L’armée a lancé un assaut pour libérer les otages retenus dans le centre commercial où 68 personnes ont été tuées.
AFRIQUE DE L’EST Horreur sur le West- gate Mall de Nairobi. Trente-six heures après l’attaque, des islamistes somaliens en armes étaient toujours retranchés dimanche soir dans ce centre commercial où ils retenaient en otages « de nombreux civils innocents », selon le président kényan. En fin de journée, Uhuru Kenyatta, qui a perdu son neveu et la fiancée de ce dernier dans le massacre, affirmait pourtant que la fin du cauchemar était proche. Le bilan provisoire était de 68 morts dimanche soir.
Samedi peu après midi, une quinzaine d’assaillants masqués, dont des femmes, avaient fait irruption dans le Mall. Ils ont ouvert le feu à l’arme automatique et à la grenade sur une foule d’un millier de clients et d’employés du Westgate, un des lieux de promenade préférés des classes aisées de Nairobi. Ce fut aussitôt le chaos parmi les familles qui faisaient leurs courses et les badauds attablés aux terrasses des cafés du bâtiment de quatre étages.
« Ils tiraient partout, c’était comme dans un film, on voyait les gens pulvérisés par les balles », racontait quelques instants après Zipporah Wanjiru, une employée qui s’en est sortie par miracle en se cachant sous une table avec cinq collègues. Une autre survivante de la tragédie a passé toute la nuit de samedi à dimanche sous une voiture dans le parking souterrain, frigorifiée et morte de peur. Mais pendant ce temps, la fusillade et les affrontements continuaient dans les étages supérieurs entre les forces de sécurité kényanes et les miliciens somaliens d’al-Chebab, qui ont rapidement revendiqué l’attaque, la plus sanglante que le Kenya ait connue depuis l’attentat suicide d’al-Qaida en 1998 contre l’ambassade américaine.
Les victimes ont entre 2 et 78 ans. Parmi elles, deux Françaises, une mère et sa fille, auraient été exécutées sur le parking du centre commercial, selon la ministre des Français de l’étranger, Hélène Conway-Mouret. On dénombre également deux Canadiens, dont une diplomate, trois Britanniques, l’épouse d’un diplomate américain, une Néerlandaise et un célèbre poète et homme politique ghanéen, Kofi Awoonor.
Dans le labyrinthe de boutiques, les terroristes peuvent aisément se cacher. L’opération de neutralisation menée par les forces kényanes est délicate. D’autant que les islamistes – une quinzaine environ – sont retranchés avec leurs otages dans un supermarché du Mall. « Dix heures se sont écoulées et les moudjahidins tiennent toujours leurs positions, grâce à Dieu », claironnaient samedi soir les Chebab sur Twitter. Les terroristes excluent de négocier. Ils affirment que l’opération vise à punir les « crimes » de l’armée kényane, déployée depuis fin 2011 en Somalie pour y combattre l’insurrection islamiste.« Retirez toutes vos forces de notre pays », exigent les Chebab. « Seuls les infidèles ont été tués », prétendent-ils, affirmant que leurs « moudjahidins » avaient épargné les musulmans présents sur place en les « escortant » hors du centre. Par petits groupes, des clients apeurés et des employés traumatisés émergent au fur et à mesure de la lente progression des forces de sécurité. Parmi eux, cinq Français.
De l’Élysée au département d’État à Washington, les condamnations d’un « acte lâche et ignoble » pleuvent. Mais dans le Mall, les policiers ont pour instruction de sauvegarder à tout prix la vie des otages, qui seraient une trentaine, tandis que non loin de là, des proches attendent une initiative forte de la police. En milieu de journée, des membres des forces spéciales israéliennes ont pénétré dans le bâtiment. Simple appui logistique aux Kényans ? Raid en préparation comme à Entebbe, trente-sept ans plus tôt ? Le Mall est en partie détenu par des investisseurs israéliens. Les autorités kényanes ont ordonné dans la soirée l’assaut final, et déclaraient vers 23 heures que la plupart des otages avaient été secourus, tandis que les forces de sécurité se rendaient maîtres de la plus grande partie du centre commercial.
Georges Malbrunot (avec AFP et Reuters)