Les institutions des Etats africains font preuve d’inefficacité quant à la gestion de la vie des populations alors que leur rôle consiste naturellement à assurer la sécurité et à préserver la souveraineté des territoires qui sont les sources de leur légitimité. Nous avons opté pour que ce soient des régimes démocratiquement élus qui gèrent le territoire, la sécurité et la vie des populations. Le constat est malheureusement en deçà des attentes ; les problèmes de gouvernance dans des États africains sont chroniques. Ceci demeure l’enjeu principal qui devrait guider toute recherche sur le politique en Afrique. Ce qui est épatant en l’occurrence, c’est l’absence notoire de dispositifs nécessaires à la participation collective de la population à la vie publique. L’espace public ivoirien devrait accorder une place prépondérante aux mécanismes de mise en relation des gouvernés et des dirigeants. Notamment, les instituts de sondage, comme les instituts Sofres et Ipsos en France, seraient un exemple qu’il faut déconstruire afin de l’adapter à la culture politique africaine. L’opinion publique et les besoins des populations sont les enjeux sur lesquels reposent les prérogatives de l’État. La question est donc de savoir qui est-ce qui porte les besoins et l’opinion des populations dans l’espace public d’autant plus que l’administration publique est inféodée au régime au pouvoir ?
L’existence de l’État procède de l’existence d’institutions libres, autonomes et qui traduisent de manière objective tout ce que les gens pensent de la pratique du gouvernement. Nous n’avons pas l’intention de voir dans les sondages une méthode parfaite qui permettrait de recueillir ce que pensent les gens de leurs conditions de vie et de la gestion de leurs dirigeants. Les sondages d’opinion ne seront certainement pas le sésame qui délivrera les Ivoiriens, cependant nous estimons qu’il est nécessaire de placer les sondages au cœur du dispositif de communication gouvernés-gouvernants.
Ce sont les politiques qui se chargent de porter les problèmes à l’État. Les partis politiques deviennent une alternative pour porter sur la place publique les besoins des populations. Or, dès lors qu’un pouvoir politique porte un problème, celui-ci devient polémique parce que le champ politique représente une « arène de combat », totalement différent du champ social. On dit qu’un problème ne devient politique que pris en charge par une puissance dont le statut relève de la légitimité de l’État. Il est donc primordial que les besoins des populations remontent pour atteindre les pouvoirs publics à travers les canaux prévus par l’État. Et dans les constitutions ivoiriennes, le président de la République n’appartient à aucun parti politique après avoir prêté serment. Il ne peut répondre d’aucun autre parti politique.
L’analyse du politique ainsi effectuée ressort le caractère normatif de la communication à travers la vie des populations et les prérogatives de l’État. C’est ce caractère normatif qui permet de mesurer l’écart de « gouvernabilité » d’un régime politique. Quel est l’écart de sa gestion gouvernementale à une situation normale de l’existence ou de la coexistence parfaite des institutions de l’État ? Comment le régime politique renforce l’appareil institutionnel de l’État face aux dangers de sa partition ? Comment le gouvernement réagit à un problème social ?
Si nous admettons que la pratique politique désigne les choses et les actions de chaque jour sur un territoire habité par des populations, nous serons en droit de nous demander ce que fait le gouvernement en cas de crise. Quelles sont les lois que le gouvernement prend ? Comment ce gouvernement réagit à un problème social qui devient politique ? Quels sont la spontanéité et le degré d’impartialité avec laquelle il réagit dans la gestion de la vie des populations ? Autant d’interrogations qui permettent de comprendre qu’il n’y a pas de degré d’impartialité dans le champ politique d’autant plus que ce qui lie le président de la République aux trois entités sur lesquelles repose la « gouvernementalité », ce ne sont plus les mécanismes normaux de l’État, c’est-à-dire qu’il ne reçoit plus d’informations des mécanismes normaux de l’État mais des institutions capillaires qui gravitent autour de la construction de son identité propre. Or, l’on sait bien que l’arène politique désigne un espace de combat et de la controverse politique pour la prise ou la sauvegarde du pouvoir d’État. La prise en charge d’un problème social par un parti politique se fera avec tous les déterminismes qui caractérisent ces derniers : le paternalisme, le despotisme, les prises d’intérêts, etc., parce que l’État devient impuissant lorsque le pouvoir est aux prises avec les dimensions périphériques des institutions politiques.
De sorte que lorsque le président viole les normes de l’État, celui-ci se confond au régime politique. Tout se confond au régime. Dès lors que tout se confond au régime au pouvoir, l’État s’en trouve affaibli. L’État est dirigé dans toutes ces composantes par un président de la République qui a été élu dans des circonstances particulières. Ainsi, tous les autres contre-pouvoirs que la République avait prévus dans sa norme sont à la solde du président. L’opposition est bâillonnée, les leaders sont emprisonnés s’ils ne sont pas assassinés.
En définitive, tous ceux qui, dans la structure de la communication, passeront par les partis de l’opposition pour faire remonter leurs informations ne verront pas leurs besoins sociaux traités à la même enseigne que les informations de ceux qui passeront par le système opposé, celui du président de la République. Et donc, si les informations ne sont pas gérées de la même manière, la satisfaction des besoins des populations n’est pas, non plus, prise en compte de la même manière.
Nous comprendrons ainsi que les chefs d’État se font prendre à leur propre piège. Ils sont dans un système pensant détenir l’exclusivité des instruments du pouvoir sur l’Autre, mais en réalité, ils se piègent davantage. C’est-à-dire qu’ils deviennent des dictateurs sans le savoir. Par exemple, les informations que font remonter les députés, les présidents des conseils généraux et les maires issus du parti au pouvoir seront prioritaires sur les sollicitations qui vont sortir des bases des populations qui soutiennent les partis de l’opposition. L’effet immédiat est un développement inéquitable des régions et cela crée de la rancune dans les cœurs des populations qui se sentent lésées.
Il convient ainsi de mettre sur pied un dispositif de surveillance de la pratique politique par des moyens de la communication moderne. On pourrait en l’occurrence avoir recours à un périodique qui archive toutes les interventions publiques du président de la République en vue d’une large diffusion auprès des populations. Certaines catégories de discours pourraient devenir des institutions discursives ou des discours constituants à part entière. Le président se retrouverait dans une sorte de rituel au cours duquel le discours sera très attendu quelles que soient les époques et les sujets politiques. Charles Toali Doctorant en Communication politique