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Henri Konan Bédié, le président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), l’ancien parti unique ivoirien, a déclaré, il y a deux jours, son soutien à la candidature d’Alassane Ouattara pour l’élection présidentielle prévue en octobre 2015. Henri Konan Bedié qui est allé plus loin en suggérant même la création d’un parti unifiant le Rassemblement des républicains de Côte d’Ivoire (RDR) et le PDCI. Ces propos alimentent la controverse au sein du parti en proie à des divisions depuis des mois. Kouadio Konan Bertin , membre du bureau politique, député et vice-président du groupe parlementaire du PDCI fait partie de ceux qui refusent d’être mis devant le fait accompli. Il est l’invité de Marie-Pierre Olphand.

RFI : Est-ce que vous avez été surpris par le soutien de Henri Konan Bédié à Alassane Ouattara ?

Bertin Kouadio Konan : Pour dire vrai, je n’ai pas été surpris. J’ai prévenu les militants au dernier congrès. Je leur avais dit que si nous continuons de laisser le parti aux mains du président Bedié, nous ne serions pas à l’abri d’une surprise. Personnellement, je ne suis pas surpris donc de cette décision, de cette position qui n’engage que lui qu’il vient de prendre à un meeting du chef de l’Etat républicain qui ne peut pas se substituer à la convention du PDCI-RDA. Le président Bédié sait lui-même qu’il a été élu par un congrès et que ce même congrès a décidé de ce que le PDCI doit avoir son candidat, mieux un militant actif.

C’était une résolution du congrès : un militant actif du PDCI comme candidat à choisir cet automne au terme d’une convention ?

Et le premier à payer sur les résolutions du congrès, c’est bien sûr le président du parti. C’est pourquoi son attitude ne peut pas s’expliquer. Comme le bureau politique ne s’est pas réuni, qu’il a pris une telle décision, je peux vous dire que la décision n’engage que lui seul et qu’elle est nulle et de nul effet.

Vous estimez que le PDCI n’a rien à gagner avec cette attitude ?

De toute façon, on n’a qu’à faire le bilan de notre alliance. Je crois que le PDCI a plus perdu qu’il n’a gagné dans cette alliance. Et si nous continuons dans cette voie, je peux vous dire sans aucun risque de me tromper que ce sera signé définitivement l’acte de décès de notre parti. Et comme il se trouve beaucoup d’Ivoiriens qui croient encore à l’œuvre d’Houphouët et surtout en son instrument politique, cette voie-là ne garantit pas l’avenir pour le parti et elle ne sera pas suivie par les militants.

Vous êtes donc contre aussi la Constitution d’un parti unifié tel que l’a annoncé Henri Konan Bédié ?

Nous avons dépassé ces choses-là. Depuis 1990, les Ivoiriens ont signifié clairement au président Houphouët Boigny leur désir de rompre avec l’ordre ancien, c’est-à-dire le parti unique. Nous sommes revenus au pluralisme. Le multipartisme veut qu’il y ait plusieurs partis politiques et ça a été un grand progrès. On ne peut pas revenir en arrière pour ensuite faire la promotion d’idées du genre parti unique, pensée unique, candidature unique. Tout cela appartient au passé. La Côte d’Ivoire doit avancer et faire en sorte que la démocratie soit et qu’elle s’enracine dans notre pays.

Donc la solution c’est quoi aujourd’hui ? C’est désigner un candidat PDCI à l’automne qui devrait se présenter en indépendance s’il n’a pas l’aval du parti ?

Ce n’est même pas en ces termes, c’est l’évidence. Le PDCI doit au plus tôt faire savoir qui est son candidat aux Ivoiriens, même si d’avance nous pouvons deviner parce que ce ne sont pas les compétences qui manquent, mais cela doit être connu le plus tôt, de sorte qu’il prenne ses repères et qu’il s’engage dans une bonne campagne pour nous ramener au pouvoir.

Vous-même, vous pourriez être ce candidat ?

Moi, je suis un soldat parmi tant d’autres. Je ne recule devant rien et tant que le PDCI-RDA estime que je peux mener telle ou telle mission. Je n’ai jamais reculé même du temps où j’étais plus jeune.

Si vous ne deviez pas être désigné vous comme un porte-drapeau du PDCI, est-ce que vous pourriez vous tourner vers quelqu’un d’autre, autre qu’Alassane Ouattara ?

Il est clair que mon choix est définitif, c’est de me ranger derrière un candidat du PDCI-RDA, et rien d’autre.

Aujourd’hui le candidat du PDCI semble être Alassane Ouattara ?

Non, monsieur Ouattara que je respecte est candidat pour le compte du RDR.

Et de monsieur Henri Konan Bédié ?

Voilà et de monsieur Henri Konan Bédié qui est un militant comme tout autre, un citoyen comme tout autre, qui est libre de donner son avis favorable à qui il veut. C’est ça aussi la démocratie.

Alassane Ouattara, ce n’est pas le bon candidat pour vous en 2015 ou c’est une question de principe ?

Il est le bon candidat pour le RDR et le PDCI peut lui aussi avoir un bon candidat.

Ce n’est pas une cause perdue que vous défendez aujourd’hui ?

Je ne peux pas parler au nom du parti de Félix Houphouët Boigny et défendre une cause perdue.

Vous aviez vous-même brigué la présidence du PDCI lors du dernier congrès. Vous aviez obtenu autour de 3% des voix. Quelle marge de manœuvre avez-vous aujourd’hui réellement ?

Tous ces militants se sentent trahis. Mon téléphone n’arrête pas de crépiter. Et pourtant, je les avais prévenus. Ils n’auront que leurs yeux pour pleurer. Tous se sentent trahis par cette annonce. Et je peux vous dire que, ce n’est pas moi mais vous verrez bien comment ils vont se comporter les jours à venir.

Le Front populaire ivoirien (FPI) est plus que réservé sur sa participation à la prochaine élection et a déjà annoncé son retrait de la Commission électorale indépendante. Quelle conséquence cette décision peut avoir sur le processus qui est en cours ?

J’avais déjà prévenu les Ivoiriens de ce que cette Commission électorale n’allait pas réconcilier les acteurs politiques. On m’a dit que c’était la meilleure CEI depuis que la Côte d’Ivoire existe. Et voilà déjà qu’elle est amputée de deux ou trois jambes parce que le FPI est sorti, la société civile aussi est sortie, l’église catholique est sortie. Visiblement il y a un problème.

Est-ce qu’il peut y avoir une élection crédible et reconnue par tous sans la participation du FPI ?

Je ne pense pas.

Marie-Pierre Olphand

RFI