(Soir Info, 19 juillet 2013) – Les moyens diffèrent. Mais l’objectif reste identique. « Tuer » le mentor politique…pour ne plus être la marionnette. Guillaume Soro, actuel N° 2 du régime ivoirien, l’a fait contre Laurent Gbagbo, qui l’a idéalisé et guidé ses premiers pas en politique. Cependant, il a fait « couler » son pouvoir dont il était pourtant le Premier ministre, avant le 11 avril 2011. Aujourd’hui, Kouadio Konan Bertin (K.K.B.) est en train de « tronçonner » Henri Konan Bédié qui l’a mis en orbite, à la tête de la Jeunesse du parti démocratique de Côte d’Ivoire (J-Pdci). Après avoir entretenu le mythe et la légende Bédié, dont il tenait le crachoir et à qui, il a tout emprunté (gestuelle, timbre vocal nasillant), K.K.B pense que le temps est arrivé, pour lui, de guillotiner le « Maitre », sur l’autel de ses ambitions politiques, pour ne pas toujours resté l’élève. « Que Bédié accepte que le fils grandisse » ironise-t-il. Au contraire de son ami de génération Guillaume Soro, actuel président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, ancien chef rebelle du Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire ( Mpci), puis des Forces nouvelles (Fn), a qui s’est imposé, selon ses propres termes, la force des armes, pour mettre à mort, politiquement, celui qui l’a fabriqué, au plan idéologique, KKB, lui, a choisi la rébellion du verbe, c’est-à-dire celle de la rhétorique.
Convaincu que c’est la meilleure arme politique, il pilonne, sans répit, Bédié, non pas à coup de baïonnettes ni de roquettes, mais de phrases assassines, venimeuses et particulièrement dégradantes pour l’ancien Président de la Côte d’Ivoire. K.K.B sait qu’en s’attaquant au symbole Bédié, en traînant dans la boue l’ex-président de l’Assemblée nationale, en désacralisant le mythe voire le fétiche du Pdci, il est sûr de l’abattre, à jamais. Cette guerre que K.K.B mène contre Bédié n’est pas sans rappeler celle faite par Œdipe au Sphinx, dans la mythologie grecque : le parricide. Le président sortant de la J-Pdci, mieux que quiconque, sait combien « N’Zuéba » qui s’est arrosé de tous les honneurs dans ce pays, par les fonctions administratives et politiques de haut niveau qu’il a occupées pendant plus d’un quart de siècle, est attaché à sa dignité. Blesser cet amour-propre, par des gags, des formules chocs et hilarantes et autres allégories, ne peuvent que faire disjoncter celui qui s’était mis dans la peau de « immortel » à la tête du parti. Et comme pour causer le maximum de dégâts à sa « cible Bédié », K.K.B s’est offert des tribunes de choix. Londres et Paris, deux capitales européennes où se concentre l’intelligentsia ivoirienne et africaine. « Mon père, toi-même tu as dit que tu n’es pas candidat et aussi, selon les textes, tu ne peux plus, donc, après toi, le Pdci fait quoi ? » lance-t-il à Bédié depuis Paris. « Je vais battre Bédié et personne ne peux m’empêcher d’avoir accès à la salle… Je gagnerai cette élection. Je dis à mon père Bédié qu’il peut faire l’économie de cette défaite en s’abstenant de se présenter. Sinon, je le battrai. Ma candidature répond à un besoin, sinon à l’exigence de renouvellement. Ce renouvellement s’impose au Pdci à ce congrès. C’est ce défi que ma candidature doit relever. Je suis prêt à redonner une âme au Pdci… Je me sens les capacités et les aptitudes à diriger le Pdci », poursuit-il à Londres, devant des centaines de militants acquis à sa cause. « David » réussira-t-il à terrasser « Goliath » ? Kouadio Konan Bertin dont on dit qu’il n’est que la face immergée « d’un profond iceberg » va-t-il réussir à « tuer » Bédié, là où des hommes, comme feu, Philippe-Grégoire Yacé (Secrétaire général), Laurent Dona Fologo (Secrétaire général) ont mordu la poussière ? Le contexte et les époques ont certes changé. Mais, la démocratie gérontocratique reste toujours la ligne directionnelle politique au sein du plus vieux parti de Côte d’Ivoire. Dans cette guerre des « Konan », qui a finalement lieu, lequel aura le dernier mot ? En tout état de cause, ce combat de Konan Kouadio Bertin contre Konan Bédié Henri qui l’a idéalisé et qui a forgé ses convictions d’homme politique, quelle que soit son issue, à la fin de ce 12 éme congrès, est en soit, au plan du courage, une grande victoire psychologique pour lui.
Armand B. DEPEYLA