(Le Nouveau Réveil, 30 mars 2013) – Pr Alphonse Djédjé Mady, secrétaire général du Pdci, par ailleurs candidat du Rhdp aux élections du Conseil général du Haut-Sassandra, appelle à des élections paisibles et sans violence. Dans cette interview qu’il a accordée, Pr Alphonse Djédjé Mady, s’insurge contre les violences à répétition à l’ouest.
Monsieur le secrétaire général, vous êtes candidat unique et tête de liste du Rhdp pour les élections régionales dans le Haut-Sassandra. Est-ce qu’il y a encore, pour vous, un enjeu dans cette région ?
Dans une élection, l’enjeu, c’est vrai que quand il y a des listes concurrentielles, c’est le résultat. Mais le plus important, c’est l’adhésion de la population. Il y a donc l’enjeu de la participation, l’enjeu du suffrage exprimé et des voix obtenues. Il y a également l’enjeu du contact qu’on prend avec la population pour communier avec elle, pour échanger sur les difficultés que ces populations rencontrent. Car, vous ne pouvez pas chercher des solutions à des problèmes que vous ne connaissez pas. Donc, nous avons la préoccupation de faire de la mobilisation pour augmenter le taux des populations et surtout d’aller à la rencontre des populations pour actualiser notre connaissance sur les difficultés, sur les potentialités de la région, sur l’état des routes, sur l’état des infrastructures éducatives et sanitaires. Je pense que cette visite qu’on doit leur rendre, c’est le minimum de courtoisie qu’on leur doit. Parce que ce serait désastreux de dire que, comme on n’a pas de concurrent, on reste dans nos voitures climatisées et on demande aux parents de voter. Ce serait méprisant. Et nous pensons que nous devons avoir de la considération pour nos parents. C’est cela l’enjeu. Communier avec les peuples et les amener à adhérer à ce qui doit se faire.
La cérémonie au cours de laquelle vous serez investi répond-elle à ce besoin de communier avec les populations ?
Ce sera un moment un peu festif, de communication avec les structures organisées. Parce qu’on fera venir les chefs coutumiers, religieux, les responsables politiques, la population civile. On fera venir les gens des autres départements puisque la région du Haut Sassandra comprend quatre (4) départements. On fera donc venir les gens de Vavoua, d’Issia, de Zoukougbeu et du département central de Daloa.
Le schéma, observé actuellement dans le Haut-Sassandra, n’a pas été le même dans les autres régions. C’est-à-dire qu’il n’y a pas eu, pour ces élections, de cohésion au sein du Rhdp. Vous êtes le président du directoire du Rhdp. Peut-on savoir ce qui a encore fait que le Rhdp parte aux élections en rang séparé ?
Ecoutez, c’est une décision politique du président de la République et du président du Pdci Rda, président du présidium des présidents du Rhdp, qui a dit que parmi les quelques régions qui participaient en Rhdp figurait la région du Haut Sassandra. Maintenant, comme ce n’est pas moi qui ai pris la décision, vous pourrez peut être voir plus haut que moi. A savoir, ceux qui ont pris leur décision. Moi, j’en suis seulement bénéficiaire, ce n’est pas moi qui l’ai prise.
Mais vous, en tant président du directoire du Rhdp, vous avez entrepris des démarches pour que ce procédé puisse être observé un peu partout mais cela n’a pas été le cas. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Il y a dans une structure politique ce qu’on tente de
faire, les résultats qu’on peut obtenir et ceux qui ne sont pas tout à fait prêts à être suivis. Et je pense que dans toutes les régions, ce n’était pas tout à fait prêt pour qu’on puisse aller en Rhdp. On va donc en concurrence fraternelle et civilisée. Le reste, on verra.
D’aucuns traduisent cela par le fait qu’il y a un malaise au sein du Rhdp. Etes-vous d’avis ?
Chacun fait l’analyse de la situation. S’il y en a qui pensent que cela traduit un malaise, non. C’est une question de gérer assez sainement les ambitions des cadres. Je crois qu’à vouloir bâtir rapidement, on peut bâtir sur du sable. Peut être que ces difficultés qu’on rencontre dans cette organisation donneront un Rhdp beaucoup plus fort. On verra bien. Mais je pense que dans des relations humaines, tout n’est pas surtout à 100% de ce qu’on souhaite. Il faut savoir compter avec la réalité et voir ce qu’on peut aujourd’hui et ce qu’on peut faire demain.
En l’absence du Fpi, on pourrait dire que c’est le Rhdp qui part à ces élections. Comment comptez-vous appréhender ces élections ?
L’élection, ce n’est pas seulement les résultats au soir du scrutin. Ce sont les conséquences mêmes de l’élection. La politique de décentralisation a pour but de prendre des élus locaux pour gérer les intérêts d’une région. C’est cela le plus important. Avec ou sans liste du Fpi, mais sur nos listes, il y a des militants bien connus du Fpi. Nous essayons d’associer toutes les filles et tous les fils de la région. Et la loi le prévoit d’ailleurs, ce ne sont pas seulement les membres d’un conseil qui sont habilités à prendre part aux débats, à faire des suggestions. Tous les citoyens quels qu’ils soient, lors des débats qui se font toujours en plénière portes ouvertes, ont le droit de participer aux débats et de faire des suggestions. Le scrutin, c’est bien pour savoir qui fait quoi, qui est responsable de quoi, mais le plus important, c’est le travail pour lequel on est élu. Ce travail d’encadrement des populations, de développement, d’amélioration des infrastructures socio économiques et des infrastructures socio culturelles. Donc tous ces défis restent à être relevés. Je crois que c’est cela l’intérêt. Qu’un tel ait été candidat ou pas. Je le répète, personne n’a le droit de bouder l’avenir de la Côte d’Ivoire. Nous devons nous associer et essayer de voir ce que nous pouvons faire pour notre pays, pour nos parents pour que tout aille bien. C’est un devoir auquel personne ne peut échapper.
Ne croyez-vous pas que ces élections vont être une épreuve difficile pour les partis du Rhdp. Quand on sait que dans des régions, par exemple, où ils partent en Rhdp, en même temps, ils doivent s’affronter dans les communes. Comment se fera la campagne dans ce cas ?
Comme vous ne voulez pas considérer, comme on vous l’a toujours appris, que la politique, c’est la saine appréciation des réalités bonnes ou mauvaises, là où on peut partir en Rhdp, on va en Rhdp. Tout a valeur d’exemple dans la vie. Ceux qui ont réussi aujourd’hui à aller en Rhdp, c’est bien. Hier (ndlr : avant hier), j’étais à Bassam pour l’investiture de la liste, mais à la base, ils se sont entendus pour aller en Rhdp. C’est un exemple. A l’avenir, certains suivront cet exemple, comme d’autres peuvent ne pas le suivre. Il faut de la patience quand on veut progresser sûrement mais éviter la précipitation. Ne pas confondre vitesse et précipitation. Donc il y a aujourd’hui des circonscriptions, que ce soit au niveau des régions, des communes où des listes Rhdp ont été possibles, on aurait souhaité que ce soit le cas générale ment. Mais comme pour le moment, ce n’est pas le cas, il faut gérer la réalité et espérer qu’à l’avenir, ça ira mieux.
Lors des législatives, on a constaté des heurts dans certaines localités. Ne craignez-vous pas pour ces élections à venir ?
Tant qu’on gère des hommes, on ne peut pas être inconscient et dire qu’on ne peut pas avoir de difficultés. Il faut rester vigilant pour éviter les heurts et les campagnes qui doivent suivre doivent sensibiliser dans ce sens là pour qu’on comprenne que la démocratie, ce n’est pas la violence, ce n’est pas la guerre. Et qu’il faut que chacun, librement, exprime son choix et que celui qui a gagné aujourd’hui, c’est celui qui a eu plus de voix. C’est l’éducation à la démocratie que nous sommes amenés à faire à l’endroit de nos militants, de nos électeurs, de tous les citoyens de ce pays qui participent au scrutin.
Vous avez déclaré à Koumassi que celui qui sera à l’origine de la violence sera considéré comme l’ennemi du président Alassane Ouattara.
Bien sûr, je crois que c’est une évidence. Le président de la République, comme dans tout pays, a besoin de paix pour construire ce pays. Il fait une politique de décentralisation pour permettre aux élus locaux de l’aider à bâtir le projet de société qu’il s’est donné et pour lequel il a été élu. Au lieu de faire cela, ceux qui font de la violence, qui sèment de la perturbation, qui empêchent les élections de se dérouler dans les conditions démocratiques. Bien sûr, ils sont les premiers ennemis du régime. Ça, je l’ai dit, je le maintiens et je le réaffirme. Nous devons, dans la paix, dans un esprit démocratique, aller à ces élections. Celui qui aura eu le plus de voix sera déclaré élu. Celui qui n’est pas élu, n’a pas démérité. A d’autres élections dans cinq (5) ans, il pourra avoir sa chance d’être élu. Quand bien même, des gens n’au raient pas été candidats ou auraient échoué à ce scrutin, ils doivent comprendre qu’ils doivent s’associer à la vie de la nation et aider le pays à sortir de la crise. Comme le dit assez souvent le président de la République, à devenir un pays émergent d’ici 2020. Nous ne sommes qu’à sept (7) ans. Ce n’est pas l’éternité donc, c’est maintenant qu’il faut commencer.
Le fait que des cadres du Pdci soient coptés par l’allié, le Rdr, pour constituer sa tête de liste afin d’affronter le candidat désigné du Pdci. Est-ce que cela est fait pour renforcer la cohésion au sein de l’alliance ?
Vous connaissez la décision du président du Pdci Rda. Je crois qu’il faut se conformer à cela. Ceux là ont été suspendus. Je crois quand on est partenaire dans un système, il y a des relations de partenaires qu’on doit avoir. Comme dans la boxe, tous les coups ne sont pas permis. Il y a des règles et tous les coups ne sont pas permis. Mais ça, c’est un autre débat.
Cela ne peut-il pas fragiliser le Rhdp ?
Le Rhdp est une construction humaine avec des hauts et des bas, avec des points forts et des points faibles. Ça, c’est un point faible et nous y travaillerons.
Est-ce qu’à la fin de ces élections, un bilan sera fait pour tirer les leçons ?
Pour tout responsable, quand une activité est menée, on fait le bilan. Pas seulement dans ce cas là.
On constate également que le directoire du Rhdp ne se réunit plus.
On est occupé aujourd’hui à régler un certain nombre de problèmes pratiques sur le terrain. Pendant le temps où tel parti est en campagne pour tel ou tel candidat, ce n’est pas le moment pour le directoire de se réunir. Mais le directoire est là, il existe.
Des candidats de votre parti, le Pdci-Rda, doivent-ils s’attendre à un soutien de leur parti pour ces élections ?
Cela relève de la vie interne du parti. Cela n’a rien à voir avec l’opinion publique.
Mais, ils ont le regard tourné vers la direction de leur parti.
Ils savent où ils doivent aller regarder. Je ne crois pas qu’ils ont besoin des journaux pour savoir s’ils vont être soutenus ou pas.
Il y a aujourd’hui des Ivoiriens qui se posent la question de savoir pourquoi le Pr Alphonse Djédjé Mady, président du directoire du Rhdp, n’a pas été nommé. Il semble avoir été oublié. Partagez-vous cet avis ?
Pour ceux qui s’interrogent, moi, je n’ai pas de réponse à leur donner. Ce n’est pas à moi qu’ils posent la question.
Avez-vous des remords ?
Remords par rapport à quoi ? Je suis député. C’est un problème qui ne me concerne pas. Si vous voulez avoir la réponse, ce n’est pas à mon niveau. Ce n’est pas à moi que vous devez poser cette question. Vous devez la poser à d’autres personnes.
Nous sommes à la veille des élections locales. Quelle doit être l’attitude des candidats et militants du Pdci face à l’allié qui devient pour la circonstance un adversaire ?
Il faut éviter la violence. Il faut une campagne civilisée. On ne va pas en campagne pour insulter les autres mais, plutôt, dire aux électeurs ce qu’on est capable de faire sans insulter les autres. Il faut qu’on reste courtois. Il faut qu’on ait une véritable éducation à la démocratie et qu’on éloigne la violence de nos propos. Parce que la violence physique est précédée toujours par la violence verbale. Il faut éviter cela et faire en sorte que ces élections soient paisibles et que les résultats soient acceptés comme il se doit. Que chacun d’entre nous comprenne que la paix en Côte d’Ivoire est au dessus de nos intérêts en tant que candidat et qu’on doit pouvoir préserver la paix.
Avez-vous des recommandations à faire par rapport aux attaques à l’ouest ?
On ne peut que regretter ces attaques répétitives au niveau de l’ouest. Et dire à ceux qui en sont encore à l’origine qu’il faut qu’ils comprennent que le pays n’a plus besoin de cela. S’ils sont des Ivoiriens, qu’ils reviennent en Côte d’Ivoire. Tous les problèmes peuvent se régler. Il n’y a pas de problème entre frères qui ne trouvent pas de solution. Mais, chercher à mettre toujours à mal, à feu et à sang son propre pays, voir ses propres parents, ses propres concitoyens fuir leurs villages avec bagages vers d’autres horizons, humainement, rien ne peut expliquer cela, personne ne peut accepter cela. Il faut que ceux qui sont à l’origine comprennent que c’est un comportement révolu. Nous devons nous asseoir, parler de nos problèmes, trouver des solutions. La violence ne règle aucun problème. Quand on utilise la violence, on peut croire être fort aujourd’hui, mais per sonne n’est jamais assez fort pour être toujours le plus fort. Et on ne peut pas rentrer dans cet engrenage de la violence. Il faut qu’on aille à la recherche de la réconciliation, de la paix. Ce sont les deux conditions sine qua non pour qu’on arrive à relancer la Côte d’Ivoire sur la route du développement.
Regrettez-vous que le Fpi ne participe pas à ces élections ?
C’est regrettable. Mais on ne peut obliger personne à aller à des élections. On aurait bien voulu que ces élections soient inclusives sous la bannière de tous les partis, de tous les acteurs politiques. Le Fpi a fait ce choix, c’est son droit. Cela ne peut pas bloquer aussi le pays. On est obligé à aller aux élections. Mais si tout le monde y était allé, ça aurait été mieux. Mais je rappelle qu’il y a des candidatures indépendantes qui sont faites de cadres du Fpi connus. Et je dis sur nos listes, nous avons des frères militants ou proches du Fpi qui ont accepté de participer sous cette forme. Il y a également des candidats indépendants issus du Fpi. Mais c’est l’organisation officielle qui ne parraine pas de candidatures. Ce que nous regrettons. J’espère que des moments viendront où ils pourront rentrer dans le processus démocratique aux prochaines organisations des élections.
Interview réalisée par Paul Koffi et Lancé Touré