Une contribution de Jean-Pierre Du Pont
“ Eh, fiston ! Tu es vraiment naïf , de n’avoir pas encore perçu que Jeune Afrique est au journalisme , exactement ce qu’est la FrançAfrique à la politique . Je lisais ce machin , quand officiaient encore en son sein , des vrais esprits libres , comme Sennen Adrianirado ou encore Siradou Diallo.“ .
Ces propos ont été tenus, à l’auteur de ces lignes, dans un hôpital français de South Kensington , par un dignitaire gabonais de passage dans la capitale britannique. C’était le 13 juin 2017 lendemain du jour de l’incendie d’une tour abritant l’immeuble, où périrent près de 180 personnes , dans le quartier de Kensington .
Nous devisions alors, dans la salle télé de la clinique , sur une des sorties virulentes , du ministre camerounais de la communication, Issa Tchiroma , contre le magazine , que le Tunisien Béchir Ben Yahmed , un proche de Bourguiba dont il fut éphémèrement secrétaire d’État , créa dans les années 1960 . Ce jour -là en effet , celui que ses concitoyens surnomment le perroquet , avait , tenant un exemplaire de Jeune Afrique en mains , lancé à la cantonade, comme s’il s’adressait à une seule personne , averti : “ Attention ! Le journal que vous tenez entre les mains est un brûlot toxique dont vous seriez bien avisés de vous débarrasser au plus vite , sous peine d’être fiché , S. Média de la haine et Daesh de la pensée , rédige chaque semaine par une meute d’hyènes dactylographes et « camerounivores », Jeune Afrique n’a qu’un but : plonger le pays de Paul Biya dans le chaos . “
Je me souviens aussi , que mon observation sur un forum , à cette sortie , m’avait valu un échange assez musclé , avec un petit avorton journaleux – griot camerounais de Jeune Afrique , qui se prend pour Albert Londres , et Robespierre à la fois , venu en renfort au griot de la secte Béchir Yahmed. Car , comme dirait Jacques Brel : “ Chez ces gens-là Monsieur “ on chasse en meute .
Du strict point de vue de la réthorique, pour ne pas dire de la répartie , c’était absolument très bien envoyé, et le but recherché par son auteur , magistralement atteint , à en juger par la réaction très épidermique , et à vrai dire enfantine , de Jeune Afrique . Celle- ci n’est pas parvenue, jusque Issa Tchiroma, qui la main sur le cœur , jure tous les grands dieux de ne plus lire “ ce torchon “ ou “ chiffon “ Qualificatifs qu’il applique en alternance, selon ses humeurs du jour .
Le 16 octobre 2015 , déjà , c’est François Soudan , le directeur de la rédaction de Jeune Afrique , qui faisait l’objet du courroux des manifestants , de divers mouvements d’opposition congolais de Brazzaville à Paris , venus nombreux protester bruyamment, devant le siège du magazine, rue d’Auteuil . Pour contenir tout ce monde , dans l’hypothèse d’un débordement , des fourgonnettes de police furent appelées en renfort . Les congolais reprochaient à François Soudan, de s’immiscer clairement dans la politique de leur pays , par son approbation du “ référendum “ convoqué par le président Sassou Nguesso , afin de faire sauter le verrou constitutionnel lui ouvrant ainsi la voie royale , à une énième candidature pour conserver le pouvoir ad vitam æternam. Car , le dictateur congolais peut désormais en parfaite légalité , conformément à la loi fondamentale émanant de cette consultation, conserver le pouvoir jusqu’en 2031 , et même au-delà s’il en manifeste le désir .
Marié à la ville à Arlette Nonault, une nièce éloignée du président Sassou Nguesso, les congolais savent François Soudan proche , du cercle intime du tyran congolais. Ne lui – a-t-il pas servi , de “ porte- micro “ , au cours d’un documentaire intitulé “ Le pouvoir et la vie “ , reprenant sans citer son auteur , le titre d’un ouvrage de l’ancien président français Valéry Giscard d’Estaing? Dans ce film , on aperçoit le journaliste poser des questions fantaisistes au président congolais , sans le relancer au sujet de l’assassinat du président Marien Ngouabi , dont tout le monde sait depuis des lustres , que Sassou est pourtant le grand ordonnateur .
Parmi les manifestants du Congo – Brazzaville, s’étaient aussi glissés les combattants , du nom de ces opposants radicaux du RDC ( République démocratique du Congo ) de l’autre rive , connus partout en Europe et Amérique du Nord , pour leurs actions commandos , contre les artistes , musiciens , élites et politiciens, de leur pays , suspectés de connivence ou sympathie avec le régime de Joseph Kabila . Les compatriotes de feu Papa Wemba, reprochaient quant eux à François Soudan, son admiration et sa trop grande proximité avec le président rwandais Paul Kagame , qu’ils tiennent pour responsable de la destruction , et du malheur de leur pays .
François Soudan , a d’ailleurs publié un livre d’entretiens avec Paul Kagamé . Ceux qui savent lire ou décrypter entre les lignes , voient transparaître au fil des pages , la complaisance de François Soudan , dans les questions qu’il pose au maître de Kigali , mais aussi l’expression d’une certaine obnubilation , et fascination pour le personnage . Sortant de son rôle de journaliste , il sert presque d’instrument de propagande, à un régime décrié comme de plus en plus autoritaire . D’ailleurs , certains de ses anciens confrères , n’hésitent pas à dire , du fait de ses accointances et fréquentations , que François Soudan a vendu son âme au diable .
Jeune Afrique , anti- Gbagbo?
Jeune Afrique , que certains disent être “ le miroir et rouage officieux de la relation incestueuse entre la France et ses ex- colonies “ , est réputé peu favorable au président Laurent Gbagbo , qu’il a combattu en faveur d’ Alassane Ouattara , un de ses gros financiers , actionnaires et alliés . Car, selon la Lettre du Continent , il est depuis apparu , que Béchir Ben Yahmed , le patron de Jeune Afrique un intime de longue date d’Alassane Ouattara , qu’il avait associé il y a une quarantaine d’années ( une éternité) , à un club de réflexion , le Club de Carthage pour ne pas le nommer . Devenu son conseiller officieux en communication, il lui aurait ensuite recommandé de mettre fin aux fonctions de Patricia Balme , sa conseillère en communication, pour avoir refusé de choisir entre ADO et le président camerounais Paul Biya , proche de Laurent Gbagbo . C’est d’ailleurs cette proximité , avec l’ancien président ivoirien , qui vaudra à Paul Biya l’inimitié de Sarkozy tout au long de son quinquennat.
En effet , l’inévitable Robert Bourgi , qui ne rate jamais la moindre occasion de se taire , avait un jour assisté une scène étonnante entre le président Laurent Gbagbo et le président camerounais . C’était au cours d’une Assemblée générale des Nations -Unies à New York . Au terme d’une allocution très applaudie par ses pairs , l’alors président ivoirien était redescendu de la tribune, pour rejoindre les membres de sa délégation , lorsque Paul Biya vint à sa rencontre , et le prit dans ses bras en disant : “ Tu es notre fierté . Tu as pour toi la fougue des tes convictions , et la légitimité de tes combats antérieurs .” Bourgi s’était empressé d’aller tout répéter à Sarkozy , qui en avait pris bonne note …
Revenant à Jeune Afrique , lors de la visite d’Etat qu’effectue Alassane Ouattara en France en janvier 2012 , la première du genre depuis son “ élection “ , ou plus exactement depuis son arrivée à la magistrature suprême , dans les fourgons de l’armée française de Sarkozy , Danielle Ben Yahmed , épouse de Béchir Ben Yahmed , qui officie aussi comme directeur général du groupe Jeune Afrique , sera la seule journaliste à être décorée par le chef de l’Etat ivoirien…
Même la capture , la détention illégale de huit mois à Korogho, dans le nord du pays , et la déportation de Laurent Gbagbo à La Haye , ne viendront à bout de l’hostilité et de l’intimité de Jeune Afrique à son endroit . Au fil des numéros , le lecteur a l’impression que c’est toujours Gbagbo , qui tient les manettes du pouvoir en Côte d’Ivoire . L’homme sur lequel s’acharne ainsi ce magazine , ne peut non seulement pas se défendre , de la boue qui est déversée sur lui et sa famille , car il n’est pas libre de ses mouvements , mais il ne lit même plus Jeune Afrique qu’il sait de parti pris pour , sans nuances pour Alassane Ouattara .
Peu avant la première audience , d’examination des preuves à la CPI en février 2012, Jeune Afrique , sans aucune précaution titre au sujet Gbagbo : “ Présumé coupable “ . Et là-dessus , les écrivaillons et gratte- papiers de Jeune Afrique , s’en donnent à cœur joie dans leur haine anti- Gbagbo. Les uns évoquent la multitude des preuves irréfutables qui accableraient Laurent Gbagbo . D’autres lui prédisent la prison à perpétuité. On apprend par exemple , la découverte des comptes offshore , dans lesquels l’ancien président aurait dissimulé des milliards , à l’abri du contribuable ivoirien.
Après le verdict du 3 juin , où le tribunal a rétorqué la copie du procureur , la Gambienne Ben Souda. Changement brusque de ton. Pour le bureau des juges, le dossier est vide , et ne comporte aucun élément susceptible de soutenir les accusations de viol et crimes contre l’humanité , formulées à l’encontre de l’ancien président . Mieux, il est déclaré indigent par le tribunal , qui a constaté que les seuls revenus dont il disposait, émanent de son salaire de président , contenu dans un compte , depuis gelé par les nouvelles autorités ivoiriennes . C’est donc le tribunal , qui prendra en charge les honoraires de son équipe de défense .
Dans un procès normal , c’est-à-dire à caractère non politique , Laurent Gbagbo aurait dû être libéré , dès l’instant où le bureau du juge avait constaté que le dossier était vide , et ne corroborait en rien , les graves accusations formulées de façon fantaisiste à l’endroit du prévenu , conformément à la notion juridique selon laquelle , lorsque doute il y a , il bénéficie à l’accusé .
Quoi qu’il en soit , le 27 octobre 2013, Jeune Afrique qui semble apprendre vite , fait preuve d’opportunisme, et marche arrière toute en titrant au sujet du président Gbagbo: “ Et s’il était libéré ?” Revenant aux fondamentaux du journalisme, et du droit , Jeune Afrique se met soudainement à faire à ce qu’il aurait dû faire dès le début , c’est-à-dire évoquer le sacro-saint principe de la présomption d’innocence . Il n’est jamais trop tard , pour bien faire .
Constatant l’extrême popularité de Gbagbo au sien même de ses lecteurs , Jeune Afrique dans une tentative désespérée de récupération, titre : “ l’épine Gbagbo “ .
Le Canard Enchaîné , qui avait évoqué les contrats mirobolants, entre Béchir Ben Yahmed et la Tunisie du dictateur déchu Ben Ali , reçoit une lettre du patron de Jeune Afrique , confirmant , ( avait – il seulement le choix ? ) ses liens d’affaires avec les autorités de son pays d’origine , mais se sent obligé de préciser , ce à quoi nul ne l’invitait , qu’Alassane Ouattara compte parmi ses généreux bailleurs de fonds . Il a omis d’indiquer , la contrepartie de cette générosité…
Jeune Afrique contre Paul Biya
Les relations entre Jeune Afrique , et le président camerounais , sont à l’image de la météo .
Pendant assez longtemps , Paul Biya à craché au bassinet , tant que Jeune Afrique à travers des publireportages , c’est-à-dire des papiers fantaisistes et bidons , qui sont ce que l’homme de la rue appelle prosaïquement “ Atalakou “ , chantait à sa gloire . On a par exemple vu , des titres du genre : “ Dans la tête de Paul Biya “ , ou encore “ Paul Biya intime “ etc… Ensuite , le ton à très vite changé avec des titres comme : “ Le péril jeune “ , qui quand on sait décrypter entre les lignes , est une allusion à peine voilée à l’âge du chef de l’État camerounais , et de ses collaborateurs. Or Béchir Ben Yahmed qui est âgé de 88 ans, soit trois ans de plus que le le président camerounais, n’a toujours pas pris sa retraite !
Pour mettre le feu à la “ maison “ Biya, Jeune Afrique s’amuse aussi de temps en temps, à prêter des intentions de succession aux membres du gouvernement, dont il titre sous la photo : “ Et si c’était lui ? “ . On l’a vu pour René Sadi Emmanuel, mais aussi pour Laurent Esso , tous deux proches collaborateurs , et compagnons de route de longue du chef de l’Etat camerounais .
Un autre article, vraisemblablement celui qui a déclenché l’ire du ministre Issa Tchiroma, prédisait l’éventualité d’un soulèvement général de la jeunesse camerounaise, contre le pouvoir. S’en sont suivis, plusieurs autres articles, titrant “ Les Bamilékés et le pouvoir “ ou encore “ Qui gouverné ? “ . Jeune Afrique, fera également quelques incartades dans la crise anglophone, mais le pouvoir de Yaoundé restera de marbre. De marbre, parce que les autorités qui ont bien perçu le racket de Jeune Afrique, ont refusé de passer à la caisse. Des propos attribués à Béchir Yahmed , sur Paul Biya dont il aurait dit qu’il l’énervait , seraient parvenus aux oreilles de l’intéressé , qui déteste agir dans l’urgence , mais n’est pour autant pas amnésique.
Peu avant la chute de Kadhafi , on a vu abondamment fleurir , des une de Jeune Afrique vilipendant le Guide libyen . Ces articles vraisemblablement commandés par le Qatar , complice de Nicolas Sarkozy, ont surpris plus d’un observateur d’autant que ce magazine n’a pas fait preuve du même enthousiasme, pour parler de la déchéance du dictateur tunisien Ben Ali , quelques temps plutôt . Il est vrai que ce dernier , versait beaucoup d’argent à Béchir Ben Yahmed .
Les sommes que les dictateurs africains , versent souvent à Jeune Afrique comme pour payer une sorte de dîme , ou acheter la paix , sont absolument mirobolantes. Elles oscillent entre 600 millions et un millard de franc CFA. Un véritable racket . Si vous refusez de payer , on vous fait votre fête chaque deux semaines , à travers les colonnes du magazine . Jeune Afrique , on le sait , et ce n’est certainement pas mon ami et fils adoptif de Jacques Foccart , David Carlos Wen ici présent qui va me contredire , s’est emparé des mémoires de l’homme qui murmurait tous les soirs à l’oreille de De Gaulle , dans des circonstances très floues .