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Pascal Koua Angoua et deux participantes à la Semaine Lyrique à l’Institut Français de Libreville (Gabon)

(L’Intelligent d’Abidjan, 13 novembre 2013) – Pascal Koua Angoua, président de ‘’A chœur Joie Côte d’Ivoire’’ dirige la Fédération de la musique chorale Côte d’Ivoire. Spécialiste en techniques vocales, il est professeur de musique et maître de chœur. Il est, également, membre de l’organisation panafricaine Arkerial Network dont le rôle est de favoriser le développement de la culture des pays africains. Par le biais de la formation. Depuis plusieurs années, Pascal Koua Angoua milite pour donner une nouvelle impulsion à la culture ivoirienne. C’est pourquoi, il a apporté son expertise au comité mis sur pied par le ministre Maurice Bandaman pour proposer une politique culturelle conséquente. Pascal Koua est convaincu que la culture ivoirienne peut-être hissée à une dimension industrielle.

Vous êtes Hymno-musicologue, professeur de techniques vocales et de techniques de directions chorales. Est-il juste de dire qu’il y a des chanteurs qui ont une mauvaise voix et d’autres une bonne voix ?

Qu’est ce qu’on appelle mauvaise voix ? Il n’y a pas de mauvaise voix. Louis Armstrong, les gens disaient qu’il a une voix rauque ! Savoir chanter, c’est chanter dans sa gamme. C’est chanter dans sa texture. Et c’est chanter juste. La justesse des notes. Maintenant, l’autre aspect, c’est de travailler toujours. La voix que les gens peuvent ne pas aimer, parce qu’elle est travaillée, cette voix va plaire. Pour moi, tout est question de justesse. Il faut chanter juste. Tout le monde a une bonne voix. La voix c’est comme une couleur. On parle du timbre vocal. On peut comparer le timbre à l’orange, la tomate, la papaye. Il y a des gens qui aiment les oranges, la carotte et d’autres qui aiment la papaye et la tomate. Le timbre vocal, c’est ce qui est propre à chacun. On ne peut pas comparer les voix. On ne peut pas dire que tel artiste a une meilleure voix par rapport à un autre. Ça n’a aucun sens au niveau musicologique. Seulement, quand on est dans un registre, soit de Reggae, de Pop, de Rap, de Zouglou, de Saoul… il faut être bien dans son domaine.

Il n’y a pas de mauvaises voix mais y a-t-il des artistes en Côte d’Ivoire qui se démarquent ?
On a Alpha Blondy au niveau du Reggae. Il y a aussi le groupe Magic System chez les artistes zouglou. On a également Meiway, Aïcha Koné, Amédé Pierre, François Lougah, John Yalley et d’autres. La Côte d’Ivoire a de grandes voix, seulement, il faut que nous pensions à des structures de formation.

Vous n’avez pas cité les artistes ­­qui évoluent dans le registre Coupé-Décalé…
Ceux qui s’adonnent à ce style, doivent travailler au niveau de la voix, pour que le Coupé-décalé se vende et s’exporte plus à l’international.

Vous êtes réputés avoir travaillé la voix de plusieurs artistes ivoiriens. Comment vous vous y prenez ?
J’ai travaillé avec beaucoup d’artistes, surtout dans le milieu chrétien. Toutefois, souffrez que je ne cite pas de noms. J’ai été le coach de seize (16) candidats à Karaoké 2013. Parmi les seize candidats, il y avait toutes sortes d’écoles. L’école italienne, l’école anglaise, l’école russe, l’école française. Et, il y a eu aussi des écoles qui n’existent pas mondialement telle que l’école africaine. Je pense qu’avec ces 16 candidats, nous avons apporté un plus à la culture ivoirienne. Le vainqueur de Karaoké 2013, Meuty Junior, ne sort d’aucune école de chant. Il est artiste dans le sang. Mais, par l’intelligence, il a saisi les conseils des coachs. Que se soit au niveau scénique et vocal, il a appliqué ce que nous lui avons enseigné.

Pour vous, concrètement, quelle est la place de la chorale dans la musique ?
Je pense que la vraie école du chant, c’est la chorale. Quand vous prenez les grands artistes américains, européens, congolais, sud-africains qui ont eu du succès, c’est parce que très souvent, ces artistes ont commencé par la chorale. Il faudrait que nous revenions aux normes anciennes. Il faut que la chorale soit enseignée dans les écoles primaires comme à l’époque où nous avons appris à chanter à travers la chorale de l’école. Il faudrait mettre en place une académie de chant chorale qui va former des chefs de chœur. Il faut mettre une structure de formation en place. De telle sorte que les chefs de chœur soient des opérateurs culturels, des gens qui vivent de la chorale parce qu’ils sont spécialistes. Vous constatez que la chorale ne se fait que dans les églises. Mais, la chorale n’est pas que religieuse. Il faut aujourd’hui arriver à faire comme les Européens. Qui ont des chorales dans les entreprises, dans les communes, dans les villages, dans les universités… et ces chorales phillarmoniques appuient le développement culturel du pays. Vous prenez des pays, comme l’Afrique du Sud, il y a des étudiants qui arrivent à payer leur scolarité, grâce au chant choral. Dans ces pays, le chant choral est passé dans le domaine de l’industrie. Je pense que c’est ce que nous sommes en train de faire en Côte d’Ivoire. Nous voulons laïciser le chant choral et montrer qu’il n’est pas l’apanage des chrétiens.

Comment entendez-vous faire alors?
Nous envisageons organiser des formations. Recemment, nous avons reçu le président international ‘’A chœur Joie’’, Tierry Tebo et le docteur François Brunier qui sont des Français. Ils étaient en Côte d’Ivoire le 7 octobre. Ils ont animé des formations pour les chefs de cœur sur la direction chorale et la technique vocale. Cela nous permet de mettre sur pied le corps des chefs de chœur ivoirien. C’est important pour nous qu’il ait un corps. Ce qui favorisera l’établissement d’une éthique et déontologie au niveau de nos activités. Qui est le chef de chœur ? Qui est le choriste ? Tout le monde navigue à vue. Il faut organiser ce secteur. C’est en organisant ce secteur que les chefs de chœur pourront vivre de leur art et puis, les choristes pourront vivre de leurs talents. Voilà un peu pourquoi ‘’A chœur joie’’ existe.

Récemment, lors des compétitions des Jeux de la Francophonie, il y a eu une compétition de chorale. La Côte d’Ivoire n’y était pas représentée. Comment expliquez-vous cela ?
Il faut que nous travaillions pour que la Côte d’Ivoire soit représentée au niveau des chorales partout dans le monde. Parce que la chorale rassemble. La chorale appelle. Je pense que si aujourd’hui, l’Etat nous aide à nous investir dans le chant choral, il peut apporter beaucoup à la réconciliation nationale. Dans une entreprise où il y a tous les titres, les grades, lorsque, ces grades confondus chantent ensemble entre midi et deux, une fois par semaine, cela va apporter un plus à l’entreprise. Quand vous prenez la chorale de la Banque Africaine de Dévéloppement (BAD) à Tunis, ils ont un chœur. Le chœur Toyiaba. C’est un chœur de la BAD. Les gens se retrouvent entre eux. Cela leur permet de déstresser et amène les uns et les autres à se côtoyer. Le plus grand côtoie le plus faible. Cela apporte un plus au développement de nos sociétés. Le chant choral est un vecteur de développement et de rassemblement.

Pour les Jeux de la Francophonie de 2017 qui auront lieu en Côte d’Ivoire, préparez-vous quelque chose ?
Nous allons nous battre pour que la Côte d’Ivoire puisse être représentée au niveau choral. C’est pourquoi, j’invite tous les chefs de chœur, tous ceux qui sont passionnés de chant choral à se joindre à nous pour qu’ensemble, nous puissions faire avancer le chant choral dans notre pays.

Vous êtes aussi spécialiste en politique culturelle et en management culturel. Quelles sont, selon vous, les stratégies nécessaires pour promouvoir davantage la culture ivoirienne ?
Pour faire décoller la culture ivoirienne, il faut que la Côte d’Ivoire s’approprie une politique culturelle. La politique culturelle, c’est la boussole culturelle d’un pays. Tant que nous n’aurons pas de politique culturelle, les textes ratifiés à l’international, pourraient poser problèmes. Et lorsque des artistes demandent des fonds à l’UNESCO, à l’Union Européenne… la dernière question qui est posée, est : ‘‘votre pays a-t-il une politique culturelle ?’’

Vous êtes en train de dire que depuis lors, la Côte d’Ivoire n’a pas eu une politique culturelle ?
Aujourd’hui, nous n’avons pas de politique culturelle. Le ministre de la Culture et de la Francophonie, Maurice Bandama, a mis sur pied un comité qui a à sa tête Alain Tailly, le directeur général du CNAC (Centre National des Arts et de la Culture, Ndlr) qui est en train de travailler pour faire des propositions au ministre. Le préambule d’une politique culturelle est toujours fait par le chef du Gouvernement. Et la politique culturelle est toujours votée à l’Assemblée Nationale.

Interview réalisée par Ogou Dama