« Il ne s’agit ni d’un limogeage, ni d’une retraite anticipée… »
(www.lepointsur.com) – Le Président de la République, Alassane Ouattara a procédé, le mardi 18 novembre 2013, à un réaménagement du gouvernement, et à la nomination d’un Chef d’Etat-Major particulier en la personne du général de Brigade Vagondo Diomandé, en remplacement du général de Corps d’Armée Michel Gueu appelé à faire valoir ses droits à la retraite. Dans cet entretien qu’il a accordé à Abidjan 24 et au site d’information, www.lepointsur.com, le général Gueu répond à ses détracteurs qui parlent de ‘’ limogeage’’ et rassure ses proches.
Selon un décret lu par le Ministre d’Etat, Secrétaire général de la présidence, Amadou Gon Coulibaly, vous faites valoir vos droits à la retraite. Votre âge le permet-il ?
En effet, j’ai atteint la limite d’âge de mon grade de Général de corps d’armée, (général 4 étoiles), ce qui me fait valoir mes droits à la retraite, laquelle est fixée au mardi 31 décembre 2013 à minuit. Déjà, je vous invite à venir fêter la Saint Sylvestre avec moi.
Votre départ continue de susciter des vagues, parce que diversement interprété. Quel message avez-vous à lancer pour rassurer vos amis, collègues, parents et autres ?
Quand on sait qu’une certaine presse a écrit ce que vous savez, entre autres « Bruits de bottes à la veille des fêtes de fin d’année : Ouattara redoute un coup d’Etat et limoge Gueu Michel » ou « Sécurité de Ouattara : les vraies raisons de la disgrâce du Général Gueu » et que, à peine une dizaine de jours après, un communiqué sibyllin (que je n’ai pas vu moi-même) comme celui qui est passé hier soir en bande sur la télévision ivoirienne 1ère chaîne, il y a de quoi susciter des interrogations et des interprétations diverses. J’ose espérer qu’un autre communiqué sera fait, dans les mêmes conditions que celui dont il est question, pour rassurer mes amis, collègues, parents et autres, qu’il ne s’agit ni d’un limogeage, ni d’une retraite anticipée, pour ne pas traîner le Président Alassane Ouattara dans la boue.
J’ai reçu de très nombreux de coups de fils et des messages de soutien et d’encouragement. Pour certains, j’ai été payé en monnaie de singe malgré tout ce que j’ai fait pour le pays. Pour ma part, j’ai atteint la limite d’âge qui est de 62 ans. En conséquence, je n’ai pas été payé en monnaie de singe. C’est plutôt le communiqué qui a été surprenant. Chez moi, à la maison, c’était la tristesse, malgré les assurances données par moi-même. Pourtant, le Président Alassane Ouattara ne m’a pas payé en monnaie de singe. Au contraire. Je crois que le moment choisi est inopportun et la manière dont le communiqué a été fait, inappropriée.
« Je n’ai pas été payé en monnaie de singe, mais… »
Regrettez-vous ?
Aucun regret. Tout au long de ma longue carrière militaire (39 ans), j’ai répondu présent partout où le devoir m’a appelé. Même pendant les moments les plus difficiles que notre pays, la Côte d ’Ivoire a connus, de la crise de 2002 à la crise postélectorale.
Etes-vous satisfait d’avoir fait ce que vous deviez faire en tant que militaire au cours de l’exercice de votre fonction ?
En tant que soldat avec grand S, je crois avoir accompli avec abnégation mon devoir et les missions qui m’ont été confiées, dans la mesure de mes possibilités et avec l’aide de Dieu, en faisant constamment la part entre la lettre et l’esprit de ses missions mais aussi en faisant preuve de circonspection selon les situations. D’ailleurs, lors de la dernière réunion du Conseil National de Sécurité tenue ce lundi 18 novembre2013, présidée, comme d’habitude, par le Chef de l’Etat lui-même, le Président Alassane Ouattara a eu à mon endroit, des mots élogieux et m’a vivement félicité pour les bons et loyaux services rendus à la nation ivoirienne.
Il y a eu cette page triste d’octobre 1995 pendant laquelle vous avez été arrêté, avec d’autres officiers supérieurs dont feu Robert Guéï et jeté en prison, ‘’pour attentat à la sûreté de l’Etat’’. Avec du recul que s’est-il, réellement, passé ?
J’ai tourné les pages de 1995 et 2000. Il faut tourner cette page et faire face à un avenir plus meilleur.
Les différentes composantes du GSPR, notamment la Cosa nostra, la Camora, les Bayèfouè vous ont donné du fil à retordre au moment où vous étiez le responsable du Centre de collecte et d’exploitation des renseignements (Ccer), sous le pouvoir de Robert Guéï. Que se passait-t-il entre vous, frères d’armes, en ce moment-là ?
Je voudrais relever qu’en 2000, je n’étais pas le responsable du Ccer mais Commandant de la Garde Républicaine (la GR). C’est est en ma qualité d’Officier le plus ancien dans le grade le plus élevé que j’ai essayé de rassembler mes jeunes frères d’armes dont vous faites mention. Tout comme j’ai tenté sans succès, d’obtenir la réorganisation de l’Etat-major particulier du Président de la République et l’unicité du commandement au sein des trois entités militaires qui coexistent au Palais présidentiel. A savoir, l’Etat-major particulier du Président de la République (EMP PR), le Groupe de Sécurité du Président de la République (GSPR) et la Garde Républicaine (GR). Je prie Dieu que cela se réalise sous le commandement de mon remplaçant.
Racontez-nous comment le général Robert Guéï a quitté le palais, après élection de 2000 ?
Il fallait éviter un bain de sang qui aurait assurément entraîné une guerre civile, en octobre 2000. J’avais demandé à mes hommes de déposer les armes et, entouré de mes officiers, je m’étais rendu au petit Palais (c’est le bâtiment devant lequel on passe pour aller dans la Salle des Pas perdus), où se trouvait le Général Robert Guéï– il était en compagnie de quelques généraux- pour lui demander de quitter le Palais parce que nous n’étions plus en mesure d’assurer sa sécurité. Au demeurant, nous nous apprêtions à quitter les lieux. Et le Général Guéï a quitté le palais.
Vous êtes considéré par vos pairs de “brillant et intransigeant soldat”. Comment êtes-vous retrouvé dans la rébellion, alors que l’armée ‘’ loyaliste’’ avait toute sa confiance en vous ?
Assurément, j’écrirai un jour mon mémoire. Je vous invite déjà à en retenir un numéro.
La presse annonce depuis quelques mois que vous serez nommé Président du Conseil d’Administration de CI-Telecom. Quels commentaires?
Le Président Alassane Ouattara ne m’a pas payé en monnaie de singe. Au contraire. Il y a quatre à cinq mois de cela, j’attirais l’attention du chef de l’Etat sur le fait que je ferai valoir mes droits à la retraite le 31 décembre de cette année. Celui-ci m’a dit en substances, « mon général, vous n’irez pas à la retraite comme ça ». Quelques jours après, le chef de l’Etat me faisait appeler par son Directeur du Protocole pour m’annoncer lui-même, qu’il me nommerait comme son représentant au Conseil d’Administration de Côte d’Ivoire Telecom, ce qui est synonyme de Président du Conseil d’Administration de Côte d’Ivoire Telecom. Donc, pour répondre à votre question, je suis Président du Conseil d’Administration de Côte d’Ivoire Telecom et j’en suis très reconnaissant au Président de la République à qui je manifeste encore toute ma gratitude tout en lui souhaitant santé et longévité.
Au moment où vous faites valoir vos droits à la retraite, que voulez-vous qu’on retienne de Michel Gueu ?
Au moment où je fais valoir mes droits à la retraite, je veux qu’on retienne de Gueu Michel Gondi, l’image d’un citoyen ordinaire mais un homme de paix, un digne combattant de la liberté et de la justice. Celui-là qui tient à sa dignité et à son honneur. C’est pourquoi ma devise est « mon honneur et ma dignité avant tout ». Que Dieu protège notre beau pays, la Côte d’Ivoire.
Interview réalisée par Sériba Koné