Sur proposition du gouvernement, le vendredi 27 juin 2019, l’Assemblée Nationale du Mali, a une nouvelle fois prorogé son mandat jusqu’au 02 mai 2020. Les élus de la Nation ont voté à 123 pour, 19 contre et 0 abstention. Cette seconde prorogation, semble accueillir plus de contestation que la précédente en décembre 2018. Lundi 1er juillet 2019, une manifestation des jeunes contestant le retour des Députés dans l’hémicycle, a été dispersé par les Forces de l’ordre à coup de gaz lacrymogène.
Le vendredi dernier, alors que le Ministre de l’Administration et de la décentralisation, Boubacar Alpha BAH, défendait auprès des Honorables Députés, le projet de prorogation de leur mandat, dehors en face de l’hémicycle : se tenait un mouvement de contestation porté par des jeunes maliens réunis dans la plateforme « Parlement Populaire du Peuple » et des femmes appartenant à la force politique de l’opposition : ADP-MALIBA.
À l’intérieur de l’hémicycle dans une toute autre ambiance et sans grande surprise : la loi de prorogation a passé comme une lettre à la poste. Même du côté des partis politiques de l’opposition, aucun vote de contestation n’a été enregistré. Les principales figures de l’opposition présentes à l’Assemblée, ont préféré l’abstention. Soumaila CISSE, chef de l’opposition, président du parti Union pour la République et la démocratie (URD) et Oumar Mariko, président du parti, solidarité Africaine pour le développement et l’Indépendance (SADI), évoquent tout comme leurs homologues de l’Alliance pour la paix au Mali (ADP-Maliba) des raisons imposées par la ligne de leurs formations politiques. Cependant, il faut noter qu’ils qualifient tous cette prorogation d’anticonstitutionnel violant pour l’opposition, la constitution du 25 février 1992 durement acquise après 23 ans de dictature militaire.
Du côté du gouvernement tout comme des partis de la majorité présidentielle, on ne conteste pas la violation de l’acte fondateur mais on appose un mal nécessaire. Le gouvernement parle aussi d’une difficulté à organiser les élections dans toutes les régions du pays à cause la recrudescence des violences intercommunautaires dans les régions de Ségou et Mopti, l’accentuation de l’insécurité dans les régions du nord du pays. Autre argument mis en avant, le gouvernement dit ne pas vouloir user du droit de légiférer par ordonnance comme le prévoit la constitution dans pareil cas. Le Président de la République, souhaite avoir une Assemblée Nationale pour voter les lois et surtout faciliter la tenue prochaine d’une nouvelle révision constitutionnelle qu’il compte proposer aux maliens.
La société civile est aussi très divisée sur cette question. Il y’a les partisans de la non prorogation qui estiment que nul ne peut justifier le rallongement du mandat des députés puisque cela viole la constitution. Pour ces organisations, le gouvernement tient un double langage, ils s’expliquent par le fait que celui-ci a pu tenir l’élection présidentielle en 2018, veut organiser une réforme constitutionnelle mais refuse d’organiser l’élection des Députés. D’autres organisations de la société civile craignent de voir, le Président de la République prolongé son mandat à sa fin en 2023, en mettant en avant les mêmes arguments qu’il utilise aujourd’hui pour proroger le mandat des Députés. Ils ont à l’esprit disent-ils, le cas de son ex homologue, Joseph Kabila.
Pour les pros prorogations, l’insécurité et la difficulté d’accès de certaines zones pour y tenir des scrutins, sont des raisons suffisantes pour pousser la date des joutes législatives. Il faut noter que tous les groupes armés signataires de l’accord pour la paix et la réconciliation issue du processus d’Alger sont pour cette prorogation. La Coalition des mouvements de l’Azawad et la plateforme soutiennent le choix du gouvernement. En effet comme beaucoup d’autres acteurs, ils attendent la tenue du dialogue politique inclusif proposé par le gouvernement. Le dialogue politique inclusif, est la suite de l’accord politique signé entre le gouvernement du Mali et les partis de l’opposition en début d’année. Il doit aboutir sur un débat inter-malien, réunissant tous les acteurs de la société civile et des formations politiques maliennes. Le gouvernement entend par ce dialogue, débattre de toutes les questions préoccupantes dont la mise en œuvre de l’accord signé en 2015 mais qui tarde à être appliqué. Cette rencontre sera aussi pour beaucoup de spécialistes de la classe politique, une occasion d’adopter le projet de révision de la constitution qui doit intégrer plusieurs éléments prévus dans l’accord. A titre de rappel, c’est la seconde fois que le mandat des députés est prorogé au cours de cette législature. En Décembre 2018, c’est sur l’avis n°2018-02/ ccm du 12 octobre 2018 de la cour constitutionnelle que le mandat a été prorogé jusqu’en juin 2019.
Cette fois-ci, c’est par une loi organique prise en conseil des ministres sur proposition du ministère de l’Administration du territoire et de la décentralisation, que la décision a été prise. Le gouvernement du Mali, est tenu d’organiser avant le 02 mai 2020, les élections législatives sur l’étendue du territoire. Ibrahim ADIAWIAKOYE