Jean-Claude-DJEREKE

Par Jean-Claude DJEREKE

Lors de l’inauguration du troisième pont qui porte son nom, Bédié, qui ne devient poète que quand il est rassasié, n’avait pas hésité à déclarer que “ce pont valait à lui seul un deuxième mandat”. Le pont en question, il est bon de le rappeler aux ignorants et naïfs qui décrètent hâtivement que, hormis Ouattara, aucun président n’a autant travaillé qu’Houphouët, faisait partie des 12 travaux de l’éléphant de Bédié et aurait été construit plusieurs années plus tôt si le PDCI n’avait pas été évincé du pouvoir, le 24 décembre 1999. Bédié appela alors les siens, militants et sympathisants, à voter, en octobre 2015, pour le candidat du RDR. Ouattara remporta le scrutin mais sans péril, doit-on ajouter, car il n’avait pas de candidats sérieux face à lui; il triompha donc sans gloire et eut effectivement ce second mandat alors que, en 2010, il voulait juste 5 ans (2010-2015) pour, d’après lui, apporter des solutions aux problèmes des Ivoiriens. Aujourd’hui, le pays est si mal en point, tellement abîmé (cherté de la vie, insalubrité, insécurité, baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires et des paysans, détournement des deniers publics, réconciliation en panne, etc.), que l’on se demande si les fameuses solutions ne se sont pas transformées en problèmes, si le sauveur auto-proclamé n’était pas un vrai imposteur

Quoi qu’il en soit, Ouattara, qui a été élu en 2015 grâce au soutien du PDCI, était censé renvoyer l’ascenseur à Bédié, c’est-à-dire s’effacer au profit d’un candidat du PDCI. Les deux poids lourds du RHDP voyaient les choses de cette façon jusqu’au jour où Ouattara proposa la mise en place du parti unifié, synonyme, à notre avis, de retour au parti unique et par conséquent à la pensée unique. Ce parti unifié choisirait le meilleur candidat, le moment venu. Ouattara a récemment dévoilé son envie d’être ce candidat dans le seul but, explique-t-il, de sauvegarder la paix et la stabilité. En disant cela, il avoue implicitement que c’est lui qui a déstabilisé le pays et que celui-ci ne connaîtra jamais la tranquillité si lui n’est pas au pouvoir.

Oui ou non, le PDCI renoncera-t-il à présenter un candidat en 2020? Telle est la question que devait trancher Bédié, ce dimanche 17 juin 2018. Selon nos sources, le PDCI a décidé de ne plus se sacrifier. Autrement dit, il ne portera plus les valises du RDR mais aura son propre candidat en 2020 et ne parlera du parti unifié avec son allié qu’après la prochaine présidentielle. Cette décision, qui était le souhait de la majorité des militants de base du PDCI, est courageuse et doit être saluée. Elle ne sera pas pour autant suffisante car le PDCI devra se préparer à faire face, dans les semaines ou mois à venir, à des représailles de la part d’un parti dont la marque de fabrique a toujours été la violence et les assassinats. Avant cela, les ministres PDCI pourraient ne pas figurer dans le nouveau gouvernement qui sera formé. J’espère que le parti septuagénaire a pensé à toutes ces choses avant d’opposer une fin de non-recevoir à la proposition du RDR selon laquelle les deux partis devraient créer une seule formation politique avant 2020. Car le tout n’est pas de se rebeller. Encore faut-il assurer ses arrières et ne pas s’arrêter à mi-chemin. Plusieurs fois, le PDCI a affirmé s’être sacrifié pour le RDR. Est venu, pour lui, le moment de se sacrifier pour la Côte d’Ivoire qu’il a contribué à défigurer. S’il veut être absous de ses péchés, il n’a pas d’autre choix aujourd’hui que de débarrasser les Ivoiriens d’un individu qui, en plus de ne pas respecter sa parole, a considérablement divisé et appauvri le pays.