Il y a longtemps que je pense et affirme dans toutes mes conférences que l’agriculteur est le premier acteur de notre santé.
Le deuxième acteur, c’est chacun d’entre nous, si nous connaissons bien et gérons correctement notre patrimoine de santé.
C’est l’objectif de mes lettres hebdomadaires, très largement diffusées, dont j’ai les meilleurs retours.
Le troisième acteur est évidemment le médecin avec ses innombrables spécialités qui saucissonnent tellement le corps humain qu’il peut perdre la vision globale, celle des interactions entre les organes, les tissus, les cellules…
Malheureusement, les médecins sont surchargés de travail et en particulier de maladies nouvelles liées à de mauvaises habitudes alimentaires. Il y a urgence à réagir.
Nous sommes inondés de produits industriels poussés par des allégations nutritionnelles souvent fausses, responsables de perturbations immunitaires très sérieuses et en plus de gaspillages monstrueux.
Récemment j’observais une pub de café avec, en titre, « Faites le plein de vitamines », alors qu’il n’y en a pratiquement pas, sauf à des doses infinitésimales de B2, B3 et B5 qui ne représentent pas 1 % des AJR (apports journaliers recommandés).
Nous sommes en lien étroit avec la nature, avec l’environnement, et il ne se passe pas de semaine sans qu’on vérifie les méfaits d’une pollution grandissante, dans les villes et dans les campagnes.
J’ai déjà essayé de donner une grande conférence bénévolement au Salon de l’agriculture, mais je n’y suis pas encore arrivé. Pourtant je souhaite promouvoir une agriculture de grande qualité, biologique, biodynamique, bioholistique… et que l’agriculteur soit valorisé intellectuellement et financièrement pour son travail au service de la santé humaine et environnementale.
De plus en plus de jeunes en sont conscients. Nous devons les soutenir dans leur combat qui n’est autre que celui de la prévention santé.
Parce que l’agriculture saine est le maillon essentiel à la construction d’une bonne santé, j’ai donc choisi cette semaine de donner la parole à un paysan : Yves de Fromentel. Écoutez son histoire !
En convertissant l’ensemble de sa ferme en bio, en 2009, Yves de Fromentel savait que cela ne serait pas chose facile. En effet, les éleveurs de vaches laitières bio sont actuellement une espèce en voie de disparition. Il en reste seulement 3 en Ile-de-France, la collecte de lait bio est inexistante, les obligeant à transformer eux-mêmes leur lait pour le valoriser et cesser de vendre à perte aux industriels. Deux choixs’offrent à Yves : investir dans une fromagerie à la ferme avec vente directe, ou vendre l’élevage.
Dans sa démarche de sauvegarde, installer une fromagerie en faisant appel au soutien financier des citoyens et consommateurs lui est apparu comme la seule solution. Je vous invite à découvrir le projet de la Fromentellerie très bien expliqué en suivant ce lien.
D’où venez-vous ?
Yves de Fromentel : Je suis issu d’une famille de 6 enfants et suis né sur la ferme familiale à Beaulieu (Pécy, Seine-et-Marne). Mon père était céréalier et éleveur. La ferme était alors en polyculture, polyélevage : les cultures et l’élevage étaient diversifiés. On y trouvait des vaches laitières, tenant compagnie aux cochons, mouton, poules, canards, etc… Mes parents transformaient les produits de la ferme et les vendaient dans les maisons de régime.
Puis en 1976 les choses ont changé… Mes parents ont basculé dans une agriculture plus productiviste, bien qu’elle soit toujours restée raisonnée. Nous avons agrandi la surface des terres cultivées, augmenté le nombre de vaches laitières, vendu les autres animaux. Évidemment, une production plus importante ne pouvait pas être transformée à la ferme. Toute la production laitière comme céréalière a été vendue à des industriels. Nous sommes entrés dans une course aux économies d’échelles : investir pour produire plus, produire plus pour investir, rembourser les emprunts. La quantité au détriment de la qualité.
En 1993, je reprends l’exploitation, puis convertis la ferme en bio en 2009, me sentant responsable de la santé des consommateurs ! La conversion au bio s’est donc faite en conscience, malgré l’absence totale de débouchés bio pour mon lait. L’Ile-de-France, avec trois éleveurs de vaches laitières bio, ne produit pas assez de lait bio : aucune collecte bio. Mon lait est vendu à un fromager industriel qui me rachète le lait de qualité au prix du lait non bio.
Aujourd’hui, les prix du lait ont baissé et ne permettent plus à un éleveur de vivre de son travail. En perdant 10 centimes par litre de lait, cela ne peut continuer éternellement. La difficulté est de s’extraire de cet engrenage. Je suis actuellement acculé financièrement. Pour m’en sortir, une solution : la transformation. Revenir à un système de production plus petit, avec une production de qualité, valorisée par la transformation sur la ferme et la vente directe de proximité.
Pourquoi ne pas vendre l’élevage et vivre de la céréaliculture, tout simplement ?
J’ai converti la ferme en bio car j’avais gardé l’élevage, tout comme mon père que je remercie.
En effet, l’agriculture doit pour moi remplir 3 fonctions :
- nourrir les gens sainement et leur permettre de rester en bonne santé,
- maintenir un paysage et une biodiversité,
- créer de l’emploi rural pour les jeunes attirés de plus en plus par la nature et son respect.
Cela est impossible sans élevage. Lorsqu’on a des vaches, on garde des prairies dans lesquelles on va laisser une source, un bosquet qui serviront aux bêtes pour s’abreuver et faire de l’ombre. On conserve ainsi un paysage. L’élevage laitier demande de la main d’œuvre. On favorise et recrée ainsi de l’emploi rural dans nos villages.
Enfin, l’élevage permet la production de fumier indispensable à une agriculture biologique de qualité. Pourquoi ?
Un herbivore ruminant, bien nourri, présente dans sa panse des millions de variétés et d’espèces différentes de bactéries, qui se retrouvent dans le fumier. Chacune de ces bactéries a son rôle à jouer. Elles sont spécialisées : l’une permettra de solubiliser le fer, l’autre le cuivre, le manganèse, le magnésium, le bore, le soufre, la potasse, etc… qui sont autant d’éléments indispensables à la construction des différentes fonctions de la plante : sa croissance mais aussi son immunité. Car la plante, comme l’homme, a un système de défense immunitaire très bien organisé pour donner le meilleur d’elle même.
D’où l’importance d’un fumier de qualité.
La qualité n’est-elle pas une notion subjective ?
J’ai suivi la formation de l’IRABE (Institut de Recherche en Agriculture Biologique pour l’Europe).
L’IRABE est un organisme de recherche qui a mis au point des méthodes qui permettent d’obtenir une production de haute qualité biologique, indispensable pour maintenir ou restaurer la santé des consommateurs.
La qualité biologique des produits est une notion objective. Cette qualité se définit par 3 principaux critères :
- une valeur nutritionnelle mesurable
L’IRABE obtient sur sa ferme des fruits avec une teneur en vitamines C et en glucides 2 ou 3 fois supérieure aux références internationales. - une capacité exceptionnelle de conservation
Un fruit qui pourrit est un fruit carencé, déséquilibré. Un fruit de qualité ne doit pas pourrir. - une très grande qualité organoleptique
Un fruit de qualité est particulièrement savoureux et parfumé.
Ces trois composantes sont liées et interdépendantes. Cela résulte de la composition du fruit, en fonction de la méthode de culture.
L’IRABE a mis au point une méthode de culture qualifiée de « bioholistique » en raison de son approche globale.
Cette méthode lui permet d’obtenir des résultats exceptionnels depuis 20 ans sur la ferme expérimentale de l’IRABE à Carpentras, dans le Vaucluse.
La présidente de l’IRABE, Dominique Florian, se consacre aujourd’hui à faire connaitre cette méthode par des conférences, des publications et des formations auprès des agriculteurs et des jardiniers.
L’objectif est de démontrer que l’obtention de ces résultats exceptionnels est reproductible où que ce soit. Il suffit d’appliquer cette méthode bioholistique, parce qu’elle constitue une approche globale.
C’est pourquoi l’IRABE a créé un groupe de fermes pilotes pour prouver la reproductibilité de cette méthode dans une dizaine de fermes en France, dont la mienne. Ce projet est soutenu par la Fondation de France.
Le fumier d’herbivore, sa production et « l’élevage » de ce fumier constituent un des fondements de la méthode de l’IRABE.
Or, l’utilisation de ce fumier suppose de sauver les élevages laitiers bio aujourd’hui en voie de disparition en France. C’est pourquoi l’IRABE a décidé de lancer une pétition pour sauver l’élevage.
Vous pouvez lire cette pétition sur le site web de l’IRABE.
Mais quel est le lien avec votre projet ?
Je voudrais mettre en place cette qualité sur la ferme car elle est pour moi gage de bonne santé. Mon métier est de nourrir sainement les gens en leur permettant de rester en bonne santé !
Vous avez compris que pour cela le fumier d’herbivore, et donc l’élevage, est indispensable. Je voudrais arriver à terme à retrouver une diversité d’élevage sur la ferme. J’aimerais également pouvoir choisir une race de vache rustique, valorisant mieux l’alimentation bio (fourrages, prairie) et produisant du lait et du fumier de qualité. La vache Jersiaise est une petite vache dont le lait est très riche et de grande qualité. Mais avant, il est nécessaire de retrouver un équilibre financier et donc de valoriser les produits de l’élevage à leur juste valeur.
Ma seule solution dans la situation actuelle est de transformer moi-même le lait afin de gagner en valeur ajoutée, et de commercialiser en vente directe de proximité afin d’éliminer les intermédiaires.
Le projet est de créer un petit atelier de transformation fromagère sur la ferme : la Fromentellerie, dont l’activité commencerait en avril. Nous voudrions produire du fromage (tomme pour commencer), fromage frais, fromage blanc, beurre, crème, lait cru conditionné. La Fromentellerie rachètera sa matière première, le lait, au prix de 75 centimes le litre.
Le but de La Fromentellerie est de soutenir l’élevage de la ferme, d’arrêter l’hémorragie financière causée par la vente à perte du lait. Ce projet est également indispensable pour ma famille. Mes deux enfants sont intéressés pour reprendre et diversifier l’activité sur la ferme et font des études en ce sens. Perdurer et remonter la barre pour leur permettre de reprendre la ferme en bonne santé est pour moi indispensable.
Non soutenu par les banques et par la région du fait de la situation financière difficile, je me suis tourné vers le financement participatif : investissement solidaire via les Cigales (Clubs d’Investisseurs Solidaires) et Garrigue (Société de capital Risque Solidaire) en qui nous avons non seulement trouvé un soutien financier mais aussi un épaulement humain.
En complément, je me tourne vers vous tous : nous avons lancé un projet de financement participatif ou crowdfunding sur la plateforme internet de My Major Company. Le projet s’appelle « Une fromagerie pour Beaulieu ». Il s’agit d’un système de dons avec contreparties en nature que je vous invite à découvrir sur la page, jusqu’au 1er janvier 2015.
Sur cette page, le projet est repris et permet de mieux en connaître les porteurs, notamment à travers une vidéo.
Serait-ce l’avenir de la paysannerie française, et je dirais même européenne ?
La Fromentellerie rentre dans un projet global de restructuration de la ferme allant dans le sens du retour à la paysannerie : moins de quantité pour plus de qualité.
Une règle de conduite qui ne soit pas aliénée au remboursement des emprunts ou aux subventions, mais par la volonté de l’agriculteur de répondre à sa fonction : nourrir sainement les gens. Sortir de la course aux économies d’échelles n’est pas chose facile lorsqu’on est pris dans l’engrenage. Je voudrais montrer que la chose est possible, que le jeu en vaut la chandelle. Notre réussite peut en encourager d’autres à sauter le pas. Notre action locale peut avoir une répercussion plus importante. Mais nous faisons, comme le dit Pierre Rabhi, la part du colibri.
L’agriculteur est le premier acteur de la santé des consommateurs. Vous avez un rôle à jouer ne serait-ce que par le choix de consommation que vous faites. L’achat revêt alors une signification forte. Le mode de consommation peut faire évoluer le mode de production. Aidez-moi à redevenir un paysan !
Nous comptons sur vous, et vous attendons de pied ferme pour vous faire découvrir les merveilles de la ferme !
Yves de Fromentel
Contact :
Yves de Fromentel
Ferme de Beaulieu
77 970 Pécy
fermedebeaulieu@gmail.com
Facebook : La Fromentellerie
Pour nous découvrir en 6 min : Vidéo.