Depuis le limogeage de Monsieur Tiburce Koffi, la presse et les internautes s’interrogent. Depuis les États-Unis où il se trouve, Monsieur Koffi fait des déclarations dans les médias, accable et accuse. Il se met dans la peau d’un zélé et loyal serviteur de la République frappé par une mesure injuste, alors que pour savoir les motifs techniques et administratifs de son limogeage, il aurait pu, comme cela se fait dans l’administration, demander à se procurer copie du procès-verbal ou de la note ministérielle sollicitant son départ de la direction de l’Insaac.
Car il faut le dire, c’est bien moi, le ministre de la Culture et de la Francophonie, ministre de tutelle de Monsieur Tiburce Koffi, qui ai demandé au Premier ministre, le 30 décembre 2014, le limogeage de l’ex-directeur de l’Insaac.
J’ai justifié et argumenté ma demande et ai obtenu le limogeage de Monsieur Tiburce Koffi, en bonne et due forme, selon les règles et principes de fonctionnement de notre administration. D’abord, par pur parallélisme de forme. C’est le ministre de la Culture et de la Francophonie qui a soumis au Premier ministre, au Président de la République et au gouvernement la nomination de monsieur Tiburce Koffi au poste de Directeur de l’Insaac. C’est donc le même ministre qui soumet le limogeage de l’intéressé suivant la même procédure.
Il faut préciser que le limogeage de Monsieur Koffi trouve sa justification dans les règles de fonctionnement de l’administration et non dans des raisons politiques.
En d’autres termes, Monsieur Tiburce Koffi n’est pas limogé parce qu’il a écrit un livre dans lequel il s’insurge contre l’Appel de Daoukro, ou parce qu’il prend des positions politiques favorables et (ou) défavorables au chef de l’état, mais parce que dans son livre, l’auteur se livre a des licences attentatoires à l’honorabilité du chef de l’état.
Monsieur Tiburce Koffi y tient des propos outranciers, se livre à des insinuations calomnieuses et même injurieuses aussi bien à l’endroit du Président de la République qu’à l’endroit de plusieurs autres hautes personnalités de notre pays.
Ces propos, insinuations, et réflexions (que je ne peux citer par respect à l’image et à l’honorabilité du chef de l’Etat) violent la loi n°92-570 du 11 septembre 1992 portant Statut Général de la Fonction Publique, en son article 23, qui, à tout fonctionnaire, fait obligation de loyauté, de dignité et de dévouement à l’endroit de l’Administration et de son chef.
Ce même article prescrit l’obligation de réserves aux fonctionnaires et cette obligation de réserves et de loyauté pèse encore plus sur les hauts fonctionnaires et principalement sur ceux qui détiennent une parcelle du pouvoir à eux concédée par le chef de l’état. En prenant les positions qui sont les siennes, dont la pudeur, je le répète, m’interdit de les reprendre ici, Monsieur Tiburce Koffi a gravement violé la loi sus- citée, se montrant de facto irrévérencieux, outrecuidant et déloyal à l’endroit du Chef de l’Administration : le Président de la République.
En conséquence de quoi Monsieur Tiburce Koffi est sanctionné. Il s’agit donc d’une sanction administrative et non politique. En outre, monsieur Tiburce Koffi viole l’article 26 de la même loi, en son alinéa 4, dans les obligations faites à tout fonctionnaire de ne divulguer de secrets professionnels. Or dans son livre, l’ex-Directeur de l’Insaac dévoile, dans une note en bas de page, des échanges faits, dans le cadre de ses fonctions, avec des parents d’étudiants de son Institut. Encore faute, faute grave même ! Monsieur Tiburce ne peut mêler l’Inssac à ses propres trébuches et turbulences sans exposer le bon fonctionnement de l’Institut à de graves menaces et perturbations.
Monsieur Koffi a été nommé à ces hautes fonctions en sa qualité de haut fonctionnaire et non de grand écrivain ou de grand journaliste. Au surplus, ses qualités d’écrivain et de journaliste ne le placent pas au-dessus de la loi, du Statut Général de la Fonction Publique. La discipline, dans la Fonction Publique, est contraignante. Elle est régie et réglementée comme dans les corps armés. Et même si ces dernières années de crise ont consacré l’indiscipline, la défiance à l’autorité et la chienlit, je considère qu’un Directeur d’un établissement public d’enseignement supérieur doit être un modèle de discipline, de loyauté.
Cela dit, la Côte d’Ivoire est un Etat de droit. Au lieu de s’étaler dans la presse et les médias, depuis les Etats-Unis, Monsieur Tiburce Koffi peut saisir le tribunal administratif de son pays s’il s’estime objet d’une mesure abusive, aux fins de contester la décision de son ministre et d’en obtenir la pure et simple annulation, si le droit est de son côté.
En un mot comme en quatre, j’ai proposé et obtenu le limogeage de Monsieur Koffi, pour le faire remplacer par un autre Koffi, en toute responsabilité et liberté d’action, car un ministre, c’est fait pour agir et décider. C’est moi qui ai pris la décision de me séparer de mon ex-collaborateur, ami et frère Koffi, dès lors qu’il a failli, de mon point de vue.
C’est donc bien moi, et non le Premier Ministre, encore moins le Président de la République, qui ai pris l’initiative de la décision du limogeage de Monsieur Tiburce Koffi.
Je dois d’ailleurs me réjouir d’avouer que je bénéficie, comme tous mes collègues, de la part du Président de la République et du Premier Ministre de cette totale et entière liberté et indépendance de choisir mes collaborateurs, tous mes collaborateurs, d’obtenir leur nomination, comme d’obtenir leur limogeage, sans intention de les humilier, avec pour seul souci le bien de l’administration et le service de la Nation pour lesquels le Chef de l’Etat nous a appelés à ses côtés pour le soutenir et l’aider dans son exaltante et difficile mission. De lui-même, délibérément et de façon unilatérale, Monsieur Tiburce Koffi a mis fin à ce contrat de confiance qui le liait au Président de la République via le ministre de la Culture et de la Francophonie.
Pour terminer, le ministre de la Culture et de la Francophonie n’a pas déclaré un autodafé au livre de Monsieur Tiburce Koffi. Il n’est pas, non plus, poursuivi en justice pour avoir écrit un livre. Il n’y a donc pas ici d’entrave à la liberté d’expression. J’ai tout simplement fait relever Monsieur Koffi de ses fonctions afin qu’il retrouve toute son indépendance et sa totale liberté d’expression, puisqu’il n’a pas eu la force et le courage de donner sa démission avant ou après la publication de son livre à polémique.
A toute fins utiles, je rappelle que les intellectuels, honnêtes et dignes, sous d’autres cieux, démissionnent de leurs fonctions publiques quand ils ont à prendre des positions publiques pouvant prêter à polémique ou porter atteinte au Président de la République ou au Premier Ministre, ou quand surgissent des controverses et des contradictions, en un mot, quand on n’est plus en accord, en harmonie idéologique ou politique avec le chef.
Et pour paraphraser l’ex-ministre français Jean-Pierre Chevenement : » Un haut fonctionnaire (ou un ministre) ça ferme sa gueule, ou ça dégage. » Post-scriptum Monsieur Tiburce Koffi aurait dû se dégager de lui-même, librement. Il aurait gagné en prestige et en crédibilité. Pour le grand intellectuel qu’il est. Il n’en a pas eu le courage. Il a été dégagé, sine petia. C’est la règle. Elle est dure, mais c’est la règle. Et il en sera de même pour tous ceux qui seront tentés par son « aventure ambigüe. »
A bon entendeur…!
Fait à Abidjan, le mercredi 14 janvier 2015
Maurice Kouakou Bandaman,
Ministre de la Culture et de la Francophonie.