Conférence de presse du mardi 25 août 2020
Propos liminaires
Mesdames et Messieurs les journalistes,
Chers amis de la presse,
Je vous remercie votre présence massive à cette conférence de presse qui m’offre l’opportunité de m’adresser à nos concitoyens à travers vos médias respectifs, en ces périodes tumultueuses et de fortes tensions sociales dans notre pays.
Comme vous le savez, le 06 Août dernier, lors de son discours à la Nation, Monsieur Ouattara a décidé de se porter candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 pour un troisième mandat. Alors qu’il a toujours affirmé la main sur le cœur, qu’il ne briguerait pas un autre mandat. Le 5 mars 2020, devant les parlementaires réunis en Congrès, il a réaffirmé en ces termes : « tout au long de ma carrière, j’ai toujours accordé une importance particulière au respect de mes engagements. En conséquence, j’ai décidé de ne pas être candidat en 2020 ». Sur son compte twitter il a écrit ceci : « je voudrais annoncer solennellement, que j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020 et de transférer le pouvoir à une autre génération ». Le 6 Août 2020, le président Alassane Ouattara a renié sa parole, a violé ses engagements, a déchiré la Constitution qui selon ses propres experts et d’éminents juristes Ivoiriens ne lui permet pas de briguer un autre mandat.
Renier sa parole, ne pas respecter ses engagements sont des actes d’une extrême gravité pour un Chef d’Etat !
Gravité parce que, comme vous le savez, en commettant cette forfaiture, M. Ouattara a pris sciemment le risque de replonger la Côte d’Ivoire dans une crise majeure. La déflagration est aujourd’hui une réalité palpable et quotidienne qui met en péril la fragile cohésion sociale du pays.
En effet, depuis l’annonce de sa candidature illégale le 6 août dernier, des manifestations qui dégénèrent en affrontements intercommunautaires particulièrement meurtriers se multiplient un peu partout dans le pays avec leur corolaire de chasses à l’homme, d’assassinats à l’arme blanche, de violences contre les personnes et les biens : le 7 Août à Bonoua, le 10 Août à Gagnoa, les 11 et 1é à Toumodi et Daoukro.
L’investiture de M. Ouattara n’a pas permis de faire baisser la tension en Côte d’Ivoire. Bien au contraire, elle a attisé les tensions ! Des communes telles que Divo, Bonoua et Gagnoa, épicentres de la contestation, ont été mises sous couvre-feu en vue de contenir les manifestations et tenter de faire cesser les affrontements intercommunautaires. À l’étranger, notamment en France, au Canada et aux USA, la diaspora ivoirienne a spontanément organisé des marches de protestation.
Le bilan des affrontements est particulièrement lourd :
plus d’une trentaine de décès enregistrés ;
des centaines de blessés ;
de nombreux véhicules de transports en commun dont ceux de la Sotra à Abidjan et ceux de la société privée Camille Transport à Bonoua incendiés ;
des bâtiments et services publics, des commerces et des lieux d’habitations entièrement saccagés ou détruits, notamment avant-hier à Assinie et hier à Fresco où une partie de la mairie est partie en feu ;
du mobilier urbain et Infrastructures routières dégradées ;
plusieurs opposants et même des leaders de la société civile dont Gbalet Pulchérie ont été arrêtés. À ce sujet, 22 manifestants ont été interpellés à Korhogo et conduits hier 24 août devant le tribunal de cette commune.
Les dégâts matériels s’évaluent à plusieurs milliards de FCFA.
Plus grave, sur les réseaux sociaux, des messages sont lancés par des cybers activistes appelant à des épurations ethniques, à la guerre civile. Je condamne ces messages de haine.
J’exhorte les populations, du nord au sud, à ne pas succomber à la tentation et aux appels à des affrontements intercommunautaires. Les personnes qui attisent le feu ne sont heureusement pas les porte-paroles des communautés et des partis politiques dont elles se réclament. Elles devraient subir la rigueur des lois pénales.
Notre pays et son économie paient un lourd tribut à la satisfaction des ambitions personnelles et égocentriques de M. Ouattara. Il aurait pu nous faire l’économie de tous ces morts, s’il avait renoncé purement et simplement à cette candidature illégale, confligène et porteuse de morts. La «Rwandisation » du pays est latente.
Nous avons écouté avec stupéfaction et consternation le discours que le Chef de l’Etat a prononcé le samedi dernier lors de son investiture. Celle-ci se voulait sans doute une démonstration de force pour légitimer une candidature illégale et pour redorer un blason souillé, mais au final, il est apparu comme un mélange de déni des réalités et d’autoglorification. Au passage, vous avez noté que les mesures barrières ne s’appliquent pas aux militants du RDR, pas davantage d’ailleurs que l’interdiction de se regrouper sur la voie publique.
Monsieur Ouattara s’est fait investir candidat du RHDP à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020, ce n’est pas faute de l’avoir appelé à raison. Nous avons été nombreux dans l’opposition ces derniers jours, chacun d’entre nous à sa manière, à miser sur l’amour qu’il dit éprouver pour notre pays, sur le respect des institutions dont il est le garant, sur l’exigence d’exemplarité, d’image donnée par la Côte d’Ivoire au monde à laquelle il aurait dû être attaché.
Nous l’avons alerté sur l’effet de contagion que pourrait avoir sa décision et son impact sur une sous-région dont la crise malienne vient de rappeler l’extrême fragilité. Rien n’y a fait.
Je remarque au passage que cette décision se solde déjà par l’isolement du président sortant sur la scène Ouest-africaine et internationale. Vous avez comme moi constaté la prise de distance du Président Macky SALL, par exemple, à propos du Mali. La leçon du Président Mahamadou ISSOUFFOU est sanglante : « J’ai beau cherché, je e trouve aucun argument qui justifierait que je me sente irremplaçable ou providentiel. Nous sommes 22 millions de nigériens, pourquoi aurais-je de croire que nul ne peut me remplacer ».
Cette nouvelle candidature pour un troisième mandat totalement inconstitutionnel choque une grande majorité de nos concitoyens. Leur président a menti. Il a renié sa propre parole devant la représentation nationale, c’est-à-dire devant son peuple. Vous connaissez la phrase de Nietzsche : « ce qui me bouleverse, ce n’est pas que tu m’aies menti, c’est que désormais je ne pourrai plus te croire ». Eh bien, désormais, plus jamais les Ivoiriens ne pourront croire en la parole d’Alassane Ouattara.
Depuis ces derniers jours, nous voyons se mettre en place les ingrédients d’une nouvelle tragédie. Cela n’est pas nouveau car depuis l’origine, le régime joue avec le feu. Il joue avec le feu par son refus obstiné de la réconciliation de tous les Ivoiriens.
Le sort réservé notamment à Laurent GBAGBO et Charles Blé Goudé est le péché originel de ce régime issu de la guerre et qui, ironie du sort, est à deux doigts de nous replonger dans la guerre. Leur radiation des listes électorales et le refus de leur délivrer leur passeport afin qu’ils retournent dans leur pays montre que l’ignominie ne connaît finalement pas de limites.
Je demande solennellement à M. Ouatara de revenir sur cette décision inique qui frise l’ingratitude car l’on se rappelle qu’il n’y a pas si longtemps, M. Ouattara n’avait pas de passeport, pas de certificat de nationalité et que c’est bien le président GBAGBO qui l’a autorisé à se présenter à l’élection présidentielle de 2010 en actionnant l’article 48 de la Constitution !
M. Ouattara joue avec le feu en misant sur la division entre communautés. Il n’y a rien de plus tragique que ces images d’enfants de la Côte d’Ivoire en train se battre au nom de l’appartenance à des ethnies différentes.
La Côte d’Ivoire en a assez de ces crises pré-électorales, électorales et post-électorales. Nous sommes tous fatigués de ces souffrances, de ces familles brisées, de cette nation déchirée.
J’appelle encore une fois solennellement Monsieur Alassane Ouattara à renoncer à briguer un autre mandat. Cette ambition n’est pas de nature à favoriser la tenue d’élections apaisées et démocratiques, mais elle peut nous conduire à la guerre civile. Malheureusement, tout laisse croire qu’il restera sourd à cet appel.
J’appelle le Conseil Constitutionnel à la vigilance et à la responsabilité pour faire échec au coup d’Etat constitutionnel de Monsieur Alassane Ouattara. Les arguments juridiques abondent, y compris la propre jurisprudence du Conseil Constitutionnel en ce qui concerne l’interprétation de l’article 183.
J’invite le Conseil Constitutionnel à ne pas mettre de l’huile sur le feu, à tenir compte de l’intérêt national en privilégiant la primauté du droit sur toute autre considération. Le Conseil Constitutionnel ne doit pas être le détonateur d’une nouvelle guerre civile en Côte d’Ivoire !
En conséquence, un Conseil Constitutionnel sérieux et responsable devrait rejeter la candidature de M. Ouattara. Nous nous attendons donc à ce que cette candidature soit invalidée, rejetée !
Le peuple et la Communauté internationale ont les yeux fixés sur le Conseil Constitutionnel.
Quelle que l’issue constitutionnelle de cette affaire, notre devoir est de bouter ce régime hors du pouvoir. Infliger à ce régime dans les urnes la gifle démocratique qu’il mérite, au nom d’une alternance apaisée, d’une démocratie inclusive. Et dans les urnes, nous lui infligerons un KO debout.
Nous avons bien compris par l’arrogance des postures et des mots samedi dernier au stade Houphouët-Boigny que le RHDP n’envisage pas de perdre. La phrase terrible : « je préfère mourir au pouvoir plutôt que de périr en prison », aurait été prononcée selon certains opposants politiques. Je voudrais dire que la mort ou le péril ne sont pas une fatalité. Il y a une autre voie : l’alternance démocratique et pacifique. C’est notre voie ! Et rassurer qu’avec la victoire du FPI, avec Pascal AFFI N’Guessan il n’y aura ni morts, ni prisonniers politiques, ni exilés politiques.
Je veux en revanche jouer de toutes nos armes légales pour démontrer l’illégalité de cette candidature et pour contrer les tentations de braquage électoral d’un pouvoir aux abois, esseulé et frileux.
J’ai noté le silence gêné des grandes puissances face à la volte-face du candidat Ouattara. Je leur demande une seule chose : nous aider à assurer la régularité du scrutin car les velléités de tricheries ne manqueront pas. Elles doivent être conscientes qu’un braquage électoral se traduirait par une nouvelle crise post-électorale. Elles en connaissent le prix. Le reste est de notre ressort et relève de notre seule souveraineté.
Alors qu’ils sont minoritaires, M. Ouattara et son régime se permettent toutes sortent de dérives parce qu’ils voient que l’opposition est divisée, éparpillée et émiettée. Ils comptent donc sur la dispersion de la majorité pour tenter de s’éterniser au pouvoir. Si M. Ouattara réussit ce braquage électoral, ce serait aussi de notre faute à tous, opposants à son régime. Ce serait aussi une trahison envers le peuple de Côte d’Ivoire qui soutient majoritairement l’opposition dans ses différentes composantes. Ce serait enfin la preuve de l’incapacité de l’opposition ivoirienne à surmonter ses frustrations, les questions d’amour propre, de positionnement et d’ego pour constituer une force politique.
Nous avons donc l’obligation de nous rassembler. La volonté individuelle de chacun d’entre nous d’être Président de la République ne doit pas primer sur l’intérêt général qui commande que M. Ouattara quitte le pouvoir.
Je lance ici et maintenant un appel solennel au rassemblement de tous ceux qui se réclament de l’opposition. Mettons de côté toutes nos querelles intestines. Elles sont mineures et secondaires par rapport à l’intérêt général. C’est ensemble que nous devons engager la bataille pour une alternance démocratique et pacifique dans notre pays.
L’heure de l’unité d’actions a sonné. Le moment de se rassembler est arrivé. Je l’ai déjà fait par le passé, je suis prêt à le refaire parce que, unis, nous serons plus forts. C’est à nous d’être en première ligne.
Merci pour votre aimable attention.
Je suis maintenant prêt à répondre à toutes vos questions.
Fait à Abidjan le 25 août 2020
Pascal AFFI N’Guessan
Président et candidat du FPI à la présidentielle d’octobre 2020.