Une contribution du Dr Joseph Martial Ahipeaud
Commencé il y a quelques semaines avec la première contribution du Secrétaire général adjoint du RDR, le Ministre Cissé Ibrahim Bacongo, nécessitant ma réplique apaisante, jugée pourtant par ce dernier comme confuse mais à laquelle il apporta néanmoins une contradiction haute en couleur, le débat sur la nationalité a pris une dimension nationale aujourd’hui avec la position des députés du PDCI, la troisième contribution de Bacongo qui repondait à celle du Ministre Hubert Oulaye après celle de l’ancien Abou Cissé, et enfin celle du Porte-Parole du RDR, le Ministre Joel Nguessan et le Juge Epithane Zorro. Pour Joel Nguessan, Dieu a créé la terre et personne ne peut en revendiquer la propriété définitive. Le même jour, l’état paya aux propriétaires des terres qui serviront aux projets des logements sociaux, sur la base du droit coutumier. Cette contradiction flagrante ne doit pas faire accepter les affirmations extrêmement graves de notre ami de longue date qui veulent que les populations soient divisées en deux: celles industrieuses et celles paresseuses qui vendent leurs terres. Nous attendons que le Ministre précise sa pensée sur ce point pour savoir quelles sont les populations industrieuses et celles qui sont paresseuses et surtout de nous dire ce qu’est son idéologie ici?
La thèse humaniste balayée de la main par Bacongo est celle du Juge Zorro et autres camarades qui estiment que la régularisation de la situation des enfants nés de parents ayant immigrés sur la terre devenue Côte d’Ivoire, après le décret de Binger du 10 Avril 1893, est une exigence morale et politique. Bacongo parle lui de droit en raison du flou juridique consécutif à la succession de deux états et surtout parce que ces personnes, ayant été sous juridiction française, doivent recevoir la nationalité ivoirienne. Pour ajouter à la confusion de l’argumentaire, certains parlent de problème identitaire alors qu’il s’agit simplement d’une question de migration de populations à l’intérieur des frontières et entre les frontières des états post-coloniaux.
En effet, il ne s’agit pas de question identitaire puisque les personnes concernées sont identifiées comme originaires d’autres pays. Les origines ethniques sont identifiées partout dans les démocraties occidentales, y compris les Etats-Unis et le Royaume-Uni. C’est sur ce point que nous nous accordons pour dire qu’il s’agit clairement d’une question de droit accordé à ces personnes par l’état. La Côte d’Ivoire, en raison de la spécificité de son histoire, à un moment donné, a choisi le droit de sang. S’il faut changer cette option, cela ne peut pas se faire à la sortie d’une guerre civile inter-ivoirienne mais après que les ivoiriens aient réglé leurs différends. On ne nous dit plus que les populations du Nord ont pris les armes contre l’ivoirité parce qu’ils ont vu leur dignité bafouée. Mais on nous dit maintenant que les enfants de l’immigration vont faire exploser la Côte d’Ivoire si leurs droits ne sont pas reconnus. Alors nous sommes dans la confusion totale.
Cette confusion est d’autant plus grande que nous savons qu’en 1959, les cadres du Sanwi ont été arrêtés et les populations sévèrement matées par l’exécutif de cette période pré-indépendance, au travers du Ministre Jean-Baptiste Mockey, justement pour avoir exigé l’application par la France des accords signés entre Bouet-Willaumez et la Royauté Sanwi, en 1843, 50 ans avant le décret de Binger. Pour les cadres du Sanwi, la principauté avait signé des accords avec la France. Dès lors que celle-ci se retire, le Sanwi en tire les conséquences et déclare son autonomie vis-à-vis de l’état de Côte d’Ivoire avec lequel il n’a pas d’accord. La répression de l’état ivoirien des populations et du leadership du royaume Sanwi atteste clairement de l’existence effective d’un Etat imposé par l’ordre colonial. C’est au nom de cela que mes propres parents de Noé qui ont des frères et des sœurs directs à Elubo sont ivoiriennes et les autres ghanéennes. Cela n’est la faute à personne sauf à l’histoire coloniale de notre continent. Cela est vrai pour tous les états pré-coloniaux qui ont été séparés consciemment pas les colons français et anglais, pour le besoin de leur action.
Si nous considérons alors que cette question relève plus de la politique des Etats que d’autres considérations, il importe que le débat ait lieu pour que le pays entier s’engage dans une voie consensuelle. Une option violente qui consisterait à vouloir faire un passage en force soulève des doutes sur la sincérité de l’action que l’on veut poser. En quoi un débat gène? Si même la Côte d’Ivoire entière doit changer sa position, il faut que cela ne soit pas sur le chantage émotionnel, encore moins l’instrumentalisation de la violence qui prendrait alors des dimensions colonialistes. Et cela est inacceptable et ne passera pas. Je veux me souvenir que le 11 Septembre 2001, pour faire triompher la paix et la réconciliation, j’avais vivement conseillé à Ouattara, devant Amadou Gon et Aly Coulibaly, après avoir aussi vivement convaincu le Général Robert Guéi, de prendre part au Forum de la Réconciliation. Le reste relève de l-histoire. Je ne comprends pas aujourd’hui pourquoi le Président Ouattara n’organiserait pas un Forum 2 pour en appliquer les résolutions qui en sortiraient? Pour ma part, j’ai écrit au Président Bédié, en tant que Doyen, de prendre l’initiative d’organiser les états généraux sur ces questions délicates, avec le soutien de son jeune frère auprès duquel il a beaucoup d’influence, pour que le pays évite de sombrer dans le désordre comme certains le souhaitent. Le jugement de Salomon des deux mères: qui s’en souvient et de quel côté sommes-nous? J’invoque la foudre de la Parole, Christ Jésus, sur les progénitures de la bête immonde pour détruire les autels de la haine et du sang, pour planter l’Amour, parce que Dieu a créé cette terre d’Eburnie, pour faire triompher sa grandeur et sa bonté! Amen!
Dr Joseph Martial Ahipeaud