Dans toute nation démocratique, le principe de la séparation des pouvoirs constitue l’un des leviers du dynamisme économique, social, voire politique. Mais en Côte d’Ivoire, l’observance de ce précepte fondamental demeure un défi. Dans la mesure où certaines personnes, à la solde du pouvoir, se retrouvent avec deux, voire trois postes. En réalité, que gagne-t-on avec ces pratiques rétrogrades ? Quelle efficacité peut-on en tirer, en termes de gestion des affaires courantes ?       

Arrivé officiellement à la tête de la Côte d’Ivoire, le 6 mai 2011, au terme de cinq mois de crise post-électorale, le président Alassane Ouattara se devait de répondre aux attentes des populations. La question du cumul des postes figurait sur la liste des défis. Mais très tôt, les Ivoiriens ont dû se rendre compte que le bout du tunnel est encore loin.

Dans la gouvernance Ouattara, les exemples en sont légion. A Abobo, Kandia Camara est l’actuelle député-maire. Elle occupe au même moment le poste de ministre d’État, ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et de la Diaspora. A Attécoubé, Danho Paulin en est le député-maire, alors qu’il est le patron du ministère des Sports.

Avant d’être nommé Médiateur de la République le 4 avril 2018, Adama Toungara, auparavant maire d’Abobo, était à la tête du ministère du Pétrole et de l’Energie. Du côté d’Adiaké, Hien Sié, DG du port Autonome d’Abidjan, est le député-maire de la localité, Trésorier de l’Union des Villes et Communes de Côte d’Ivoire, pour ne citer que ceux-là.

Comment comprendre que ces idéaux combattus hier dans l’opposition soient devenus aujourd’hui un leitmotiv du pouvoir Ouattara ? Comment appréhender tous ces privilèges accordés à un seul individu ? Seraient-ils les seules têtes pensantes de leurs circonscriptions respectives ? Heureusement que non ! Ces façons de faire relèvent simplement et purement de machinations politiques : positionner ces hominidés à certains endroits jugés stratégiques, pour mieux contrôler ces secteurs.

Agir ainsi pourrait ne pas être une mauvaise chose en soit, si les personnes en question se montraient souvent à la hauteur de la mission. Si elles feignaient au moins de s’imprégner de la kyrielle de réalités auxquelles se trouvent confrontés les régentés, à l’effet d’y trouver des solutions. Il est vrai que certains parviennent à tirer leur épingle du jeu. Ce qui est à saluer. Mais dans la plupart des cas, l’on se contente des retombées ou avantages, au grand mépris des aspirations pourtant légitimes des peuples.

En Eburnie, des maires, députés, voire présidents de Conseils régionaux, une fois parvenus à ce poste, deviennent des fantômes. Ils sont invisibles dans leurs agglomérations, désormais abonnés aux voyages multiples hors du pays. Certaines de ces personnalités élues à l’intérieur du pays font d’Abidjan leur nouveau lieu de résidence, loin des administrés, pour mieux gérer leurs propres affaires.

Ce cumul des postes, loin de garantir l’efficacité dans la gestion des affaires courantes, représente un obstacle majeur à l’avancement des sociétés. Ce non-respect du principe de la séparation des pouvoir engendre une lourdeur administrative, émousse les volontés, favorise la gabegie et autres détournements de deniers publics et attise les tensions sociales.

A l’approche des échéances électorales du 2 septembre 2023, il convient d’attirer l’attention de tous sur cette pratique, dans le but de prévenir les troubles. Élus pour la plupart en 2018, ces patrons des collectivités sont désormais bien connus des populations, à travers le bilan. Si dans certaines circonscriptions, des élus bénéficient de la caution des populations, en vertu de leurs réalisations, dans d’autres, des grognes se font entendre, depuis l’annonce des candidatures, pour rendement jugé insatisfaisant.

En pareilles situations, il importe de suivre la voie de la sagesse, en renonçant aux velléités de vouloir imposer ces candidats indélicats, dans les localités où les germes de la violence prennent déjà forme dans les esprits. Mieux vaut prévenir que guérir, dit l’adage. Pour la paix et la consolidation de la cohésion sociale en Côte d’Ivoire, aucun sacrifice n’est de trop !

Par Roger Kassi