Par Aly Pierre SOUMAREY

Vous arrêtez un voleur présumé, celui-ci déclare pour sa défense, en premier lieu que c’est arbitraire, au motif qu’il y aurait abus de pouvoir. L’autorité lui répond que non, c’est la Loi qui le veut ainsi. Ce qu’il vous est demandé, c’est d’apporter la preuve de l’inexactitude des accusions qui pèsent sur vous ou de l’irrégularité que vous alléguez. Le prévenu avance alors, dans un second temps, que la mesure est sélective et discriminatoire, au motif qu’elle obéit à des considérations politiques. L’autorité lui répond d’une part, qu’il n’est pas mis en cause pour un délit politique, mais pour des infractions de droit commun, d’autre part, que personne n’est au-dessus de la Loi, quels que soient les éléments politiques qui peuvent entourer une affaires, car la justice se limite à la réalité objective et matérielle des faits. Soit. Le prévenu décide alors d’appeler à l’insurrection et à une mobilisation politique aux accents séditieux et “national-populiste”. Mieux il s’enfuit refusant de venir au soutien de la défense de son innocence, voire de son honneur. Incapacité ou impossibilité ? On observera le courage et la dignité de cette attitude permanente de fuite en avant.

Une partie du peuple applaudit à son appel, au motif que son appartenance politique interdit l’action dirigée contre lui, selon la théorie que la politique offre une immunité à ses acteurs et les dispense de rendre des comptes. Ici, la passion (la haine du pouvoir et de l’autre, adversaire ou concitoyen) remplace la raison. Une autre partie de la population, prend acte, et exige la connaissance des faits pour se forger sa propre opinion, et l’extension plus générale de cette action (contrôle et arrestation) en vue de neutraliser tous les prédateurs de notre économie, quels que soient leurs bords politiques (pouvoir, opposition, partenaires, adversaires), afin que la politique ne conduise pas à l’impunité et que le pouvoir ne serve pas à la protection des malversations et des intérêts patrimoniaux. Une sorte d’opération “mains propres” d’envergure nationale. Beaucoup de maires partiront sans rendre de rapport financier et moral de leur gestion, sur la base de comptes certifiés. Ici, l’aspiration à une meilleure gouvernance et à une justice impartiale, fonde la raison.

Conclusion :

Cher frères et sœurs, la ligne de séparation entre le futur et le passé, le clivage entre la novation et la tradition, résident dans ces deux attitudes. Elles nous permettent aussi de revisiter notre conception et notre perception du politique. Doit-il resté un éternel prédateur de l’économie (le discours politique ne change que lorsqu’on est en disgrâce ou en opposition) et il y a-t-il une raison suffisante qui puisse justifier valablement cela ? Au contraire, doit-il rechercher la vertu et l’intégrité morale comme seuls moyens d’immunité et de protection, dans un monde fait d’adversité et de réversibilité ? En définitive, la politique est-elle un moyen de servir ou de se servir ? Tout le débat de société suscité par cette affaire BENDJO, se pose en ces termes. Sur le plan de la bonne gouvernance et de la méthode, le pouvoir devrait regarder plus près de lui pour envoyer un signal fort à la société politique, et rendre moins suspecte son action, car on note aussi les coïncidences troublantes de celle-ci. Les contrôles sont toujours précédés par une disgrâce, preuve que le pouvoir protège les malversations des politiques lorsqu’ils sont en accord avec lui ou qu’ils servent ses intérêts. Ce que la majorité des populations souhaite est de se débarrasser d’une classe politique prédatrice et corrompue. Le Pouvoir doit s’imposer à lui-même cette exigence pour être crédible, dans le but de pouvoir ensuite imposer cette discipline à l’ensemble de la société. La rupture consiste à abandonner les pratiques qui ont cours, mais également celles qui avaient cours dans le passé sous d’autres régimes. L’opposition n’est pas fondée à défendre un tel système de prédation et le PDCI-RDA à vouloir le restaurer, tout comme le pouvoir doit cesser de couvrir et protéger la malversation. Si telle est l’ambition politique et le projet de société de cette classe politique, rien ne saurait être plus triste et préoccupant pour l’avenir et la République. C’est la faillite d’une classe politique, de laquelle se distingue néanmoins le projet d’une Côte d’Ivoire émergente, dont tout ivoirien peut porter l’ambition. Cependant, même là encore, il reste beaucoup à faire, pour nous réconcilier avec les standards en la matière.