Marc-Bertrand Gnatoa est un des chefs miliciens pro-Gbagbo les plus actifs. Sous le régime de Laurent Gbagbo, celui-ci était le commandant du Front de sécurisation du centre ouest (FSCO), une milice revendiquant 125.000 combattants. De retour d’un exil de 4 ans au Bénin, ce chef milicien a décidé de s’inscrire dans le processus de réconciliation ; d’où cet appel qu’il lance au chef de l’Etat.
Le Sursaut : Depuis juillet 2014, vous êtes revenu d’exil ; est-ce à dire que vous vous êtes montré réceptif au message du Chef de l’Etat qui a appelé tous les exilés à rentrer
au pays ?
Marc-Bertrand Gnatoa : Bien entendu ; et c’est pour accompagner le président Alassane Ouattara dans sa quête de réconciliation nationale que j’ai créé le Forum des jeunes du centre-ouest pour la paix et la réconciliation. Dans ce cadre formel, nous appelons tous les ex-combattants à soutenir le président Alassane Ouattara à travers l’Appel de Daoukro.
A priori, votre engagement surprend plus d’un… ?
Oui, mais les Ivoiriens doivent savoir que les ex-combattants sont, avant tout, des compatriotes, donc des électeurs. Or, l’Appel de Daoukro est un appel à l’unité et à la cohésion. De tous les accords signés depuis Marcoussis pour aboutir à celui de Ouaga, il est demandé que soient pris en compte les ex-combattants des deux camps dans le processus DDR. Malheureusement, nous constatons qu’il y a de l’exclusion.
Qu’est-ce qui vous fait dire cela ?
Tout récemment, l’ex chef milicien Mao Glofiéi a annoncé 49.000 ex-combattants dans le grand ouest qui sont encore dans la nature. A niveau de ceux du centre-ouest dont j’ai la charge, il s’agit de 125.000 ex-combattants qui n’ont pas encore été touchés par l’ADDR. Pourtant, on annonce la fin du processus pour le 30 juin 2015. C’est pourquoi, nous demandons au président de la République, Alassane Ouattara et son aîné Henri Konan Bédié de veiller à ce qu’il n’y ait pas d’exclusion. Pour nous, l’appel de Daoukro est symbolique, dans la mesure où il réunit tous les Ivoiriens autour du président Ouattara. Mais, pour éviter que cette exclusion menace la paix, nous militons pour la réinsertion de nos ex-combattants.
Vous voulez dire qu’il y a un distingo entre les ex-combattants de la série 039 qui sont aussi bien des éléments des Forces armées des forces nouvelles que ceux des milices d’Abidjan ou de l’intérieur ?
Tout a fait ; Sur 125.000 ex-combattants du centre-ouest recensés, seul 1.500 ont été réinsérés. Nous sommes reconnaissants au Président de la République, mais il y a des efforts à faire, les responsables de l’ADDR doivent aller au-delà.
Comment justifiez-vous cet état de fait ; pourquoi vos ex-combattants ont du mal à être réintégrés dans le processus ?
Sur le terrain, les responsables de l’ADDR ne composent pas avec les chefs de groupe ou les chefs de guerre. C’est une grave erreur ; car c’est nous qui pouvions parler et rassurer nos éléments. Tant que ce dysfonctionnement n’est pas corrigé, on va vers un échec de l’ADDR. Et la conséquence direct, c’est que ces gens-là peuvent menacer la paix demain. Après l’arrestation de Gbagbo, tout le monde a peur dans nos zones. Comment ces gens peuvent-ils présenter et déposer une arme ? C’est pourquoi, nous demandons à la division DDR de l’ONUCI de prendre langue avec les ex-chefs de guerre ou de groupe. C’est eux qui peuvent rassurer leurs hommes qui détiennent toujours des armes cachées à l’ouest.
Vous avez un appel à lancer à ces ex-combattants ?
Je les exhorte à se présenter à nous. Qu’ils viennent à nous parce qu’on a besoin de leur nom pour formuler des listes à déposer à la division DDR de l’ONUCI et au gouvernement pour leur prise en compte. Pour ceux de mes compatriotes qui sont encore en exil, je leur demande de rentrer au pays. Depuis environ un an que je suis là, je circule et je n’ai pas de soucis. Je profite de votre micro pour remercier le général Gaston Ouassénan Koné et le Premier ministre Jeannot Ahoussou Kouadio qui ont favorisé mon retour. Sans oublier le commissaire de la police de l’Onuci.
G. DE GNAMIEN
Source: Le Sursaut, mardi 7 avril 2015