Nous sommes tous en face d’un immense gâchis qui aurait pu être évité si la raison et le bon sens avaient guidé les dirigeants politiques français. Désormais nous savons tous que la précipitation peut produire l’effet contraire de ce qu’on recherche.
Le comportement du gouvernement français et de son président dans cette affaire va rendre plus que difficile la recherche d’une solution négociée de la crise nigérienne. La France comme d’habitude affectionne les combats d’arrière-gardes ainsi que la négation des évidences comme ce fut le cas pendant la guerre d’Algérie de 1954 à 1962.
Observons ici l’indignité de la France
À la lumière des faits, la convocation à l’Élysée d’un conseil de défense de la république française comme si le Niger était Mayotte, la Réunion, la Martinique la nouvelle Calédonie ou la Guadeloupe a été un choc pour beaucoup d’Africains.
Le discours d’Emmanuel Macron, qui disait avoir demandé à la CEDEAO de prendre des sanctions contre le Niger a eu l’effet inverse de créer une sympathie pour la junte nigérienne et son CNSP. La fermeture des frontières des pays voisins ainsi que les sanctions économiques et bancaires imposées au Niger sont criminelles et indignes de la CEDEAO.
On a aujourd’hui le sentiment que l’organisation régionale qui doit promouvoir la coopération économique la solidarité et l’intégration des économies de l’Afrique de l’Ouest est en train de se saborder en se mettant au service des intérêts extra africains.
Cette idée de brandir d’entrée une menace d’intervention militaire pour libérer Mohamed Bazoum pour faire plaisir à la France vient de nous convaincre que la CEDEAO a perdu sa propre boussole. Cela nous amène à faire le constat dramatique de son incapacité à promouvoir une CEDEAO des peuples Ouest africains.
De simples infrastructures comme des routes manquent à l’intérieur de l’espace communautaire de l’Afrique de l’Ouest. Aussi, nous constatons avec regret le faible niveau des échanges commerciaux à l’intérieur de l’espace CEDEAO et surtout le manque de compétitivité du secteur privé.
Toutes ces lacunes sont des obstacles à l’intégration économique régionale. Voilà des problèmes qui doivent plus préoccuper la CEDEAO au lieu d’aller se mettre à la remorque d’une tierce puissance pour venir punir un pays voisin et frère.
Observez avec nous le parlement de la CEDEAO et vous constaterez que c’est le seul corps législatif au monde qui ne légifère pas, c’est vous dire à quel point l’institution qui veux parler et agir au nom des peuples de la sous-région est une immense plaisanterie.
En définitive nous faisons aujourd’hui le constat dramatique que la CEDEAO, ne représente rien, ni personne comme les soi-disant États qui la compose. Elle est structurellement plus qu’une fiction qu’une réalité.
La dénonciation des accords de défense entre le Niger et la France ainsi que le refus français de ne pas quitter le Niger est aussi une attitude arrogante et méprisante difficilement acceptable car cela peut pousser la junte et son CNSP à faire appel à des pays tiers pour l’aider à chasser la France.
C’est juridiquement intenable de vouloir rester dans un pays ou on ne veut plus de toi. Quel est la valeur juridique des accords léonins de défense qui n’ont jamais été ratifiés par les parlements de nos malheureux pays africains.
La plupart de ces accords ont des clauses secrètes qui dévoilées devant un tribunal plongeront le monde entier dans un immense dégoût envers celui qui veut en faire un document de droit. Dire que Mohamed Bazoum, est le président démocratiquement et divinement élu fait sourire.
Omar Bongo, Gnassingbé Eyadema, Blaise Compaoré, Habyarimana, Idriss Deby Ethno et consorts, avaient tous organisé des élections avec des scores à la soviétique en leur faveur avec en bonus le soutien et les félicitations de la France et pourtant ils étaient des dictateurs de la pire espèce.
L’avenir du Niger dans un sahel en ébullition
Le Niger veut sortir des relations toxiques qu’il entretien avec la France qui vampirise son effort de développement, sa liberté et sa soif de progrès. Avoir de l’uranium sans avoir de l’électricité. Un partenaire qui pille vos ressources sans un regard pour vos souffrances est difficilement acceptable aujourd’hui.
Nous ne sommes pas pour les coups d’État mais la vie de Mohamed Bazoum ne mérite pas une guerre contre le Niger si on tient compte des exemples de la Libye voisine et des autres interventions du monde occidental pour y restaurer la démocratie introuvable en Irak, en Syrie ou en Afghanistan.
La pollution radioactive par l’exposition à l’air libre par AREVA (ORANO) depuis des années des montagnes de déchets d’uranium autour de la ville minière d’Arlit au nord du Niger et le fait que le Niger ne perçoit que des sommes dérisoires de sa propre production d’uranium qui contribue à 7% du budget national est une aberration difficilement justifiable par les nouvelles générations.
Comment nos pays africains pourront-ils se développer et fonder une vie nationale digne de ce nom avec 10% de leur production de pétrole, de cuivre, de manganèse de gaz naturel, de bauxite ou de coltan ? La croissance démographique actuelle de notre continent, nos besoins en infrastructures, la crise systémique de la dette et les exigences de l’ajustement structurel du FMI rendent l’épanouissement collectif difficile sous nos cieux.
Ne pas prendre toutes ces difficultés en compte et vouloir aller faire une guerre pour tuer des innocents à cause des beaux yeux et de la peau claire de Mohamed Bazoum, nous parait difficilement justifiable. Il faut sortir des aberrations inutiles et insensées d’hier pour aller de l’avant dans un projet novateur porteur d’une autre vision qui nous éloigne de l’arrogance, du mépris et de la condescendance.
Conclusion générale
La France doit selon nous dénoncer elle-même tous ces contrats coloniaux qui ne profite qu’à elle seule et à ses multinationales. Ces contrats heurtent profondément les Africains qui ne veulent plus être des nains dans un monde de géants.
Une remise à plat à travers une autocritique constructive qui ne s’inscrit plus dans une volonté de domination. Ne pas le comprendre et considérer ceux qui en parlent comme des antifrançais, c’est faire le pari du plus lamentable des fiascos.
Si on avait laissé les Nigériens régler leurs problèmes entre eux on n’en serait pas là aujourd’hui. Si on avait aidé les pays sahéliens en leur fournissant du matériel militaire pour défendre leur pays on n’en serait pas là aujourd’hui. Macron ne peut pas prétendre aimer le Niger plus que les Nigériens eux même.
Mais mieux encore, comment expliquer qu’en dix ans de présence, l’armée française avec ses drones, ses satellites d’observations et de renseignements ainsi que sa puissance de feu n’a pas été capable de neutraliser des Djihadistes en sandalettes et à moto dans le désert ?
Y avait-il un désir sincère d’exterminer les Djihadistes ? Tous ces questionnements nous poussent à douter de la sincérité des interventions militaires française en Afrique. Elles font toujours plus de mal que de bien à nos pays. L’intervention à Kolwezi en 1978 pour sauver le régime criminel de Mobutu.
De l’opération barracuda à Bangui en 1979 pour renverser Bokassa, ou encore de l’opération turquoise en juin 1994 avec le génocide rwandais qui l’accompagne. La France avait 2 550 soldats sur place et aurait pu aider les Rwandais à éviter cette tragédie sanglante, bestiale et traumatisante pour nous tous.
Comment voulez-vous qu’après toutes ces expériences douloureuses un Africain digne de raison et d’intelligence soutient aujourd’hui une guerre française maquillée en CEDEAO contre le Niger ?
En ce qui concerne la BECEAO, elle vient de donner raison à tous ceux qui réclament la souveraineté monétaire et la fin du franc CFA. L’union économique et monétaire vient de prendre lui aussi un grand coup sur la tête à un moment ou des pays comme la Guinée, le Burkina Faso et le Mali menacent de quitter la CEDEAO.
Pour finir nous disons ici que la France a sans doute des intérêts au Niger. Mais ses intérêts à travers des contrats léonins ne sont en aucun cas au-dessus de la vie du peuple nigérien. Ce pays n’est pas une région française où l’Élysée peut user du 49-3 avec allégresse. La France vent débout dans un discours martial et napoléonien n’impressionne plus la nouvelle génération d’africains.
Emmanuel Macron : « ne toléra pas une attaque contre la France et ses intérêts au Niger et Paris répliquera de manière immédiate et intraitable »
Imaginez à l’heure des réseaux sociaux l’image des dizaines de cadavres nigériens dans les rues de Niamey, morts sous des balles de l’armée française et vous comprendrez la nature inhumaine du prix de votre arrogance qui se mue en aveuglement.
Merci de votre aimable attention.
Dr Serge-Nicolas NZI
Chercheur en communication
Lugano (Suisse)
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