(La Matinée, 18 – 20 mai 2013) – A l’instar des grandes démocraties occidentales, le Burkina Faso s’apprête à expérimenter le système parlementaire bicaméral. L’idée fait son chemin et est en passe de trouver forme dans les tous prochains jours. A Ouagadougou comme dans nombre de provinces, le débat fait rage et oppose idéologiquement le Congrès pour la Démocratie et le Progrès (parti au pouvoir) et l’opposition à Blaise Compaoré le Président du Faso.
Sauf changement de dernière heure, les représentants du peuple au Burkina Faso se retrouveront en session pour examiner le projet de Loi sur l’organisation et le fonctionnement du parlement. Il faut comprendre la mise en place progressive de tout l’arsenal juridique donnant naissance à la deuxième chambre parlementaire : le Sénat. L’idée n’est pas en soit, nouvelle au pays des Hommes intègres, puisqu’elle avait déjà été explorée en 1991 puis abandonnée quelques années plus tard sans pour autant avoir été matérialisée. Le projet a été remis en selle avec l’adoption en Juin 2012 de la nouvelle constitution qui en son article78 a consacré l’introduction du bicaméralisme. De fait cette avancée avait été émise par les consultations faites par les couches socio-politiques il y a à peine un an. ’’Le Sénat a pour objet de représenter différentes couches de la société au sein du Parlement, parce que dans le jeu parlementaire nous avons au niveau de l’Assemblée nationale des forces politiques qui sont en concurrence, pas de catégories sociales’’, précise le constitutionnaliste Abdoulaye Soma, Pr de Droit agrégé en Droit public. Dans la pratique, le Sénat comme l’Assemblée nationale fera un travail parlementaire avec des cas très souvent particuliers. ‘’Il est prévu que le Sénat participe à l’adoption des lois, qu’il soit consulté lorsque le Chef de l’Etat va recourir au référendum, également lorsque le Chef de l’Etat va recourir à l’exercice des pouvoirs exceptionnels au titre de l’article 59 de la Constitution’’, a par ailleurs ajouté Pr. Soma.
Le Défunt constitutionnel sortira du Sénat.
Le fait nouveau et qui suscite tant de suspicion et conjecture vient du fait que le Président du Sénat soit le dauphin constitutionnel, en clair celui qui est préposé au sommet de l’Etat en cas d’invalidité du Président du Faso ou en cas de vacances de pouvoir. Cette seule disposition alimente déjà des commentaires des plus tendancieux qui vont jusqu’à présenter le portrait-robot du futur Président du Sénat. L’opposition qui cherche noise et qui se perd en conjectures gratuites impute déjà au Président du Faso de destiner à son frère cadet François Compaoré ce perchoir sénatorial. Cette perception qui fonde la phobie de l’opposition pour le système bicaméral s’est insidieusement répandue dans toutes les chaumières et tous les cercles d’échange. Si bien qu’à Ouagadougou notamment, entre deux causeries, le sujet est abordé dans toutes les couches socio-politiques avec force passion. Nombre de Burkinabè y voient une stratégie subrepticement mise en place par Blaise Compaoré pour assurer sa succession au sommet de l’Etat. Mais à la réalité, cette perception ne repose sur aucune preuve, puisque, comme à l’accoutumée, Compaoré n’en souffle mot. Et l’histoire a montré qu’en stratège politique, le Fils de Ziniaré prend toujours au dépourvu son opposition et même la communauté nationale. C’est ainsi que, témoigne un cadre du CDP qui a requis l’anonymat, le nom des Premiers ministres qu’il a nommés depuis qu’il est aux affaires n’est jamais su d’avance. ‘’Compaoré déjoue toujours tous les pronostics. C’est un vrai Chef d’Etat, un stratège. Sa formation militaire lui est un grand atout’’, a soutenu notre interlocuteur. Du côté du pouvoir, cette mauvaise publicité distillée ne saurait interrompre la chevauchée du Burkina Faso dans la consolidation de l’ancrage démocratique.
Les institutions fonctionnent en plein régime
La relative stabilité du pays repose sans conteste sur deux piliers : le charisme du Président Compaoré et la mise en place des institutions républicaines, ossature même de l’Etat. En effet, si le Burkina Faso a subi de profondes mutations et a enregistré de véritables progrès en termes d’urbanisme et de voirie, c’est que le pouvoir Compaoré s’est mis à l’écoute de la population en multipliant les partenariats avec des investisseurs étrangers qui ont accouru dans le pays. Aujourd’hui, le sous-sol du pays donne beaucoup d’espoir à la postérité et à la frange de jeune de la population parce que le pays repose sur une mine d’or. Au Sud, le projet Mana Gold et Essakane créent un véritable exode. Toutes ces débouchées participent au souci constant du Président Compaoré de hisser son pays au rang des pays émergents à l’horizon 2020. C’est dans cette perspective, que l’homme se défonce pour faire jouer à plein régime toutes les institutions qui constituent le soubassement d’une démocratie. Présidence, Premier ministère, Assemblée nationale, Conseil Supérieur de la Communication (CSC), Conseil constitutionnel, Conseil d’Etat, Cour Suprême, Conseil Economique et Social (CES), Cour des comptes, Cour de cassation, Le Médiateur du Faso, Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), Commission de l’informatique et des libertés (CIL) et pour très bientôt le Sénat. Ce n’est donc pas fortuit que les railleurs avancent que Compaoré crée à la pelle les institutions. Et pourtant leur rôle est plus que nécessaire dans l’ancrage démocratique du pays.
Emile SCIPION
(Envoyé spécial à Ouagadougou)