Affi N’Guessan : «Je veux prouver que Gbagbo n’a pas travaillé en vain au plan politique»

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Affi N’Guessan sans détour Invité de l’émission « Parlons franchement » sur la première chaîne de la télévision publique ivoirienne, RTI 1, le président du Fpi, l’ex-Premier ministre Pascal Affi N’G0uessan a parlé franchement au journaliste Brou Aka Pascal. Enregistré quelques jours auparavant, l’élément a été diffusé le jeudi 16 avril en soirée. Ci-dessous de larges extraits de l’entretien. 

Propos recueillis sur RTI1 par César EBROKIE

Rti 1 : …C’est la candidature de Laurent Gbagbo au prochain congrès de votre parti ou qu’est-ce qui vous gêné…

Pascal Affi N’Guessan : Ce n’est pas la candidature du président Laurent Gbagbo qui nous divise. Ce qui nous divise, c’est ce que je viens de dire. Le bilan de notre exercice ; les leçons que nous tirons de ces dix ans de pouvoir ; de la crise postélectorale et les nombreuses orientations à impulser au parti. La candidature du président Laurent Gbagbo est apparue comme un moyen que certains qui veulent m’éjecter du pouvoir, pour parler comme le commun des mortels, ont, je dirai inventé, instrumentalisé. Parce qu’ils savent que c’est le seul moyen. Sinon avant que nous ne voyions cette phase électorale de la crise, il y a eu d’autres phases qui ont porté sur la participation du front populaire ivoirien aux élections de 2015; la présence du Fpi à la commission électorale indépendante. Sur ces questions, nous avions des divergences. J’étais pour que nous soyons à la Cei. Je suis favorable à la participation du front populaire ivoirien aux élections à venir. Nos camarades y étaient opposés, hier. Les divergences ont commencé là. Je dirais même qu’elles ont démarré bien avant ma sortie de prison. En 2012, certains camarades qui assuraient la direction intérimaire du parti ont proposé l’organisation d’un nouveau congrès alors que j’étais en prison à Bouna. Cela n’a pas marché parce que la grande majorité des militants s’y était opposée. Quand je suis sorti de prison, il y a eu des tentatives pour me confiner en dehors de la direction. Ça n’a pas marché. C’était la deuxième phase de la crise. La troisième phase, c’était la participation du Fpi au dialogue politique. La quatrième phase, c’est la phase électorale avec la candidature du président Laurent Gbagbo à la présidence du parti.

Candidature à laquelle vous êtes opposée ?

Je suis opposé par principe. A la fois pour des raisons juridiques et plus. J’ai toujours affirmé que je ne vois pas en quoi cette candidature peut aider à faire avancer le dossier du président Laurent Gbagbo et à faire avancer la cause du front populaire ivoirien.

Est-ce que selon vous le fait que le différend soit porté devant la Justice n’a-t-il pas contribué à agrandir le fossé ?

Il y a eu le dialogue, malheureusement, cela n’a pas prospéré. Il y a plusieurs rencontres. Dans un premier temps, quand la question de la candidature du président Laurent Gbagbo s’est posée, pour amener les camarades à faire reculer le congrès de manière à ce que nous nous asseyions pour discuter de cette candidature. Ils ont refusé. Nous avons proposé que nous puissions envoyer des délégations à La Haye pour rencontrer le président Laurent Gbagbo, parce que jusqu’à preuve du contraire, le président Gbagbo n’a pas fait acte de candidature. Cette proposition aussi a été rejetée. Et nous nous approchions de la tenue du congrès et la pression montait. Notre recours à la justice est apparu comme la moins mauvaise solution pour éviter des affrontements à un congrès qui était préparé dans la tension, dans l’adversité totale. Puisqu’il n’y avait aucune possibilité de pouvoir nous entendre. Si les propositions que j’avais faites avaient été acceptées, nous ne serons pas allés au tribunal. Mais j’ai été au tribunal pour aider le parti ; pour éviter le chaos au parti. Je ne sais pas ce que serait devenu le front populaire ivoirien s’il n’y avait pas eu l’action devant la Justice.

Que fait Pascal Affi N’Guessan pour que les militants qui sont exil reviennent ?

Le dialogue, la négociation. C’est l’arme que nous avons choisie. Et c’est l’arme qui est conforme à la démarche du front populaire ivoirien depuis toujours. Même avec le président Laurent Gbagbo. C’est vrai que les avancées sont timides mais on peut se réjouir de ce que ces avancées ont permis d’améliorer l’environnement sociopolitique. Il y a eu des avancées en termes de libération de certains prisonniers politiques. Il y a des exilés qui sont rentrés. Parmi eux, certains qui étaient farouchement opposés au retour des exilés. Je veux parler du président du Comité de contrôle (du Fpi, Hubert Oulaye, ndlr). Je veux parler d’autres membres de la direction. Nous continuons de travailler de manière à ce que tous les exilés rentrent. Sur la question, je voudrais dire qu’à l’issue de la rencontre du 22 mai 2014 avec le gouvernement, nous sommes tombés d’accord pour que tous les exilés qui veulent rentrer puissent rentrer librement. Même lorsqu’ils vont l’objet de poursuites judiciaires. Il s’agit aujourd’hui de faire en sorte que la grande majorité des refugiés qui sont dans les camps de réfugiés au Ghana comme au Libéria puissent être pris en charge par un programme gouvernemental qui favoriserait leur retour. Au-delà de cela, il y a de dégel des comptes bancaires. C’est un processus aussi qui est en cours. C’est vrai que là-aussi, les avancées sont timides. Mais les avancées sont réelles. Puisque moi-même, j’étais sous sanctions de l’ONU et les sanctions sont levées. Mon compte a été dégelé. Cela signifie qu’il y a des retombés du dialogue politique. Nous devons poursuivre. Et nous invitons chaque jour, le gouvernement à aller plus loin. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de satisfaire les revendications d’un parti politique. Il s’agit de créer les conditions pour la paix, la stabilité et la réconciliation nationale.

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En autres critiques, on dit que vous voulez tourner la page Gbagbo. Vous seriez manipulé par le pouvoir en place. Que répondez-vous ?

On ne peut pas tourner la page d’un homme politique. Un homme politique construit lui-même sa propre page ; écrit son histoire dans l’Histoire générale de son pays et du monde. Le président Houphouët hier a construit son histoire dans l’Histoire de la côte d’ivoire. Il y a d’autres personnes qui ont succédé au président Houphouët à la tête du Pdci mais son histoire est là. Le président Gbagbo a posé des actes qui sont historiques. Il est l’acteur majeur de la réinstauration du multipartisme et la démocratie en Côte d’Ivoire. Personne ne peut revendiquer ça à sa place. Aujourd’hui, il s’agit de savoir si ceux qui ont, pendant des années, travaillé avec le président Laurent Gbagbo ; qui ont bénéficié de son expertise politique ; ont un apport à ajouter à cette histoire où est-ce qu’il faut considérer qu’après lui, c’est le vide. Parce qu’il n’y a aucune autre personnalité capable de positiver l’œuvre du président Laurent Gbagbo ; de faire féconder cette œuvre ; d’y apporter sa pierre ; d’apparaître comme un vrai disciple. Parce qu’un grand maître, c’est celui qui a des disciples. Je crois que la question se pose en ces termes. Moi, par mon action, je veux prouver que le président Gbagbo n’a pas travaillé en vain au plan politique. Qu’il a contribué à la formation d’une élite, de personnes qui sont aujourd’hui capables d’assurer la relève. D’assumer l’œuvre, de faire avancer la Côte d’Ivoire. C’est ce que nous voulons faire, et cela n’est pas en contradiction avec l’œuvre du président Gbagbo. Mais en plus, il s’agit non seulement de prendre ses responsabilités mais d’agir de sorte à ce que le président Laurent Gbagbo soit en liberté. C’est notre devoir de travailler, d’agir de prendre toutes les initiatives afin que ceux qui sont privés de liberté puissent recouvrer la liberté demain.

Vous voulez dire que vous n’avancez pas seul ; que vous n’avez pas un agenda caché…

A partir du moment où nous travaillons pour le parti et que les acteurs majeurs de ce travail sont les militants, il n’y a pas de raison de dire que nous avons un agenda caché.

On a lu dans la presse qu’Affi N’Guessan a été reçu seul par François Hollande. Qu’est-ce qui s’est passé à cette rencontre ?

Je n’ai pas été reçu seul. Le président français François Hollande a reçu l’ensemble des partis de l’opposition. Étaient présents le Rpp, l’Urd, Lider, l’Udcy, Mouvement alternative citoyenne etc. Le Fpi a eu le privilège d’être représenté à cette rencontre par trois représentants là où les autres n’avaient qu’une seule personne. J’étais accompagné du vice-président Dano Djédjé et de la Secrétaire générale Agnès Monnet. Nous avons été reçus ensemble ; non séparément. Le seul événement qu’on peut considérer que celui qui a jeté l’émoi, c’est qu’à la fin de cette rencontre, le président Hollande a eu un entretien en aparté avec moi. C’était plus pour manifester les rapports privilégiés que nous avons avec le président Hollande lui-même et avec le parti socialiste français. Parce qu’il y a longtemps que nous nous connaissons ; que nous sommes membres de la grande famille de l’International socialiste et que nous nous fréquentons dans le cadre des relations bilatérales.

On vous reproche de n’avoir pas fait le compte rendu de cet entretien en tête-à-tête…

C’est une attitude qui me paraît puéril. Je crois qu’en politique, la première chose importante qui doit exister entre un dirigeant et ses camarades, c’est la confiance. Si la confiance existe, on ne peut pas demander des comptes au jour le jour. Même si j’avais eu des entretiens particuliers avec le président Hollande, ce n’est pas sur la place publique que je vais exposer ces entretiens-là. Cela aurait été irresponsable de ma part. Donc je suis surpris que des camarades puissent prendre prétexte de cet entretien pour mener une campagne contre moi. Parce que dans tous les cas, s’il y a une trahison, cela va se manifester dans les actes. Quels sont les actes sur lesquels ils peuvent s’appuyer pour dire que le président Affi a trahi. La voie que j’ai choisie je l’assume publiquement. J’ai opté pour le dialogue et je l’assume. Je n’ai pas besoin forcement d’un entretien avec le président Hollande pour m’engager dans une voie que j’ai choisie. Si le président Hollande nous invite à rester dans le jeu politique, à participer aux élections, c’est une invitation, nous sommes libres de l’accepter ou de la refuser. C’est dans notre intérêt si nous voulons nous engager. Si nous ne voulons pas nous engager, nous assumons. En quoi ce discours peut-il apparaître comme une ingérence dans nos affaires ? Je voudrais rassurer nos militants. J’ai fait le choix du dialogue, de la négociation et de la réconciliation. Je l’ai fait en connaissance de cause et je l’assume. Parce que je sais que c’est cette voie qui peut nous permettre d’avancer.

Vous évoquiez le sort de Laurent Gbagbo, votre stratégie pour le faire libérer. De quels moyens disposez-vous pour le faire libérer ?

D’abord le choix du dialogue et de la négociation est un choix qui s’impose à nous. Aujourd’hui en dehors de dialogue, de quels autres moyens disposons-nous au front populaire ivoirien pour obtenir la libération du président Laurent Gbagbo ? Avons-nous les moyens de faire la guerre à la communauté internationale pour que le président Gbagbo soit libéré ? Si nous ne pouvons pas recourir à la guerre, il nous reste le dialogue. Et la négociation, le président Laurent Gbagbo lui-même l’a dit, c’est l’essence de la démocratie, c’est l’essence du jeu politique. Il n’y a pas de politique sans négociation ; sans dialogue. Je m’évertue à le dire tous les jours, c’est la politique qui a emmené le président Gbagbo en prison, c’est la politique qui fera revenir le président Gbagbo en Côte d’Ivoire. Nous devons nous donner les moyens politiques. Et les moyens politiques, ce sont les alliances, les réseaux politiques. Vous ne pouvez pas être un homme politique performant si vous êtes un homme politique isolé. Vous devez au contraire être dans les réseaux ; avoir une image qui passe ; avoir un discours qui ne vous isole pas ; qui convainc ; qui persuade. Je crois que nos camarades le savent si bien qu’eux-mêmes sont dans l’impasse.

Vous avez effectué une tournée dans la sous-région à l’occasion de laquelle vous avez rencontré des chefs d’Etat. Sont-ce ces réseaux que vous recherchez ?

Ce sont ces réseaux que nous sommes en train d’actionner. Nous sommes allés au mali. Le président Ibrahim Boubakar Kéité (IBK) est ami du président Laurent Gbagbo. Cela fait plusieurs années que nous travaillons ensemble. Aujourd’hui, il est chef d’Etat. Il peut nous apporter un appui pour faire avancer notre cause. De même que le président Mamadou Issouffou du Niger ; de même qu’alpha condé de Guinée. Ce sont des amis, ce sont des opportunités. Il faut les mobiliser ; il faut les appeler à s’impliquer. Au-delà de ces chefs d’Etat de la sous-région, pendant le mandat du président Laurent Gbagbo, il a eu des relations de coopération étroite avec d’autres pays en Afrique tels que l’Angola, la Guinée Equatoriale, le Cameroun etc. Jusqu’à ce jour, ces réseaux ne sont pas actionnés, mobilisés pour contribuer à faire progresser la cause du président Laurent Gbagbo. Pour contribuer à donner la vraie image du président Laurent Gbagbo, et de ce que toutes les accusations qui sont portées contre lui sont fausses et relèvent de la manipulation. C’est ce travail de mobilisation de ces capacités politiques que nous voulons faire, maintenant que nous avons la possibilité de sortir du pays parce que nos sanctions ont été levées.

Est-ce que vous avez demandé à ces chefs d’Etat d’intervenir dans la résolution de la crise au Fpi ?

Je les ai informés sur ce qui se passe, mais c’est d’abord nous, militants du Fpi, qui devons nous mobiliser. Je voudrais vous amener aussi à relativiser les choses pour que les téléspectateurs n’aient pas le sentiment que le front populaire ivoirien est au bord de l’implosion. Nous sommes loin de là.

Ce n’est pas ce que nous voyons. A travers les journaux, on a de l’animosité. Est-ce qu’aujourd’hui, là où vous êtes arrivés, une réconciliation au sein du Fpi est possible et à quelles conditions ?

Vous savez la scène politique théâtralise les événements. Il ne faut donc pas juger les faits au premier degré. Parce que tout ce que vous voyez peut s’estomper du jour au lendemain. Et vous trouverez des gens qui se sont injuriés, pendant des mois, main dans la main, en train de participer au même meeting. Mener les mêmes campagnes sur le terrain. C’est cela aussi le sens du jeu politique. Si aujourd’hui, vous voyez l’accord qui existe entre le président Henri Konan Bédié et le président Alassane Ouattara alors qu’on sait l’ampleur de l’adversité qui les opposés, il y a quelques années. Vous pouvez en tirer la leçon que tout est possible et que le Fpi qui connaît des troubles d’un degré largement moindre peut se réconcilier.

La réconciliation est donc possible ?

Nous discutons, nous allons nous entendre sur ce qui nous divise. D’abord sur les hommes. A savoir qu’à l’heure actuelle, le président Pascal Affi N’Guessan est la meilleure chance du Front populaire ivoirien ; qu’il faut se mobiliser autour de lui. Que la voie qu’il propose est la plus pertinente. Qu’il faut travailler dans cette direction. C’est cette voie qui peut permettre à la fois au Fpi de survivre et au président Laurent Gbagbo de recouvrer la liberté. Mais également au Fpi de reconquérir le pouvoir en 2015. C’est cela notre objectif.

Est-ce qu’il vous arrive d’envisager un scénario où vos adversaires prennent le dessus ?

Evidemment, si mes adversaires pour une raison ou une autre prennent le dessus, nous assumerons. Mais cela doit se faire de façon démocratique, c’est-à-dire à l’issue d’un congrès où ils sont candidats et la majorité des militants se sont rangés de leur côté. Cette hypothèse, je la leur ai proposée. Etant donné que le président Laurent Gbagbo n’est pas candidat, s’il le souhaite, nous pouvons réinitialiser le processus électoral pour que ceux qui veulent m’affronter au congrès se fassent connaître et que nous allions à un congrès ouvert. Où les militants pourront trancher. Ou bien qu’étant donné que nous recherchons la cohésion au sein du parti que tous se rassemble autour de moi pour que nous ayons un bureau consensuel.

Au regard de tout ce qui se passe, on a l’impression que la solution de la crise au Fpi se trouve à La Haye auprès de Laurent Gbagbo. On attend qu’il se prononce. Vous projetez de vous y rendre. Où en êtes-vous ?

J’ai introduit une demande auprès de la Cpi pour aller rendre visite au président Laurent Gbagbo. Cela pour deux raisons. Premièrement, une raison de solidarité et de compassion. Le président Laurent Gbagbo avec l’histoire qui nous unis a besoin de notre présence à ses côtés. Jusque-là, je n’ai pas pu effectuer un déplacement parce que j’étais en prison. Ensuite quand je suis sorti, j’étais sous sanctions de l’ONU. Maintenant que les sanctions sont levées, c’est un devoir pour moi de m’y rendre. La deuxième raison, c’est de l’informer de l’évolution de la vie politique en Côte d’Ivoire et de la situation au niveau du Front populaire ivoirien.

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Certains journaux rapportent qu’il conditionne votre présence à celle d’Abou Drahamane Sangaré, peut-être de Laurent Akoun, puisque c’est lui qui a remplacé Sangaré Abou Drahamane. Quelle est la part de vérité dans tout ça ?

Je n’ai pas connaissance de ces informations. Parce que je suis dans l’attente de la confirmation de cette visite par la Cour pénale internationale. Je n’ai aucune objection à ce que d’autres camarades veuillent aussi faire le déplacement et que nous puissions parler avec le président Gbagbo de toutes les questions.

Notre Voie, samedi 18 & dimanche 19 avril 2015

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