Dans mon premier post intitulé “Parler ouvertement “, il était question de certains hommes de Dieu silencieux devant les crimes économiques et violations des droits humains de Dramane Ouattara alors que, hier, ils critiquaient régulièrement et ouvertement le régime de Laurent Gbagbo. J’avais cité, entre autres, le Révérend Jacob Ediémou Blin, Mgr Salomon Lezoutié et Mgr Siméon Ahouanan. J’aurais pu inclure dans cette liste feu Mgr Antoine Koné qui, dit-on, était proche de Kigbafori Soro.
Je voudrais rester dans le milieu catholique pour ajouter que certains Occidentaux et Africains appartenant à des congrégations religieuses (Jésuites, Dominicains, Franciscains, Xavières, Assomptionistes…) ont activement participé au Gbagbo bashing et à la haine des patriotes ivoiriens. C’était avant l’élection d’octobre 2000. Dans la communauté jésuite de l’Inades située entre le collège Jean Mermoz et la Cité Sogefiha, les prêtres français ne cessaient de se plaindre du rejet de la candidature de Alassane Ouattara par Tia Koné. Matin, midi, soir, je les entendais dire que Ouattara avait été victime d’une injustice. L’élimination de la candidature de Henri Konan Bédié, par contre, ne les dérangeait pas, ce que je trouvais bizarre. Comme les plaintes continuaient, je dus m’énerver pour leur dire que la Cour suprême n’avait pas retenu la candidature de Ouattara au motif que son ascendance ivoirienne était douteuse, qu’il s’était prévalu d’une autre nationalité et qu’il ne devait s’en prendre qu’à lui-même.
7 janvier 2001 : le complot de la Mercedes noire. Comme nous habitons près de la RTI, j’entends les échanges de tirs entre les gens d’IB et les forces loyalistes. J’entends aussi les incessants appels téléphoniques adressés à certains jésuites de la communauté. Qui les appelle ? Mystère à cette heure tardive où ma seule préoccupation est que je ne prenne pas une balle perdue. Vers 9h, je quitte ma chambre qui était à l’étage et je descends au réfectoire pour le petit déjeuner. Un jésuite latino-américain s’occupait de l’intendance de la communauté. Son prénom était Marcelo. Il me demande si j’ai entendu les tirs de fusil la nuit. Je réponds que oui. Il m’apprend ensuite que certains assaillants sont arrivés dans la communauté avec des armes et qu’on a dû déguiser d’autres pour les aider à quitter le quartier. Ah bon !, répliquai-je. Une heure après, je téléphonai à un cousin qui travaillait avec Simone Gbagbo pour l’informer de ce que je venais d’entendre de la bouche de Marcelo. Il m’envoya Séka Séka à qui je racontai la même chose.
Un mois et demi plus tard, je suis dans la salle de séjour où chacun dispose d’un casier pour le courrier. J’aperçois une lettre qui traîne par terre. Je la prends et je remarque qu’elle porte le logo du RDR. Une voix me dit de la mettre dans le casier du P. Michel Lambotte (jésuite belge) à qui elle est destinée. Une autre voix m’invite à la lire. Finalement, je décide de lire ce courrier bizarre. Je vais donc dans ma chambre et ouvre la lettre. Elle est signée par Henriette Dagri Diabaté et remercie les jésuites de ce qu’ils ont fait pour le RDR. Qu’est-ce ce que ces Blancs avaient fait pour le parti de Ouattara ? Second mystère. Je sais seulement que, début janvier, des soldats proches du RDR avaient tenté un coup d’État et que certains d’entre eux, dans leur fuite, avaient trouvé refuge à l’Inades selon le témoignage de Marcelo. J’appelle encore mon cousin qui m’envoie le même Séka Séka. Nous montons dans sa voiture et allons à la résidence présidentielle de Cocody. Là-bas, il prend la lettre pour faire une photocopie. Je lui demande de faire une photocopie que je voudrais faire parvenir à Mgr Bernard Agré, supérieur de tous les prêtres et religieux/religieuses exerçant dans l’archidiocèse d’Abdjan. Après que Séka Séka m’eut ramené, je ne tardai pas à me rendre à la cathédrale Saint Paul du Plateau pour remettre la copie de la lettre du RDR à l’abbé Boniface Ziri, un des vicaires généraux. Je voulais que la lettre arrive dans les mains de Mgr Agré lui-même. L‘a-t-il reçue? Si oui, a-t-il convoqué les jésuites pour leur montrer ladite lettre et savoir quelles relations ils entretenaient avec le RDR ? Mon sentiment est que ni les Refondateurs ni l’Église catholique ne firent rien puisqu’il y eut malheureusement la nuit du 18 au 19 septembre 2002 avec son lot de destruction de biens et de vies humaines.
Quand c’était au tour de Denis Maugenest, chassé du Cameroun par le cardinal Christian Tumi, de célébrer la messe de 6h30, il ne commentait pas les textes du jour mais moquait et vilipendait le président Laurent Gbagbo et les Ivoiriens qui défendaient leur pays. C’est ce que me rapportèrent plusieurs amis qui allaient à cette messe matinale quand je revins à Abidjan en juillet 2003 pour des recherches. Maugenest, pour avoir joué ce rôle, reçut des millions du gouvernement français pour construire l’actuel Cerap. Chirac le récompensait ainsi d’avoir défendu vaillamment la patrie. Chez nous, ce ténébreux personnage ne fut jamais inquiété. Ailleurs, on les aurait convoqués dare-dare, lui et les autres prétendus missionnaires pour les entendre et leur donner 48 h pour quitter le territoire si leurs explications n’étaient pas convaincantes. Le président Marc Ravalomanana l’avait fait en mai 2007 quand Sylvain Urfer, jésuite français, se permit de dire du mal des autorités malgaches.
À Paris, “La Croix” était un des journaux français auxquels j’étais abonné. Tous les articles sur la Côte d’Ivoire dans ce quotidien catholique étaient négatifs et à charge. Ils dénigraient Gbagbo et encensaient Ouattara. Après enquête, je découvris que les religieux et religieuses français de Côte d’Ivoire étaient les principaux informateurs de “La Croix”. À deux reprises, je leur adressai un point de vue différent sur la situation en Côte d’Ivoire mais mes textes ne furent jamais publiés.
Je raconte tout ceci pour que chacun comprenne que certains hommes de Dieu ne servent pas Dieu mais se servent de son nom pour le rayonnement de leur pays à l’extérieur, pour poursuivre des objectifs purement humains, “trop humains”, pour parler comme Nietzsche. Autrement dit, Jésus n’est qu’une couverture pour certains hommes de Dieu. Je dis “certains” car il y a quand même des hommes et des femmes de Dieu sincères et sérieux, épris de vérité et de justice comme Mgr Michel Russo, Italien et ancien évêque de Doba qui fut expulsé par Idriss Déby pour avoir déclaré que le pétrole découvert à Doba enrichissait Déby et son clan pendant que la ville de Doba et ses habitants croupissaient dans la misère.
L’attitude des prêtres de l’Inades m’a rappelé celle d’un autre jésuite français. Jean Géli et moi avions passé ensemble l’année scolaire 1989-1990 au Collège Charles Lwanga de Sarh (Tchad). J’ai quitté le Tchad en juillet 1991. Venu me dire au revoir à l’aéroport de N’Djamena, le P. Géli m’avoua que chaque année il envoyait à l’Élysée un rapport sur le gouvernement tchadien.
Le 16 septembre 2018, en pleine campagne électorale, Hamed Bakayoko offrit 16 millions de francs CFA à la paroisse Saint Philippe d’Abobo-Sagbé dirigée par les prêtres jésuites. C’est une preuve supplémentaire de la collusion entre cette congrégation et le RDR.
Demain, quand le régime criminel et totalitaire installé par la France ne sera plus là, ce qui arrivera forcément parce que tout est éphémère ici-bas, les religieux (français et africains) qui s’en sont rendus complices devront être expulsés purement et simplement.
Jean Claude DJEREKE