« Promettre 100% à Ouattara dans cette région, c’est du mensonge »
Le président du Conseil régional du Guemon, Evariste Tié Méambly, député de Facobly et membre du Bureau politique du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (Pdci), n’a pas été tendre avec le ministre d’État, ministre du Plan et du développement. En meeting en faveur d’Alassane Ouattara, samedi 16 mai 2015, à Duékoué, Mabri Toikeusse l’avait ouvertement accusé, en présence du Premier ministre Duncan, d’avoir saboté la cérémonie.
Le ministre Mabri vous a accusé, samedi dernier, devant le Premier ministre, d’avoir saboté la cérémonie de lancement de la pré-campagne du président Ouattara dans l’ouest. Il a dit que vous n’avez pas cotisé, que vous n’avez pas participé aux réunions et que vous n’êtes pas venu à la cérémonie. Qu’en dites-vous ?
Avant tout propos, je voudrais rappeler à l’illustre ministre d’Etat, Mabri Toikeusse, qu’on ne jette pas à la vindicte populaire celui avec qui on a attaché, dans l’antichambre, des fétiches, et qui a, jusqu’à ce jour, le séquestre des canaris où se trouvent ces fétiches… J’ai été élu par la plus grande région des Wê de Côte d’Ivoire, le Guémon. Je ne pourrais plus accepter, une seconde fois, qu’il me traite de la sorte. Je voudrais vous demander d’aller lui dire que s’il continue de m’attaquer, il ne mettra plus jamais les pieds sur un millimètre carré dans le Guémon. Et, il quittera définitivement la scène politique en Côte d’Ivoire…
Que répondez-vous à ces accusations ?
Le peuple wê, qui regroupe les régions du Guémon et du Cavally dont je préside la destinée, ne veut plus mettre son destin socio-économique dans les mains d’un fils Dan, fût-il Mabri Toikeusse, ministre d’État présent au gouvernement depuis 15 ans. Car, nous estimons qu’en 50 ans, depuis l’indépendance jusqu’à ce jour, les 3/4 du développement du District des montagnes ont été orientés à Man, chez nos frères Dan. Le peuple wê qui constitue les 2/3 de la population de l’ouest montagneux, n’en a pas profité aussi bien au plan socio-politique qu’économique.
Est-ce donc ce qui justifie votre absence à cette cérémonie en faveur du président Ouattara?
Comment pouvez-vous comprendre que le Tonkpi a eu trois ministres depuis l’arrivée au pouvoir du président Alassane Ouattara. Il y a le ministre Flindé, le ministre Mabri Toikeusse, le ministre Sidiki Konaté. Au Cavally, il y a la ministre Ouloto, le ministre Sanogo et le ministre Banzio. Il y a même eu deux Pca (Président du Conseil d’administration, Ndlr) dans le Cavally. Mais dites-moi dans le Guémon, de Duékoué à Kouibly et autres Facobly et Sémian, où est le ministre ? Où sont les Directeurs généraux et les Pca ? Mabri Toikeusse a organisé cette comédie politique pour conforter son poste auprès du président Alassane Ouattara. Malheureusement, tous ceux qui étaient assis auprès de lui dans le Comité d’organisation, ne savaient pas ce dessein voilé que je révèle aujourd’hui. Parce qu’il sait lui-même que Duékoué n’est pas la capitale de l’ouest montagneux. C’est Man. Pourquoi cette cérémonie n’a pas eu lieu à Man ? Et puis, Duékoué n’a pas obtenu un millimètre carré de goudron. Toutes les actions que le président Ouattara a bien voulu initier, ont été orientées à Man. Comment pouvez-vous comprendre que l’Université de l’ouest est à Man, alors que Duékoué est la porte d’entrée ?
Y a-t-il d’autres griefs qui justifient votre absence à cette cérémonie ?
Certains cadres et moi avions estimé qu’il y avait une démarche scientifique à faire. C’est-à-dire, aller, pendant une semaine, dans les hameaux, les villages et les cantons, pour parler à nos parents, leur expliquer l’intérêt de cette cérémonie et prendre deux jours pour faire le meeting. Prendre un véhicule d’Abidjan, arriver à 10 h ou la veille, réunir 5 000 ou 6 000 personnes à la place Henri Konan Bédié sur une population de 2 millions, ce n’est pas cela que le président Alassane Ouattara attend.
Voulez-vous dire que vos remarques n’ont pas été prises en compte ?
Nos remarques n’ont pas été prises en compte dans les négociations. On a deux millions d’électeurs, et ce sont 5 000 ou 6 000 personnes qu’on regroupe. C’est du pipeau et je ne veux pas me retrouver dans ça ! Je vais même plus loin. Regardons un peu en 2010 pendant les présidentielles. Le Pdci a eu 12%. Le Rdr a eu 8%. Ça fait 20% pour le Rhdp avec les mêmes acteurs. C’était Mabri Toikeusse, Toungara, Banzio, Ahoua Touré, Gnonkonté. Moi, Méambly, j’ai eu 36% dans la région. Je pouvais comprendre qu’on dise au président Alassane Ouattara que nous allons nous mettre ensemble avec notre jeune frère Méambly qui est très introduit auprès de Lmp (ex-La majorité présidentielle, pro-Gbagbo, Ndlr). Parce que, c’est une région Lmp, il ne faut pas qu’on se mente. Il faut qu’on dise au président Ouattara qu’on doit aller vers ces gens pour leur demander pardon, qu’ils fassent taire leurs querelles politiques, et qu’ils regardent la vision du développement et l’émergence de la Côte d’Ivoire qui a été amorcée par le chef de l’Etat pendant ces 5 premières années. Je pensais qu’avec les 36% que j’ai obtenus seul avec la Lmp -puisque j’étais parti en candidature indépendante- et les 20% du Rhdp, nous aurions pu avoir un score de 56% ou un plancher de 60% à la présidentielle de 2015. C’est réel, c’est possible. Ça demande une démarche scientifique. Ce n’est pas dans un meeting à la place Henri Konan Bédié de Duékoué qu’on obtient ce score. Ce n’est pas possible. Je ne peux pas comprendre que des ministres acceptent cela. Ce n’est pas possible. Pour une population comme celle-là, qui a souffert des affres de la crise, il faut aller dans les hameaux. Nous sommes 270 villages. En une semaine, on finit de couvrir ces villages avec des missions pour redorer l’image du président Ouattara qui a été ternie. Il faut aller le repositionner dans le cœur des Wê. Dans leur base. Pas au chef-lieu de département autour d’un meeting. Voilà des choses que j’ai proposées qui n’ont pas été prises en compte. Aujourd’hui, promettre 100% au président Ouattara dans cette région, c’est du mensonge. Je suis président de région, je n’assure pas cela.
Sur quoi vous basez-vous pour dire que ces cadres mentent au chef de l’État ?
Je prends l’exemple du peuple baoulé pour qui Laurent Gbagbo a fait beaucoup de choses. Certains cadres lui faisaient croire qu’il allait avoir un bon score là-bas. Mais, on a vu les résultats qu’il a obtenus dans le pays baoulé pendant les présidentielles de 2010.
Continuez-vous de soutenir Alassane Ouattara ?
Je le soutiens. Je lui réaffirme mon soutien total. Mais, je lui promets 56% au premier tour, pas 100%. Je dis aussi que les 20 millions de F Cfa qui ont été payés pour sa caution ne viennent pas du peuple Wê. C’est le ministre Mabri, pour conforter son poste au gouvernement, qui l’a payé. Nous avons des rituels chez nous. Qu’on donne 500 F Cfa, 1000 F Cfa par village pour avoir, au moins, l’accord de nos ancêtres. On ne fait pas tout cela et on dit qu’on donne 20 millions de la part du peuple Wê. J’aurais bien voulu que ce soit un fils Wê qui le dise mais pas Mabri Toikeusse. Chaque région a ses spécificités.
Êtes-vous candidat pour être Directeur de campagne d’Alassane Ouattara dans votre région ?
Que le président Ouattara nomme des directeurs de campagne par région. Je suis candidat contre Mabri. Je suis candidat pour être le Directeur de campagne du président Ouattara dans la région du Guémon. Pas dans le Cavally ni dans le Tonkpi. Je ne connais pas les réalités là-bas. Et je vais lui sortir un score de 56% au minimum. Mais, je ne peux pas dire aujourd’hui qu’il peut faire 100% dans l’ouest et surtout dans le Guémon. C’est du mensonge. Qu’il nous mette en mission, il verra de quoi nous sommes capables. Je ne veux pas que le président Ouattara ferme les yeux sur les mensonges de ces cadres. On ne peut pas promettre 100% aujourd’hui. Il y a du travail à faire. Les villages, les hameaux attendent les vraies visites.
Propos recueillis par SYLLA Arouna
Source: Soir Info, jeudi 21 mai 2015