etc. affirmant n’avoir joué de rôle que dans la gestion diplomatique de ladite crise, Alcide Djédjé a été invité par la Cour d’assises à se prononcer sur les décisions de l’Union Africaine et les résolutions de l’ONU. En clair, pourquoi ne s’est-il pas soumis à ces décisions ? Le diplomate a expliqué que les résolutions de l’ONU ne sont pas au-dessus des lois de la Côte d’ivoire. C’est pourquoi, dira-t-il, les débats ont été houleux lors de la prise des résolutions, parce qu’elles ne doivent pas être au dessus des textes de la Côte d’ivoire. Raison pour laquelle, au préambule desdites résolutions, il est rappelé «la souveraineté de la Côte d’Ivoire», a-t-il fait savoir aux juges. Quant à la certification des élections de 2010, Alcide Djédjé a déclaré que Young Jin Choi, le Représentant spécial en Côte d’Ivoire du Secrétaire général l’ONU, «a outrepassé ses attributions». «Choi ne devait pas prendre position en disant que tel ou tel a gagné. Il devait simplement constater que les élections se sont déroulées dans les conditions prévues par les textes de Côte d’Ivoire ou non», a expliqué l’ex-ambassadeur. Il l’a assuré, pour avoir participé à la rédaction des résolutions sur la Côte d’ivoire. Alcide Djédjé a rappelé que les résolutions de l’ONU «ne sont pas une loi supranationale au dessus du Conseil constitutionnel ». Parlant de Choi, il a dit: «je suis son patron. Il n’est qu’un fonctionnaire de l’ONU». Au niveau de l’UA, l’ex-ministre de Gbagbo a indiqué que la déclaration de Raïla Odinga, selon laquelle l’organisation africaine a décidé que c’est Ouattara qui est le président de Côte d’Ivoire, n’est qu’une proposition qui a été faite. «Raison pour laquelle Gbagbo l’a rejetée. Une autre rencontre était prévue le 4 avril 2011 pour continuer les négociations, mais elle n’a pas pu avoir lieu puisque les bombardements avaient commencé», a précisé Alcide Djédjé. Il a relevé que deux propositions «souterraines » étaient préconisées par le groupe de médiation pour le règlement de la crise. Le premier schéma est que Gbagbo accepte de se retirer du pouvoir, Ouattara soit investi président, avec un Premier ministre de consensus et un gouvernement d’union. Le second : Gbagbo garde le pouvoir, avec Ouattara. Tout le reste n’était que passion, «car chacun voulait avoir la communauté internationale à ses côtés», a dit l’ambassadeur.
CHRISTINE ADJOBI ACCABE L’ONUCI
Hormis ces révélations, Alcide Djédjé a interpellé les juges sur la lenteur des procès. il leur a fait savoir leur responsabilité dans la réussite du processus de réconciliation nationale. «Il faut faire vite et bien. on ne peut pas être en train de juger des gens aujourd’hui, pour la crise post-électorale de 2010, alors que nous sommes à quelques mois de l’élection présidentielle », a-t-il relevé. Pour sa part, il a affirmé à ses détracteurs qu’il continuera de jouer son rôle de diplomate, de discuter avec le gouvernement, même s’il est jugé par le pouvoir, pour la réussite de la réconciliation. Tout comme lui, Ettien Amoikon a dit ne pas reconnaître les faits qui lui sont reprochés. Mais, si ses résidences ont été détruites par des pro-Ouattara et son appartement occupé par des Frci (Forces républicaines de Côte d’Ivoire), c’est parce que «c’est nous qui avons gagné les élections ». «Oui, c’est nous qui avons gagné les élections», a-t-il rétorqué aux juges. Quant à Christine Adjobi, elle s’en est prise à l’opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). Jusqu’à aujourd’hui, elle estime que les actions de la mission onusienne sont «ambigües et laissent à désirer». Selon elle, contrairement à ce qu’elle prétend être, l’ONUCI n’œuvre pas totalement pour la paix en Côte d’Ivoire. Une des preuves qu’elle a donnée est son traitement au Golf hôtel où elle a été conduite, après son arrestation suivie de bastonnade à la résidence de Gbagbo. «Au Golf hôtel, quand j’ai aperçu les soldats de l’ONU, j’ai poussé un ouf de soulagement. mais, quand je suis allée vers eux, ils m’ont repoussée», a relevé Adjobi Christine. Dogo Rapahël, qui dit ignorer les raisons pour lesquelles il a été arrêté et emprisonné, a présenté sa situation actuelle. «Membre du gouvernement, j’ai travaillé pour la république, pour le bonheur des handicapés. Et un matin, on me dit que je n’ai pas été ministre. Je n’ai pas de maison, je ne peux pas louer de maison. En tant qu’attaché de finances, jusqu’à ce jour, on ne me verse pas de solde», a-t-il déploré. Tous ont dit avoir pardonné et ont vivement souhaité une vraie réconciliation entre tous les Ivoiriens.
César DJEDJE MEL
Source: L’Inter du 12 février 2015