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Il est venu en ce monde à l’endroit où gisent plusieurs notes musicales portant des noms différents. Il est donc sorti d’un accord musical. Son oncle est reconnu dans toute la contrée comme l’un des meilleurs Tohourou. Un guérisseur de la liane souple et souple de l’art oral poétique, issue des terres musicales ancestrales. C’est grâce à cela que l’artiste a pris ses ablutions dans les eaux musicales sacrées. Une verve lyrique tel un fleuve débordant de son lit, traversant le corps de la pensée en trustant des merveilles à ses alentours. Et pourtant, ses mélodies portent des défis lancés à la vie. Pour les immortaliser, il dénomme un de ses phonogrammes: Poliet Défi.
Gnaoré Lago Guy Antoine dit Gnaoré Jimmi, est reconnu comme le maître du Poliet. Genre musical extrait des racines glorifiées des arts du pays Gnaboua. Communauté tampon entre les Bété et les Guéré partageant les mêmes parcelles culturelles. Lorsqu’un Tohourou chante en pays Bété sans psalmodier quelques strophes en Gnaboua, l’on dit : Qu’il n’a pas encore chanté. Gnaoré Jimmi sorti des deux affluents, ne pouvait ne peut avoir un verbe aiguisé. Cela se serait ressenti comme une trahison du lait de la mamelle artistique. L’arbre s’est donc couché dans la direction souhaitée par le vent. Enchanté donc Poliet, genre musical à chorégraphie sensuelle. La posture penchée dans laquelle se met la femme, tête baissée en avant, est une invitation faite à l’homme à danser de manière rotative autour de son fessier avec des gestuelles suggestives. Cela traduit la position dans laquelle l’on se tient pour utiliser la poire à lavement. Il parait que c’est cette posture qu’adopte la gente féminine au clair de lune, là où tout se passe et s’apprend. C’est ce qui se chuchote derrière les chaumières des traditions qui insufflent, mais ne parlent pas. Poliet en langue Gnaboua deviendra Pôlhéhi par déformation en Bété. Les mots prennent les couleurs et sonorités de là où ils s’installent. Point de Linguistique à psalmodier ici. Mais c’est tout comme. C’est autour de cette Poire à lavement (Poliet) que Gnaoré Jimmi tisse la toile de sa poésie lyrique. Une poésie à la nasse aux mailles tendues et distendues. Qui s’allaite à la source intarissable des belles lettres musicales. Elle trouve en l’artiste son refuge, dans sa tessiture orageuse sous forme de défis. Défis à tous les étangs de l’univers. Dans cette balade à défis, l’enfant acensé de Srolou Gabriel prend un poisson et non des moindres dans son filet. Lorsqu’un maître de la parole proférée pêche au large de la conscience sans la heurter, la tradition dit de lui qu’il est mauvais pêcheur à filets troués de toutes parts. Tradition respectée. Jimmi suit donc le cheminement. Avec une verve teintée de préciosité assassine. Qui défie les détenteurs des savoirs traditionnels. Orwè Gbla Zahi en est un. Auréolé, dont-on dit qu’il a les pouvoirs de faire tomber la foudre sur la cité. Pendant les grandes journées de grands soleils. Frayeurs ! Que les âmes non initiées retiennent leurs souffles et écoutent les jets du sang giclant du corpus mélodique du maître du Poliet:
Zahi qui y a-t-il Est-ce à cause de ta sorcellerie? Faites comme bon vous semble L’eau bouillante ne brûle pas une demeure Lorsque ma mère voulut me faire venir en ce monde Elle se sustenta de la chair de l’aigle femelle Téti Dont la dextérité au chant fait éclore le jour C’est grâce à cela que moi, je suis entrain de sillonner toutes les cités Zahi, retire donc ta main de là Jimmi, chante Tu es le palmier mâle Palmier mâle réputé pour l’abondance de son vin Dohobè : C’est exact. Dixit Jimmi. Sans respirer qui vagabonde son art partout, en se transformant en reptile, végétal et pluie diluvienne: Citron des temps de grandes sécheresses Jimmi, moi, je porte en moi ma propre eau C’est moi que les enfants surnomment Droumazapeu, lézard à deux têtes Zèblhè, Pluie diluvienne, jamais je n’ai peur des sanctuaires de la sorcellerieNous voici aux pinacles du Yaka où l’artiste étale ses capacités revêtues de toutes sortes de forces à travers des espèces tantôt végétales (palmier mâle et citron), tantôt animales (lézard à deux têtes), tantôt naturelles (pluie diluvienne planétaire). Jimmi est entre autre le maître du Yaka, poésie élogieuse qui vante les vertus de beauté, de bonté, d’altruisme et surtout de bravoure et témérité de celle ou celui à qui ladite poésie est destinée. Il ne pouvait en être autrement car, il est avant tout Doblé, déformation du terme Doobo Bléhi en Guéré. Oiseau annonciateur de bonnes nouvelles dans les sanctuaires des aubes en vue d’éduquer les membres de la communauté. En pays Bété, cet oiseau est incarné par un maître de la parole enfermé entre quatre murs de quatre heures à cinq heures du matin pour dire la parole sous le vocable d’un timbre vocal nasillard. Jimmi Doblé est parti au souterrain pays à la même heure le 16 août 1996 au centre hospitalier de Treichville. Ironie du sort ou perpétuation de la parole du Doblé ? Agbha ! Auditrices et Auditeurs de Fréquence 2, dites la parole au Carrefour weekend en esquissant quelques pas du Poliet sur l’Autre Face de la Mélodie.
Valen Guédé
Valen_guede@yahoo.fr