Par Jean-Claude DJEREKE

Il y a quelques semaines, je me demandais, comme nombre d’Ivoiriens, jusqu’où Konan Bédié irait dans son bras de fer avec Alassane Ouattara. L’ex-président n’étant pas connu pour être un homme courageux et capable de souffrir pour le triomphe de ses convictions, je craignais qu’une éventuelle augmentation par son ex-allié de ses avantages matériels (cigares, vins et émoluments) le conduise à tourner casaque. J’avais peur qu’il ne fasse passer, une fois de plus, ses intérêts avant ceux du pays.

Le président du PDCI vient de balayer mes craintes et cela de la plus belle manière en prenant la décision de retirer son parti du RHDP, ce maléfique groupement dont l’Histoire retiendra en définitive qu’il n’aura posé que des actes totalement contraires à la philosophie d’Houphouët car comment peut-on se vanter d’être disciples du premier président ivoirien et laisser les grandes écoles, les rues et autres infrastructures de Yamoussoukro se dégrader jour après jour, construire des ponts et routes de pacotille ou recourir à la violence dès qu’un problème surgit entre les Ivoiriens ? Comment peut-on se réclamer du même Houphouët et se réjouir de la destruction par l’armée française de la résidence présidentielle construite par lui ? Il faudra que les pseudo-houphouétistes répondent à ces questions, un jour.

Pour le moment, je voudrais féliciter le PDCI d’avoir largué les amarres pour rompre avec le RDR qui indiscutablement laissera aux Ivoiriens l’image, peu flatteuse, d’un parti criminogène, tribaliste et incompétent (pour s’en convaincre, il suffit de voir l’insalubrité et le désordre dans lesquels sont plongées des communes comme Abobo et Adjamé). Bravo à Henri Konan Bédié qui a su faire preuve de cran, de détermination et de fermeté après que le RDR eut refusé de s’effacer pour le PDCI en 2020 alors que celui-ci avait soutenu le RDR en 2010 et 2015 ! Je loue le fait qu’il ait mis les ministres PDCI en demeure de rester au gouvernement ou de le quitter. Bref, je voudrais publiquement saluer Bédié qui « s’est montré garçon » en disant niet au chantage et menaces de Ouattara. Le combat n’est pas terminé pour autant. À mon avis, la bataille la plus décisive qu’il lui reste à gagner est celle de la candidature à la présidentielle de 2020. À deux reprises, Gnamien Yao a affirmé que Bédié, 86 ans, serait le candidat du PDCI. À cet âge, on n’a plus tous ses moyens physiques et psychologiques pour diriger un pays comme la Côte d’Ivoire qui, en plus d’avoir été abîmée par la gestion hasardeuse de Ouattara, est confrontée à de nombreux nouveaux défis. Par ailleurs, le président du PDCI a déjà tenu les rênes du pays, de 1993 à 1999 : Que fera-t-il en 5 ans qu’il n’a pas pu faire en 6 ans ? Et puis, n’y a-t-il personne d’autre que Bédié au PDCI pour briguer la magistrature suprême ? Une fois n’est pas coutume, je suis, sur ce point, d’accord avec Ouattara quand il estime que le moment est venu de faire confiance aux jeunes, même si jeunesse ne rime pas forcément avec sagesse. Il faut savoir partir ou il faut s’en aller pendant qu’il est temps de le faire, dit-on. La nation saura gré à Bédié d’avoir dit « non » au parti unifié qui, s’il avait été mis en place, nous ramènerait à l’époque du parti unique. Elle ne serait pas mécontente s’il faisait son mea culpa pour s’être acoquiné avec un imposteur pour martyriser les Ivoiriens. Mais elle lui sera davantage reconnaissante s’il pouvait quitter la scène politique maintenant, en favorisant et en soutenant la candidature d’un jeune à la prochaine élection présidentielle.