Allez dire cela à un certain nombre de nos congénères que la beauté ou la valeur d’un individu ne tient pas à une couleur de peau mais véritablement à ce qu’il y a là haut dans notre tête, vous serez surpris de constater que votre propos ne sera pas pris au sérieux.

 

Un conditionnement du colon

Depuis que le colon Blanc est venu imposer son mode de vie en Afrique, la Bible dans la main gauche et le fusil dans la main droite, le Noir, tel un seul homme, a marché au quart du tour, assimilant et annihilant son être. Au fil des décennies, il a tout de même fini par se réveiller un jour de l’année 1960 pour comprendre que l’imitation tue l’âme de l’Africain. Ce ne fut hélas qu’un simple sursaut biologique puisque le dérapage a continué son chemin.

Ainsi, la plupart de nos congénères se refusent de pratiquer certains corps de métier mais rêvent tous, pour la plupart d’entre eux, à jouer aux patrons, aux chefs. Les apparences comptent tellement qu’on en vient justement à vouloir ressembler à l’ancien maître, le Blanc colonial. Près d’un demi-siècle après, la situation n’a fait que s’empirer. Et l’on parle de malédiction. Il faut reconnaître qu’on n’en est vraiment pas loin ! Et encore, qui sait !

 

Etat des lieux bien déplorable.

Avec le développement des moyens de communication moderne, l’attitude de certains parmi nous frise la démence véritable. Le Noir, en matière de transaction, n’a de confiance que pour l’homme Blanc. De cette façon, on confiera plus aisément un poste de commandement ou de responsabilité à un Blanc plutôt qu’à un Noir. Le fils du pays qui rentre au bercail après une formation fiable, diplômé, qualifié, et de surcroît expérimenté dans un domaine d’action précis, se retrouve sur son sol natal sous la direction d’un Blanc (souvent profane ou novice dans le domaine d’activité) parce que la hiérarchie politique locale a toujours préféré la présence du Blanc, pour la simple couleur de sa peau et tous les préjugés inavouables qui s’y trouvent enfouis. Du véritable racisme à l’envers. Dénigré en Occident, le Noir est de nouveau rejeté chez lui. Et ça, il tient le coup. Pour combien de temps encore?

 

Nos consœurs quant à elles sont depuis toujours prises d’une fièvre étrange à vouloir à tous les prix ressembler à la Blanche. On a entendu parler du resal, du maquillage, frotter et que sais-je encore. La tendance est de ressembler davantage et en apparence à la Blanche, non plus en mentalité seulement (puisque nos consœurs clament tout haut leur droit au plaisir, à la liberté et à l’égalité) mais  elles s’activent également pour un rapprochement dans les apparences.

De nos jours, nous rencontrons des femmes noires mais blondes. Interpellez-la par blondinette, et l’on vous appellera de tous les noms d’oiseaux. Drôle de monde !

 

Bien entendu, un bon nombre de nos consœurs ont cet argument qui les réconforte dans leur égarement:  «la femme Blanche se bronze et se frotte des tas de pommades et huiles de beauté afin de rendre sa peau plus foncée. Certaines d’entre elles entrent dans le jeu et se font même des tresses, des tissages et portent aussi des pagnes à l’Africaine»…

Soyons sérieux. Le font-elles vraiment pour vos beaux yeux de filles Noires ou pour une quelconque solidarité universelle? Serait-ce vraiment pour reconquérir leurs mâles Blancs en mal d’exotisme, d’esthétique et de la présence de la Noire? En toute franchise, ces filles Blanches, ne se métamorphosent t-elles plutôt pas pour aguicher davantage vos mâles Noirs de qui vous avez fini par vous détourner, déjà en Afrique puis une fois que vous arrivez en Europe ? Puisque vous rêvez de monsieur le Blanc dont vous pensez avoir le réfrigérateur bien rempli et le compte bancaire saturé?

Ecoutez Wesley Snipes et Spike Lee dans ‘‘Jungle Fever’’ et vous serez fixées une fois pour toute. Ces complexes qui détruisent des structures ont bel et bien miné notre belle Afrique, ce berceau de rêve avec ces beaux concepts drapés de pudeur, de réticence, de retenu, de solidarité, de simplicité et de la vie en communauté, en plein air et bien entendu sans le poids des traditions archaïques et des tabous régressifs. Où est donc passée cette fille divine, au sourire éclatant, à la peau si noire, si lisse et si tendre au point d’en faire rougir l’ébène ?  Où donc es-tu passée, Sirène de nos rêves d’adolescence, entre rivières et prairies lors de la cueillette des fruits sauvages en bandes!

Dans ton arrogance actuelle, ta mesquinerie et ton allure éhontée, nous les mâles du coin, ne te reconnaissons plus. Qui nous a dérobé notre madone locale telle qu’elle l’était dans l’âme?

 

‘‘Femme noire, ta couleur est la magnificence du soleil sur ton épiderme’’

 

Le mobile ou l’excuse du jour

Que d’annonces de rencontres émises par des femmes Noires, à la recherche exclusive d’un époux Blanc!  C’est très déconcertant ! Des filles dans leur vingtaine à peine, n’hésitent pas à se mettre en ménage avec des vieillards d’une soixantaine d’années. Dès l’instant où ces vieillards sont Blancs, nantis ou pas du tout, certaines de nos consœurs semblent avoir trouvé leur compte. Leur objectif ultime dans la vie. Un véritable rêve de fou, un objectif digne d’une horde de folles !

La chose peut sous certains aspects paraître pardonnable pour celles qui, restées là-bas au pays, continuent à voir les réalités d’Occident avec des lunettes roses. Mais pour ces sœurs déjà présentes en Occident depuis belle lurette, il y a de quoi reconnaître à la fin que la sécurité matérielle n’a ni frontière ni morale. Après ce Blanc et le métis engendré à brule-pourpoint, que restera-t-il d’un tel feu de paille savamment entretenu au départ et qui ne flambe que par un intérêt matériel de l’une, puis le simple désir ardent de l’autre ( lequel est, on le conçoit bien, souvent motivé par une simple curiosité charnelle, donc très limitée dans le temps)?

 

Quant à l’argument selon lequel l’homme Noir n’est jamais stable ni fidèle dans ses sentiments, mon propos à ces sœurettes trop simplistes serait de les ramener à une réalité humaine plus pragmatique et non de les laisser telles, visiblement coincées dans leurs phantasmes dignes des feuilletons à l’eau de rose, rêvant du beau prince Blanc, élégant, fidèle et de surcroît prompt à assouvir tous leurs désirs, même les plus fous, les plus incohérents. Seulement, sorti des contes de fée de Walt Disney, ce type de prince est loin d’être réel.

Dans la réalité, le prince imaginé se veut avant tout et de plus en plus mathématicien ou comptable avec son budget (les temps durs sont là) ; il n’a aucune notion de l’élasticité de la structure familiale africaine. Après vous avoir eue au pieu (ou à la façon dite ‘‘promotion canapé’’, l’éventualité la plus évidente est celle de voir votre plus jeune sœur, votre grande sœur, votre propre nièce, votre meilleure amie ou simplement votre fille aînée d’une première couche (si ce n’est pas votre propre mère) se transformer en votre rivale inavouée. Et sur ce plan, il n’y a peut-être pas de palme qui reviendrait à un peuple précis. Le contexte social et l’entourage jouent un rôle déterminant. Les faits de viols et d’incestes sont légion, et donc à scruter avec franchise et perspicacité. Le Blanc, quoique vous pensiez, n’est pas aussi blanc que neige…

Vouloir rechercher des échappatoires sur cet aspect du problème reviendrait à se cramponner sur son petit nuage préconçu, bien loin de la réalité.

 

Non, l’homme Noir n’est pas le meilleur. L’homme Blanc non plus.

Il faut bien tomber, dit-on ; puis faire un choix judicieux, non celui fondé sur du sable ou du vent. On a vu des couples noirs ou mixtes honorer ce qu’est une vie harmonieuse au sein d’un ménage, des vies communes s’étendant sur des années. On a également vu des ménages mixtes voler en éclat au même titre que des unions noires et des mariages foncièrement blancs. Les sociologues et spécialistes de la famille de tout bord s’inquiètent et s’indignent de la déflagration de la cellule familiale en Occident; un constat pour lequel l’homme Noir n’est absolument pour rien. A trop vouloir porter le pantalon au foyer, la femme occidentale a fini par mettre le feu à la poudrière. Et vous continuez à affirmer que le Noir est affectivement instable !

Frivoles, oui mais pas uniques dans l’irrégularité! A qui la faute si dans cette société occidentale, les homosexuels poussent comme des champignons et que les femmes délaissées pullulent tels des moustiques à Songolo ! Non pas que je me complaise à jeter la première pierre sur autrui – encore dois-je aussi souligner que nos sœurettes ne sont pas toutes à loger sous la même enseigne, fort heureusement; mais il est des situations qui révoltent et font mal au point de nous faire passer pour la mascotte lorsqu’au bureau, tous les collègues s’agitent autour de vous et veulent s’enquérir de votre avis sur tel ou tel aspect de la vie, convaincus que nous avons l’explication à fournir pour les choix ou inclinations de l’ensemble des Noires. On en vient, par la faute de certains des nôtres, à devenir la risée de tous dans ces milieux occidentaux.

 

La plupart des célébrités masculines noires, particulièrement des francophones, se précipitent à s’afficher avec Blanche Neige au bras puis au lit. C’est un choix légitime, dira-t-on ; seulement le malaise demeure et des interrogations subsistent. A quoi rime toute cette mascarade ?  Des fortunes qui profitent désormais, non plus à ceux qui leur ont donné la vie et les ont aidés dans la poussière et la misère véritable à se hisser au sommet de la gloire, mais bien et uniquement à la mère métropole. Même des chefs d’Etat d’Afrique noire se laissent prendre dans l’engouement de l’exotisme à l’envers. De quoi s’interroger sur le sens à donner à ce nouveau courant qui ne manque pas d’air.

 

Métissage, oui! Aliénation, non! Nos congénères des Etats-Unis d’Amérique ont pour la plupart compris puis entonné  sans détour ‘‘Black is beautiful’’ (c’est beau d’être Noir). Là-bas aux USA, les Noirs ne se sont pas simplement contentés que de ces propos qui bousculent certaines consciences, mais ils ont aussi fait suivre une série d’actions sociales en faveur de leur communauté.

Devrions-nous toujours continuer à traîner l’Afrique de nos ancêtres dans la boue à travers ces complexes qui sont dignes de l’antiquité? Il faut que les choses changent et que la confiance entre nous puisse se rétablir, sinon le même trouble-fête, tapi dans l’ombre des complexes d’infériorité ou de supériorité, continuera à faire prospérer son jeu lugubre en abusant ouvertement de la situation.

 

C’est pourquoi mes bien chères mère, tante, sœur, nièce, épouse, cousine, amante, copine, voisine…au nom de toute la Diaspora noire du monde entier, je te déclare ma flamme car femme digne tu l’es. Je te dis que je t’aime telle que tu es. Ta couleur, sache-le une fois pour toute, est la magnificence du soleil sur ton épiderme! Aujourd’hui traquée et adulée par tous les publicitaires ou agences occidentales à vocation de glorifier la peau et le corps dans leur splendeur, sans distinction de couleur, d’origine ou de culture, il y a lieu que tu te ressaisisses et te repositionnes au plus vite.

 

La beauté de ta couleur de femme Noire ne peut retrouver sa vraie dignité que lorsque toi-même irait au front et crier haut et fort, sans le moindre complexe, et à qui veut l’entendre:

«I am black and I am proud» (je suis fière d’être Noire).

 

Avec une telle conviction et un tel élan, aucun dérapage ne sera plus possible. Tel sera notre premier pas vers la liberté, la vraie indépendance, pour la dignité de notre Afrique, le continent de tous les humains épris d’amour et de paix, qu’ils soient Blancs, Jaunes, Métis, Rouges ou Noirs ici bas.

 

Mike FUMU BIPE,

fumubip@yahoo.co.uk