Le service. On entre en politique, non pour se servir, mais pour servir tout le monde dans la Cité. Ce n’est malheureusement pas ce que nous avons vu pendant les 6 dernières décennies des “indépendances” africaines. La politique étant bien souvent comprise en Afrique noire comme un instrument d’enrichissement, il n’est pas étonnant que des chrétiens figurent parmi les pilleurs des caisses de l’État et les propriétaires de plusieurs immeubles, villas, véhicules et comptes bancaires sur place et à l’étranger pendant que le peuple se nourrit et vit difficilement dans des quartiers et villages sans eau ni électricité ni routes bitumées. N’ayons pas peur de le dire : si la politique attire et passionne tant en Afrique (44 personnes auraient déposé leurs dossiers de candidature en Côte d’Ivoire pour l’élection présidentielle du 31 octobre 2020), c’est à cause des privilèges et avantages de toutes sortes qu’elle offre mais également parce qu’on y fait fortune facilement et rapidement sur le dos du peuple. Je suis certain qu’elle susciterait moins ou peu d’engouement si les émoluments des commis de l’État étaient considérablement revus à la baisse.
La gravité. C’est le fait de ne pas minimiser les conséquences de son action, de réfléchir à deux fois avant de décider quand la vie de millions de personnes est en jeu. Par exemple, un président ne peut permettre que des gens cupides fassent entrer la drogue dans le pays ou laissent des navires étrangers y déposer des déchets toxiques qui vont tuer les populations à court, moyen ou long terme. Il doit savoir que ses choix et décisions peuvent avoir des effets immédiats ou lointains.
Lucidité. Est lucide la personne qui est consciente de ses limites et faiblesses, qui, bien que motivée, ne néglige pas la difficulté de la tâche. Être lucide, c’est reconnaître qu’une société parfaite, totalement juste et fraternelle, ne pourra jamais se réaliser sur cette terre, ce qui ne veut pas dire qu’on devrait renoncer à la lutte pour rendre le monde meilleur.
Rigueur. Faire preuve de rigueur, c’est se garder des approches approximatives ou des solutions superficielles, examiner sans cesse la validité de ses diagnostics et de ses options car la société, sociologiquement diversifiée, est en perpétuelle mutation.
Imagination. C’est la capacité de sortir des sentiers battus, de faire de nouvelles analyses sur le capitalisme et le socialisme, sur les notions “droite” et “gauche”, de tenter de nouvelles approaches ou d’explorer des pistes inédites, de ne pas s’enfermer dans des systèmes tout faits.
Ouverture d’esprit. Être idéologiquement et politiquement marqué ne doit pas empêcher un chrétien de comprendre et d’accepter que Dieu parle aussi à son adversaire. L’Évangile attend de lui qu’il reconnaisse le droit à la différence et au désaccord dans son propre parti et dans les autres partis. Le message chrétien l’exhorte surtout à respecter la vie de ceux qui pensent différemment.
Le détachement. Être détaché signifie ne pas s’accrocher, partir, s’arrêter, laisser la place à d’autres personnes quand on a fini son mandat, quand on ne partage plus la vision du parti ou du gouvernement, quand les capacités physiques et intellectuelles font de plus en plus défaut, etc. Il est triste de constater que nombre d’Africains n’ont pas la culture du détachement, ni de la démission. On s’accroche, on fait des pieds et des mains pour rester à son poste, même quand le bilan est négatif, même quand on est haï et vomi par le peuple qu’on a affamé, humilié et opprimé, même quand on n’est plus productif et qu’on pourrit la vie aux autres. Ceux qui refusent de passer la main croient que le parti ou le pays mourrait s’ils ne tenaient plus la barre mais ils se trompent lourdement parce que l’Histoire enseigne constamment que nul n’est indispensable.
La non-compromission. On ne peut pas se dire disciple du Christ et appartenir en même temps à des groupes ésotériques tels que la Franc-maçonnerie ou la Rose-Croix qui sont des canaux par lesquels certains pays étrangers contrôlent et tiennent les dirigeants africains. Les engagements pris dans ces groupes auraient plus de poids que le serment prêté devant le peuple.
Toutes ces qualités, pour nécessaires qu’elles soient, ne suffisent pas. Pour réussir en politique, un chrétien doit compter aussi avec la prière et la fréquentation de la Parole de Dieu qui est “une lampe à mes pieds et une lumière sur mon sentier” (Psaume 119, 105).
Le chrétien qui veut descendre dans l’arène politique gagnerait à lire les auteurs qui ont réfléchi et écrit sur la politique : Platon, Aristote, Montesquieu, Thomas Hobbes, John Locke, Machiavel, Julien Freund, Cornelius Castoriadis… Le chercheur français Philippe Corcuff a fait une belle synthèse sur la question dans “Les grands penseurs de la Politique” (Paris, Armand Colin, 2005).
Jean-Claude DJEREKE