Mandela a été inhumé avant hier 15/12/2013 selon le rite de la spiritualité africaine non-déiste : un bœuf a été sacrifié pour l’accompagner dans le monde des ancêtres, ce qui est très bien, dans une Afrique où les intellectuels se bousculent pour se faire enterrer selon les rites chrétiens ou musulmans des oppresseurs. Contrairement à la culture islamo-judéo-chrétienne de la hiérarchisation de la société jusqu’aux défunts, le partage, l’égalité entre les êtres humains et le culte/la place accordée à nos morts constituent la base de la société traditionnelle africaine. Alors que certains occidentaux auraient voulu faire un pèlerinage sur la tombe de Mandela, la culture africaine ne le leur a pas permis. Cela n’a pas été possible parce que dans cette culture, chaque mort est égal à un autre et chacun a son propre ancêtre, qui est son parent, son familier immédiat. Mandela devient l’ancêtre de ses enfants, de ses petits enfants, de ses cousins, de ses neveux etc. Mais pas l’ancêtre suprême des Sud-Africains. Chaque personne ayant son propre ancêtre, de même que Steve Biko est l’ancêtre de ses propres familiers à est à égalité avec Mandela. Et c’est cette conception du monde du partage comme base de la cohésion sociétale qui est à l’origine de la lutte qu’a mené Mandela pendant 27 ans derrière les barreaux. Ceux qui ont traité Mandela de communiste n’ont tout simplement pas compris que la tradition africaine n’a pas eu besoin de lire Karl Marx, pour comprendre que l’injustice sociale est le pire ennemi de toute société, loin de tout éventuel ennemi extérieur. Et c’est pour avoir trahi ce principe africain de la lutte pour le partage des ressources sud-africaines que Mandela a failli à sa mission. Tout s’est passé comme s’il était entré en prison parce que son peuple brûlait d’envie d’avoir un Européen comme ami, ou comme voisin. Non, ces Européens se sont illustrés en voleurs, en truands, en braqueurs des richesses de l’Afrique du Sud. Sorti de prison, Mandela a donné l’impression qu’il suffisait de dire au braqueur de nous laisser dormir en paix dans les toilettes et non plus de nous restituer un minimum de nos propres richesses.
Il n’est pas très important de savoir si Nelson Mandela est un héro pour Pougala ou non. Il est plus intéressant de se demander s’il était un héro pour son propre peuple. Comment son peuple a-t-il vécu ces écarts de comportement entre sa misère quotidienne et l’image que les populations d’origine européenne projetaient de lui?
Pour le comprendre, retour au jour de la cérémonie officielle dans le stade de Soweto. Ce stade qui était désespérément vide. Lorsqu’en plus on enlève les 90 chefs d’Etat et leur délégation, certains sont même venus avec 2 avions comme le chef d’Etat français. Lorsqu’on y ajoute les nombreux journalistes qui faisaient 8 heures de queue pour avoir l’accréditation, on constate l’ampleur du désintérêt de la population noire sud-africaine pour cet homme. Mais ce qui m’a le plus marqué, n’est pas ce qui se passait au stade principal. C’est plutôt ce qui se passait à l’autre stade Orlando, et pire, ce qui ne se passait pas. Dans ce stade, on avait érigé des écrans géants pour accueillir les nombreux Sud-Africains qui ne trouveraient pas la place au stade principale et ce stade est resté tout aussi vide, avec le gène de tous ces journalistes occidentaux à qui la rédaction donnait l’antenne pour raconter l’ambiance du stade et étaient tous obligés d’inventer des romans de leur propre imagination, car il n’y avait pas d’acteur pour leur film, la population avait tout simplement déserté. On peut donc dire que Mandela est plus un héro pour les Blancs et non pour les Noirs, mais pourquoi ?
« L’arme la plus puissante entre les mains de l’oppresseur est l’esprit de l’opprimé. »
Steve Biko
J’ajoute, que la plus grande intelligence de l’oppresseur est sa capacité à mettre l’opprimé au service même de l’oppression. Et en plus, au final, qu’il soit même content de le faire.
Nelson Mandela est cet opprimé qui a complètement retourné sa veste pour se mettre résolument au service de l’oppresseur. Il a été deux fois plus dangereux que l’oppresseur, parce qu’agissant par procuration contre son propre peuple, ce dernier ayant par malchance déjà abaissé sa garde, convaincu d’avoir un des leurs aux manettes.
Mais Erreur ! Erreur très grave. Cette personne aux manettes n’était plus à son service, mais complètement manipulée. Mandela était au service de l’oppression pour le seul et unique objectif, celui de l’accaparement des énormes ressources naturelles du pays, au service d’une poignée d’hommes et femmes venus d’Europe, au service d’une minorité de nantis, toujours avides d’argent et du sang de ce peuple doublement trahi.
Ce même Mandela, le poseur de bombe, qui a fait le tour d’Afrique et a appris surtout en Afrique du Nord toutes les techniques pour commettre des attentats, afin de contraindre l’étranger, oppresseur à lâcher du lest et partager la richesse du pays, de son pays. 27 ans de prison ont suffi pour effacer ses revendications de société juste. Mandela s’est mis au service d’un système ignoble d’injustice et d’exclusion, un des pires au monde. Et a préféré devenir le champion de la futilité démocratique. Il est devenu l’idiot utile qu’on utilise pour vendre la démocratie occidentale.
Mais vu le résultat, c’est un mensonge que le vendeur s’est infligé à lui-même. Vanter le mérite de la démocratie en prenant l’exemple de l’Afrique du Sud de Nelson Mandela, m’a toujours semblé une mauvaise blague ou un cynisme qui ne dit pas son nom, puisque comme je le dis depuis des années : voter n’a jamais changé le destin d’un peuple, Voter n’a jamais changé un pays. Et le sort des populations africaines d’Afrique du Sud avant et après l’horrible violence de l’apartheid avec ses complicités des pays occidentaux, prétendument champions de la démocratie, est là pour témoigner.
Le Président de l’ANC Oliver Tambo a écrit ceci à la sortie de prison de Mandela :
“The fight for freedom must go on until it is won; until our country is free and happy and peaceful as part of the community of man, we cannot rest.”
En d’autres termes, “notre lutte pour la liberté doit continuer jusqu’à la victoire, jusque ce que notre communauté soit libre, heureuse”.
Question : l’ANC de Mandela a-t-il gagné ou perdu la bataille qu’il avait engagée pour libérer son peuple et le rendre heureux ? Le peuple sud-africain est-il heureux ? Comparé à la période de l’apartheid, vit-il mieux aujourd’hui ou avant ? La réponse est sans équivoque : Mandela a perdu, l’ANC a perdu. Et ce, sur plusieurs plans :
Il y a à peine 10 jours que l’ancien président sud-africain est décédé qu’il est déjà canonisé par les médias occidentaux, relayant de fait la satisfaction que l’establishment de cet Africain qui s’est très bien comporté, c’est à dire comme le système dominant attendait de lui. Même les Africains sont nombreux à s’y mettre.
WINNIE MANDELA – UN DIVORCE PAS CLAIR
Lorsque Nelson se sépare de Winnie, le motif officiel est l’infidélité. Cette dernière l’aurait trompé avec un jeune avocat. Cet acte était très certainement la preuve pour étayer mes soupçons selon lesquels Mandela avait signé un accord pour devenir un maître de cérémonie et non un vrai président.
Imaginez l’homme qu’on nous a toujours présenté: tellement bon, tellement généreux, tellement patient, capable de pardonner à ceux qui lui ont pris 27 ans de sa vie, capable de pardonner à ceux qui ont torturé et tué presque tous ses compagnons de lutte. Imaginez le même homme, qui perd la tête pour une histoire de femme, rancunier pour une histoire de jalousie, au point d’exclure sa femme de son premier cercle d’entourage, lors de son investiture à la présidence de la République d’Afrique du Sud. Cette femme qui pendant 27 ans durant a lutté, a fait le père et la mère pour les enfants, a séjourné en prison, a organisé les manifestations, les boycotts etc. C’était trop pour ne pas être louche. Le documentaire projeté au lendemain de la mort de Mandela par la chaine Arte-Tv intitulé “Nelson Mandela – Le réconciliateur” le vendredi 06 décembre à 20h50 (documentaire de 111 min) nous donne un fragment de la vraie vérité. C’est le mauvais accord signé par Mandela avec ses geôliers qui est à l’origine de sa rupture avec sa femme. Winnie Mandela a reproché à son mari d’avoir trahi le peuple.
Selon ce documentaire, l’histoire remonte à quelques mois avant la libération de Nelson Mandela. Ce dernier est transféré sans aucune explication, de sa prison, séparé de ses compagnons de 26 ans de prison, vers une résidence privée, de luxe, avec jardin et piscine. Désormais, c’est ici que tu dois résider, C’est le standing qui correspond à ton rang, lui avait-on dit. Aussitôt dit, aussitôt fait. Mandela s’est confortablement installé, comme chez lui. Sa femme Winnie est conduite par les services secrets sud-africains vers cette villa. C’est le jour J, pour Mandela de consommer sa première nuit intime avec sa femme depuis 26 ans d’attente. Mais Winnie refuse. C’est ce jour là que le mariage est terminé entre les deux. Winnie visite toutes les salles de la résidence sans parler, va au bord de la piscine, regarde les arbres avec les ampoules colorées. Et retourne dire à Nelson, qu’elle ne se sent pas à l’aise et qu’elle veut rentrer. Winnie avait compris que son mari avait été acheté.
Winnie sera prudente et ne passera pas une seule nuit là dedans. Mais d’autres personnes seront moins prudentes, notamment les membres de l’ANC qui vont se relayer dans cette villa raconter avec joie à leur ancien chef les nouvelles du terrain, les attentats, les blocages, les complicités dont ils jouissent au sein de la communauté blanche, notamment des militants blancs communistes. On saura par la suite que la villa était truffée de micros par les services secrets sud-africains, et que même les arbres du jardin étaient équipés de micros. C’est ainsi que même avant de proposer à Mandela la négociation, Monsieur Botha d’abord et De Klerk ensuite, avaient déjà recueilli le maximum d’informations sur Mandela et les stratégies qu’ils entendaient développer. Dans toute négociation, si vous pouvez anticiper les faiblesses de votre interlocuteur, vous avez gagné la partie. Et c’est comme cela que tout sera conclu au rabais pour la communauté Noire, puisque les Blancs n’ont rien lâché des revendications de l’ANC.
Le plus surprenant pour tous les membres de l’ANC est que Mandela encore incarcéré a décidé de négocier avec ses bourreaux de l’avenir de 80% de la population sud-africaine sans concerter personne dans le parti qui avait durant 27 ans porté son flambeau pour qu’on ne l’oublie pas, pour qu’on ne le tue pas en prison. Personne ne sait ce qui s’est réellement passé. Il n’a jamais donné d’explication à cette décision.
Et puis arriva le jour de la libération. Une véritable mise en scène avec une récitation digne des films d’Hollywood : Winnie qui sait que Monsieur a trahi tout le monde est quand même là main dans la main et soulève l’autre bras avec le poing serré. Ce que le peuple ne sait pas en ce moment, c’est que Mandela ne sortait nullement de prison. Il a tellement aimé cette maison qu’il a fait son exact réplique dans son village natal où il a été enterré. La suite des évènements, nous la connaissons : renoncement au programme de l’ANC qui stipule noir sur blanc la charte de la liberté (freedom charter) de la redistribution des terres, de la nationalisation des entreprises stratégiques dans le camp des mines et de l’énergie.
Rien de tout cela. A sa place, on a eu la plus grande fumisterie mondiale d’insulte à la mémoire des victimes de l’esclavage, de la colonisation et de l’apartheid. Banaliser à ce point la souffrance de tout un peuple, au point de demander aux victimes de la violence aveugle de l’apartheid de venir témoigner pour dire comment elles avaient fait pour appliquer leur instinct de survie pour se protéger des crimes du système de spoliation. C’est le supplice que le peuple noir sud-africain a gratuitement subi à cause de leur guide : Mandela.
Ce qui est curieux, c’est que cette commission n’a nullement fait la lumière sur l’assassinat des figures de premier plan de l’ANC, comme Steve Biko. Elle ne nous a pas dit qui dans les services secrets sud-africains a donné l’ordre d’assassiner le premier ministre suédois, Olof Palme, vendredi le 28 février 1986, à 23h21, pour son combat contre le système odieux de l’apartheid? Pire, la CRV n’a nullement fait allusion à chercher à savoir ce que faisait l’espion boers Craig Williamson à Stockholm le jour de l’assassinat de Palme. La farse de la CVR ne nous a pas dit quel genre de substance toxique a été inoculée au président fondateur du PAC Sobukwe, pendant ses années de prisons, pour qu’à sa sortie de prison en 1969, il meurt à petit feu jusqu’à s’éteindre en 1978 ? Qui a ensuite assassiné son successeur en exile, David Sibeko le 12 juin 1979, à Dar-es-Salam en Tanzanie ? La CRV ne nous a rien dit sur comment les services secrets sud-africains ont saboté l’avion du président Mozambicain Samora Machel causant sa mort en 1984, à cause de son soutien à la branche armée de l’ANC sur son sol, avec des camps d’entrainement. Et surtout, qui a donné l’ordre de tuer le président Mozambicain? La Commission Vérité et Réconciliation.
Saisi par la Commission Réconciliation et Vérité (CRV), l’Institut Néerlandais pour l’Afrique Australe, dirigé par un certain Peter Hermes, pour faire la lumière sur l’assassinat à Paris de la représentante du Congrès National Africain(ANC) en France, déclare dans son rapport à la commission :
«Dulcie September a été tuée le 29 mars 1988 par les services secrets sud-africains avec la complicité des services secrets français (…) Dulcie September était une cible facile pour les services secrets sud-africains qui considéraient que le mouvement antiapartheid n’était pas suffisamment mobilisateur en France pour provoquer des manifestations à Paris, à la différence de Londres ou Amsterdam. Mais le vrai motif du meurtre pourrait bien être ailleurs: Dulcie September s’intéressait de trop près au commerce des armes entre Paris et Pretoria.»
Question : Pourquoi la commission n’a pas exigé à la France de venir s’expliquer et demander pardon au peuple Noir d’Afrique du Sud ? Ou à son Ministre de l’intérieur de l’époque Charles Pasqua dont le nom est cité dans le rapport ? Ou alors, ce machin servait seulement à confondre les bourreaux et leurs victimes ?
Pour combattre la violence psychologique d’une telle initiative sur des failles de victimes déjà traumatisées par les trop longues années de la violence policière et militaire de l’apartheid, il fallait en plus lui demander de venir témoigner, en échange de l’armistice générale. La question qui m’a toujours taraudé l’esprit à ce sujet était : pourquoi les Occidentaux qui ont suggéré à Mandela une telle commission de réconciliation ne l’ont jamais appliquée chez eux ? En voici un exemple
QUELLES COMMISSIONS EN EUROPE A LA FIN DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE ?
EN ALLEMAGNE : Procès de Nuremberg
Le procès de Nuremberg se tient du 20 novembre 1945 au 1er octobre 1946 pour juger 24 ténors du Troisième Reich, définissant le Nazisme comme un crime contre la paix et crime contre l’humanité.
Le plus drôle est que le tribunal s’invente des pouvoirs qu’il n’a pas, émets des sentences rétroactives. En d’autres termes, ce tribunal spécial qui n’est constitué sur la base d’aucun texte juridique international, viole toutes les conventions pour atteindre le seul but de marquer une rupture avec la période triste du nazisme et les hommes qui l’ont incarnée.
Le 1er Octobre 1946, le verdict tombe : tous les recours en grâce sont rejetés. Plusieurs condamnations très lourdes dont 12 à mort. Plusieurs détenus se suicident avant la fin du procès. Le 16 octobre les condamnés sont aussitôt pendus.
Le procès de Nuremberg va faire une victime mémorable : un innocent sera déclaré coupable, pendu, avant qu’on se rende compte de l’erreur quelques années après. C’est le cas de l’officier Alfred Josef Ferdinand Jodl, né le 10 mai 1890 à Wurtzbourg et pendu le 16 octobre 1946 à Nuremberg. C’est le 2 Mars 1953, c’est à dire presque 7 ans après son exécution que le tribunal de Munich va le déclarer innocent. Trop tard, on l’a déjà pendu à la hâte, pour fermer le chapitre du Nazisme.
Pourquoi ceux qui ont jugé utile d’instaurer un tribunal à Nuremberg en Allemagne, pour juger les leaders d’un système de violence et de discrimination comme le Nazisme, on applaudit qu’en Afrique du Sud, on ne fasse pas de même à la fin de l’apartheid ? Y-a-il deux poids deux mesures, chaque fois qu’il s’agit d’appliquer les règles élémentaires au respect des droits des Noirs?
EN FRANCE ? L’épuration
Pour le Général de Gaulle, encouragé et soutenu par les Américains et les Britanniques, toute personne qui avait été complice des occupants allemands ne méritait pas de vivre. Il ne fallait pas que ces gens peu recommandables puissent polluer le nouveau cours de l’histoire avec leurs comportements déviants de complicité avec des criminels du régime précédent. La France a ainsi, une fois la guerre terminée, mis en pratique une des épurations les plus cruelles de l’histoire de l’Humanité. Ainsi, selon la une du quotidien français le Figaro du 6 Avril 1946, le million de Français ayant manifesté la moindre sympathie avec l’Occupant pendant la guerre a été arrêté et incarcéré, c’est à dire 1/10 de la population active, précise le quotidien. En seulement 2 ans, plus de 100.000 de ces prisonniers seront exécutés et leurs biens, confisqués.
Dans le numéro spécial de la revue “Défense de l’Occident”, une étude sortie en 1951 sur le phénomène de l’Epuration dit ceci: « si l’on fait entrer dans le calcul les personnes qui ont été frappées au titre de l’Epuration professionnelle, qui ont perdu leur situation, soit sous la pression des syndicats, soit par diverses causes tenant à l’application de la législation de l’épuration, le chiffre des Français ayant perdu leur situation ou leur gagne-pain par la suite de l’Epuration, a largement dépassé 1 million de personnes».
Combien de personnes ont été exécutées au titre de l’épuration ?
Pour le savoir, revenons en février 1945, lorsque le ministre français de l’Intérieur dans le gouvernement de De Gaulle, le socialiste Jean Tixier, remet au colonel Dewavrin, les rapports des préfets, sur lesquels il était clairement indiqué que, de juin 1944 à février 1945, ce sont 105 000 français qui avaient été exécutés sur ordre du Général De Gaulle, pour complicité avec l’ennemi durant la guerre.
Et c’est en 1951 que va arriver la loi de réconciliation nationale, dite la loi Minjoz du 5 janvier 1951 pour gracier tous les crimes commis jusqu’au 1er janvier 1946 par les lieutenants de De Gaulle. Cette commission de réconciliation n’était rien d’autre que l’autoamnistie de ceux qui venaient de prendre le pouvoir, au cas où à quelqu’un viendrait la mauvais idée de s’y aventurer et vouloir les traduire en justice.
L’Epuration n’a épargné personne, même les militaires ont été très lourdement touchés. On calcule que sur les 30 000 hommes en arme, 20 000 ont été victimes de l’Épuration.
Même la presse a été épurée, tous ceux qui avaient écrit la moindre phrase positive en regard de l’Occupation nazie étaient immédiatement arrêtés. La plupart des maisons d’édition françaises ont été tout simplement fermées.
AZANIE
Durant la période de l’apartheid, il y avait un mot d’ordre parmi les chefs d’état africains : ne jamais utiliser le mot Afrique du Sud pour designer le pays où Mandela était tenu en prison, mais AZANIE comme l’avaient voulu les deux partis anti-apartheid mis hors la lois au même moment, l’ANC et le PAC (Pan Africanist Congress), qui sera même rebaptisé: “Pan Africanist Congress of Azania”, s’offusquant du fait qu’un pays puisse s’appeler EUROPE DU SUD, ASIE DU SUD OU AMERIQUE DU SUD. Ils nous avaient dit que le jour où les Noirs gagneraient la bataille, le pays deviendrait l’AZANIE et c’est ce qui a fait que dans tous les discours officiels à Kinshasa, Nairobi, Dar-Es-Salaam ou Yaoundé, les chefs d’Etat utilisaient systématiquement le nom Azanie pour parler d’Afrique du Sud, pour marquer leur adhésion à la lutte soit du PAC que de l’ANC. Jusqu’au jour où un certain Nelson Mandela est sorti de prison et sans donner d’explication à qui que ce soit a oublié le mot Azanie pour utiliser lui aussi, comme les boers, le mot Afrique du Sud. Quel ne fut le désarroi de toute l’Afrique qui pour tenir la flamme toujours vive avait suivi à la lettre les indications de l’ANC et de l’autre parti anti-apartheid, le Congrès Panafricain (PAC). Il ne fit même pas une conférence de presse pour expliquer ce soudain revirement.
BANQUE CENTRALE SUDAFRICAINE
Sur tout le continent africain, l’Afrique du Sud est le seul pays où la banque centrale est entre les mains des privés. C’est à dire que les Noirs ont lutté depuis des années pour revendiquer le droit sur leurs ressources et voilà qu’au moment où on leur sert la nouvelle selon laquelle Mandela a fait des miracles, dans les faits, ce peuple s’est enfoncé dans une des pires dictatures économiques et raciales du continent africain. En effet ce sont les mêmes racistes d’hier qui impriment jusqu’à l’argent utilisés par tous les Sud-Africains. Mandela n’a pas jugé utile de s’attaquer à cette anomalie toute sud-africaine.
Par erreur, on croirait qu’il s’agit d’un problème sud-africain et qui ne se limite qu’à l’Afrique du Sud. Malheureusement, l’Afrique du Sud est le laboratoire où s’expérimente la plupart des choses qui seront ensuite en application partout en Afrique subsahélienne. Nous allons voir dans les lignes qui suivent comment.
PUBLIC ET PRIVE EN AFRIQUE DU SUD, PREDATEURS EN AFRIQUE
Ici au Cameroun, il y a 2 opérateurs privés de téléphonie mobile : l’opérateur sud-africain MTN et l’opérateur français Orange. J’ai vu des gens m’expliquer qu’ils préfèrent MTN parce qu’elle est une entreprise africaine. J’ai eu du mal à leur expliquer que MTN et Orange ont exactement les mêmes actionnaires et qui attentent du marché camerounais les mêmes bénéfices, les mêmes profits. Et ces actionnaires, qu’ils soient résidents en Afrique du Sud ou en Europe, sont tous de la même origine : une population européenne.
Dans le domaine financier, par exemple, ce sont les deux secteurs public et privé qui se comportent en prédateur pour mettre la main sur le secteur financier de toute l’Afrique, jour après jour. La stratégie commence par le renflouement des caisses de certaines banques qui sont en recherche désespérée de liquidités et ensuite, comme elles sont incapables de rembourser, c’est la société sud-africaine qui entre ainsi au capital de la banque ciblée. Souvent, même quand la banque peut rembourser ses dettes, la société sud-africaine ne veut plus de son argent. Tout ce qui l’intéresse, c’est d’entrer au capital de la société africaine en question. C’est en tout cas ce qui s’est passé pour la banque togolaise Ecobank créée au Togo en 1985, qui avec sa présence dans 32 pays africains peut se vanter d’être la banque la plus diffusée sur le continent. En 2011, cette banque qui est côtée à la Bourse de Johannesburg, croise la route d’une institution que les Africains ne connaissent pas, mais qui est la pire prédatrice de tout le continent, c’est la Public Investment Corporation (PIC). Parce que c’est un établissement public géré directement par le gouvernement sud-africain. C’est un fond souverain crée en 1911, pour gérer les fonds de pensions des retraités de la fonction publique sud-africaine. Et qui sont ces retraités? Les 95% sont, bien sûr, les populations blanches qui ont servi le régime odieux de l’apartheid. Son butin de guerre est colossal au niveau africain, capable de mettre à genoux n’importe quelle entreprise publique ou privée. Il est doté d’un cash de 1000 milliards de Rands sud-africains, c’est-à-dire environ 100 milliards de dollars. En avril 2012 la PIC devient le premier actionnaire d’Ecobank en raflant les 20% de son capital.
Lorsqu’en septembre 2013 Ecobank rend publics ses résultats des 3 premiers trimestres de l’année avec 250 millions de dollars de bénéfice, en hausse de 65% par rapport à l’année précédente, c’est la banque sud-africaine Nedbank qui est montée au créneau pour demander sa part du gâteau et a simplement décidé contre l’avis d’Ecobank de convertir son prêt de 285 millions de dollars en actions. C’est à dire, elle aussi, mettant la main sur 20% du capital d’Ecobank. Mais qui est Nedbank ? C’est tout simplement la filiale sud-africaine de l’assureur britannique Old Mutual. En définitive, voilà comment la Grande Bretagne avec l’Etat sud-africain de Jacob Zuma vient de mettre la main sur la première banque africaine, prouvant de fait comment l’Afrique du Sud, façonnée sous Mandela, est devenue le starting-point (point de départ) de l’ultralibéralisme à la conquête de tout le continent Africain.
Au Ghana, en 1999, c’est la banque sud-africaine Standard Bank qui débute par le Ghana son assaut de l’Afrique en mettant très facilement la main sur les 93 % d’Union Mortgage Bank redevenue la Stanbic Bank Ghana. En 2012, c’est la sud-africaine FirstRand qui avec seulement 750 millions de rands, soit 75 millions de dollars a mis la main sur la Merchant Bank Ghana. Et plus les entreprises ghanéennes se sont vues avalées par les britanniques et les sud-africaines, et plus les médias-mensonge nous ont raconté comment le Ghana était un pays vertueux.
SE MOQUER DE LA MISERE DES NOIRS EST LEGITIME EN AFRIQUE DU SUD
L’Afrique du Sud est le seul pays au monde où le braqueur Européen, à cause de la farce ayant conduit à l’impunité de la prétendue réconciliation, se permet de narguer la misère de ses victimes, de se moquer de la pauvreté extrême des Noirs que le système de l’apartheid validé par Mandela, a entretenu jusqu’aujourd’hui.
C’est, en tout cas, ce qu’offre le boers Buks Westraad, propriétaire de Emoya Hôtel & Spa, en Afrique du Sud, afin dit-il de donner la chance à ses clients fortunés de jouer aux misérables, juste le temps de ce court séjour au fond du caniveau de la misère humaine.
Il a trouvé un nom plutôt exotique pour l’initiative : Shanty Town. Le tourisme de la misère.
Voici le message publicitaire que Buks Westraad écrit sur son dépliant :
“Cabanes en tôle ondulée, lampes à pétrole, radios à piles, toilettes extérieures, nous vous ferons découvrir les joies de la vie dans un bidonville, sans les nuisances sonores, sanitaires et les crimes qui vont avec.
Vous pouvez désormais expérimenter la vie dans une cabane, dans l’environnement sécurisé d’une réserve privée.
Voici le seul bidonville au monde équipé d’un chauffage au sol et d’une connexion Internet sans fil!
Nos cabanes sont totalement sûres et adaptées aux enfants”.
Ce cynisme se passe de commentaire. J’ai envie moi aussi de parier dans le futur sur une Afrique du Sud en paix, mais avec de pareilles provocations, j’ai peur que même le plus patient des pauvres sud-africains ne reste trop longtemps à regarder.
Cette initiative a choqué le monde entier jusqu’aux États-Unis d’Amérique où le penseur Stephen Colbert l’a qualifiée tout simplement comme :
“at best, insensitive; and at worst, poverty porn.” Qui signifie ‘‘au mieux, on en ressort insensible et au pire, c’est de la pornographie de pauvreté”.
En Australie
Voici comment le journal News du 20 novembre 2013, a titré :
‘Luxury shanty town’ Emoya Estate called ‘poverty porn’ in South Africa
sous-titre : “A RESORT that allows rich people to live like poor Africans in shanty towns while enjoying five-star comforts has been labelled “poverty porn.”
En France
C’est le quotidien METRO du même jour 20/11/2013 qui va tirer la nouvelle ainsi :
“En Afrique du Sud, un faux bidonville pour riches en mal de sensations”
sous-titre : “En Afrique du Sud, Emoya Hôtel & Spa propose une expérience assez particulière : passer quelques jours dans la peau d’un “Africain pauvre” mais avec l’eau courante, l’électricité et le Wi-Fi. Il y a des limites à la précarité”.
Sauf en Afrique du Sud où les autorités n’ont pas jugé nécessaire de l’interdire. Zut ! On est en régime de réconciliation nationale, et on risque de m’accuser d’inciter les Noirs à la révolte. Et comme écrivait Voltaire dans Candide, “tout va au mieux dans le meilleur pays du monde possible”, l’Afrique du Sud. Mais jusqu’à quand ?
SANCTIFIER MANDELA POUR MIEUX HUMILIER LES PRESIDENTS AFRICAINS
Il existe une stratégie bien définie pour désormais utiliser l’image de Mandela pour humilier les dirigeants africains les moins dociles. C’est le quotidien catholique français “La Croix” qui dès le lendemain de la mort de Mandela, annonce les couleurs. Dans son édition du 7 Décembre 2013, par la voix de son journaliste fétiche, Laurent Larcher nous indique la stratégie à venir. Ce dernier profite du sommet sur la défense à Paris pour poser la question à 4 journalistes africains de ce qu’ils pensent de la nouvelle sur la mort de Nelson Mandela. Et plutôt que de commenter sur le bilan ou la vie de l’homme, tous les 4 à l’unanimité, montent des charges contre les mêmes présidents qu’ils avaient accompagnés à Paris pour ce sommet. L’instrumentalisation de Mandela ne fait que commencer et à moins de nous prendre tous pour des idiots, comment un journaliste peut-il prétendre d’avoir tendu son micro à 3 journalistes africains pour parler de la mort de quelqu’un et que tous parlent plutôt contre les chefs d’états africains, tous. Cela m’a semblé plutôt suspect. Voici les propos que rapporte le quotidien :
« LARMES DE CROCODILE »
Ce sous-titre reprend les propos attribués au journaliste guinéen Lanciné Camara, président de l’Union internationale des journalistes africains (à Paris): « Ce sont des larmes de crocodile. Ils saluent la mémoire du résistant, et ils font le contraire chez eux. Ils s’accrochent au pouvoir alors que Mandela n’a fait qu’un seul mandat. Ils privatisent le pouvoir avec leur famille, ils enveniment l’esprit ethnique pour se maintenir à la tête de l’État, alors que Mandela a mis sa famille à distance du pouvoir, et qu’il n’a jamais monté les ethnies les unes contre les autres. Comment Paul Biya, Sassou Nguesso, Idriss Déby, Blaise Compaoré… peuvent-ils saluer sans la trahir, la mémoire de ce grand homme ? Qu’ils commencent d’abord à faire comme Mandela : savoir s’effacer pour laisser la place à l’alternance et au jeu démocratique. »
« UNE VASTE MASCARADE »
Lorsque j’ai lu ce titre, j’ai vite pensé qu’il s’agissait de la mascarade des Occidentaux pour la mort de Mandela. Eh non, la mascarade ce sont les chefs d’état africains. Lisez plutôt ces propos attribués à Freddy Mulongo, de la République démocratique du Congo, envoyé spécial au sommet de Paris pour la radio de Kinshasa dénommée : “Réveil FM international” : « Les hommages des chefs d’État africains, à de rares exceptions près, sont une vaste mascarade et d’une hypocrisie incroyable. Certains sont arrivés au pouvoir par les armes comme Blaise Compaoré, d’autres en trichant aux élections et en tripatouillant les Constitutions. Jamais Mandela n’a fait ça. Et son travail sur le dialogue, la création de la Commission vérité et réconciliation: beaucoup de chefs d’État s’en sont inspirés, sans jamais lui donner un contenu sérieux, par exemple dans mon pays, la RDC. Et le rapport aux journalistes? Combien de journalistes Mandela a-t-il mis en prison? Aucun ! Je suis abasourdi par ce cirque autour d’un si grand monsieur qui vient de partir! »
« AU-DELÀ DE TOUT CALCUL POLITIQUE »
Madame Houmi Ahamed-Mikidache, est une journaliste comorienne, correspondante à Paris de l’hebdomadaire comorien “L’Inquisiteur”.
« C’est normal qu’ils lui rendent hommage. Mais ce serait bien que d’autres suivent son exemple dans d’autres domaines. Il nous manque un Mandela pour le combat en faveur de l’éducation, de la santé et de l’environnement en Afrique ! »
Est-ce que le fait de résider à Paris rend les journalistes africains incapables de se démarquer de la campagne des médias publics français comme RFI et France 24 contre les présidents africains non dociles ? Ont-ils peur de ne pas voir leur titre de séjour renouvelé ou c’est juste de la médiocrité journalistique ?
LA VRAIE LIBERTE EST ECONOMIQUE : MA MESAVENTURE SUDAFRICAINE POST CVR (Commission Vérité et Réconciliation)
Cette histoire se trouve à la page 202 de mon livre autobiographique “In Fuga dalle Tenebre” (en fuyant les ténèbres) publié en 2007 par Einaudi en Italie. J’y raconte ma mésaventure sud-africaine, qui m’a porté à conclure que Mandela s’était trompé sur tous les plans, car il n’y a pas d’indépendance sans autonomie financière. Il n’y a pas la libération d’un peuple des chaines de l’esclavage sans les moyens économiques pour permettre à cette libération d’être effective et non, se transformer en cauchemar pour des gens qui n’ont pas connu autre chose dans leur vie que la soumission.
L’histoire se passe en 1997. Quelques mois après le verdict de la Commission Vérité et Réconciliation du 28 février 1997 qui était supposé ouvrir le pays à un lendemain plus apaisé. Mon entreprise italienne a comme objet principal la construction d’usines clés-en-main. L’enthousiasme de la libération et de l’arrivée de Nelson Mandela au pouvoir me pousse à chercher à développer mes activités en terre sud-africaine. Les contacts sont établis avec une entreprise de production agroalimentaire installée dans l’une des zones industrielles de Johannesburg. Pendant plusieurs mois, je dois sortir l’artillerie lourde pour convaincre cette entreprise de préférer ma solution à celles de mes concurrents britanniques, allemands, danois et américains. J’offre le prix le moins cher, avec un service après-vente garanti par des ingénieurs des plus compétents prêts à intervenir en Afrique du Sud dans un délai raisonnable. La commande porte sur une ligne de plusieurs machines. Pendant des mois, plusieurs échanges ont eu lieu pour recevoir des échantillons des produits sud-africains, pour être testés et trouver la solution technique idéale. J’ai été convoqué plusieurs fois à la douane de l’aéroport international de Turin, parce qu’ils ne comprenaient pas ce qu’étaient ces poudres qui m’arrivaient régulièrement d’Afrique du Sud. Dans le doute, et avant l’énième analyse en laboratoire de la douane pour être certain qu’il ne s’agissait pas des substances interdites, je devais à chaque fois fournir des explications sous serment que ces poudres n’étaient pas de la drogue. Jusqu’au jour où tout avait été validé sur le plan technique. Et pour signer le contrat final, je devais me rendre en Afrique du Sud. La première douche froide m’arrive du consulat à Milan qui, à cause de mon passeport camerounais, a exigé de moi de faire un virement d’une somme importante au compte bancaire du consulat d’Afrique du Sud. Cette somme me serait restituée après mon retour pour être certain que je n’y resterais pas définitivement. Ma déception venait du fait que j’avais vite changé mon passeport, pour prendre un autre où il n’était plus écrit que je ne pourrai me rendre en Afrique du Sud, pour respecter le boycott que les pays africains avaient mis en place. L’Italien qui n’avait pas boycotté l’apartheid pouvait aller en Afrique du Sud sans visa, pas moi le Camerounais qui avait participé au boycott.
Qu’importe, j’allais signer l’un des plus gros contrats de ma vie. Pour les 12 heures de vol de Turin à Johannesburg via Paris, j’avais pris mon premier ticket Première classe. Grâce à mes fréquents voyages mes miles me permettaient de monter en classe. Mais c’était la première fois que je payais de ma poche une place en première pour une si longue distance. Arrivé à Johannesburg, un dimanche, comme convenu, l’hôtel a envoyé sa navette me chercher. Lundi matin, très content, j’informe par téléphone ma cliente (qui veut m’envoyer un chauffeur) que jer suis bien arrivé en terre sud-africaine et que j’ai déjà loué une voiture avec chauffeur pour mon séjour et que j’arriverais d’un moment à l’autre à l’usine. Après environ 45 minutes de trajet, avec le chauffeur, nous entrons dans la zone industrielle de Johannesburg. Et à l’entrée de l’usine point de destination, il y a un vigile qui nous demande quelle personne nous allons voir. Je communique le nom. Le vigile prend son téléphone et parle avec la personne en langue boers. La discussion s’éternise. Plusieurs personnes se succèdent de l’autre coté du téléphone pour demander des explications au vigile. Pour eux, ils attendaient quelqu’un en provenance d’Italie et de surcroit, un certain Docteur Jean-Paul Pougala qui ne pouvait pas être moi, ou tout au moins, pour eux ne pouvait pas être un Noir. Après d’énièmes détails à mes différents interlocuteurs, mon chauffeur d’ethnie Zulu, m’a dit tout bas : “Le vigile est en train de leur dire que tu es vraiment noir comme du goudron”. Et que c’est ça le problème. Le vigile répétait pour une énième fois à l’énième interlocuteur de l’autre coté du téléphone que le Pougala qu’il avait devant lui n’était ni français, ni belge, ni suisse, mais tout simplement noir comme du goudron. Et après une heure de temps de ce cirque monstrueux, la sentence est tombée : j’étais déclaré personae non grata (personne non désirée) à l’intérieur de la concession du terrain de l’entreprise et j’ai été prié de faire demi-tour à l’hôtel et demi-tour en Italie, sans aucune autre explication… Nous nous trouvions dans la nation dite Arc-en-ciel où subitement les Blancs et les Noirs étaient devenus des amis, mais je n’avais pas la bonne couleur de peau pour me trouver là, pour parler d’économie, pour parler d’industrie, pour toucher au gâteau de l’eldorado sud-africain. Mon voyage retour a été sans aucun doute le plus long voyage de ma vie. Que de questions restées vaines je me suis posées.
Auparavant, lorsque j’étais étudiant, j’ai été passé à tabac par des jeunes Italiens aux cris de : “singe rentre dans ta forêt”. Malgré des blessures profondes sur tout le corps la police de Perugia a refusé de prendre ma plainte classant mon cas comme celui d’un simple alcoolique et l’hôpital de Perugia a refusé de m’hospitaliser, sous prétexte que mon statut d’étudiant africain me donnait une couverture médicale valable uniquement pour transporter mon cadavre jusqu’à mon pays d’origine. Je n’ai pas eu d’autre choix que celui de rentrer chez moi et attendre tranquillement que la douleur fasse son effet et s’estompe d’elle-même.
En 4ème année d’université, mon professeur de Politique Economique lors d’un oral d’examen, à une question à laquelle j’avais du mal à répondre, m’a signifié devant tous les camarades italiens que j’étais le plus idiot des étudiants qu’il ait jamais connu durant toute sa longue carrière de professeur universitaire, parce que selon lui, les Africains avaient un melon à la place du cerveau. Blessé par tant de méprise et de déconsidération, je n’ai pu contenir mes larmes.
Dans le vol Air France qui m’a transporté de Johannesburg pour Paris, personne ne m’avait insulté, personne ne m’avait donné de coup, mais la douleur que je ressentais au plus profond de moi était 10 fois plus atroce que celle infligée par les militants italiens d’extrême droite ou les insultes de mon professeur italien. Cette douleur était encore plus insupportable à cause de la grande hypocrisie qui entourait la libération de Nelson Mandela et où subitement tous les racistes d’avant semblaient soudainement avoir découvert les vertus du vivre ensemble. Le plus crédule à cette fable avait été Nelson Mandela lui-même. Ce qu’il n’avait pas compris, c’est que les racistes d’hier avaient accepté de jouer le jeu tant que cela ne leur enlevait rien et surtout, tant qu’ils avaient la certitude que les Noirs n’approcheraient pas leur domaine réservé, l’économie, tant qu’ils ne revendiqueraient pas leur part du gâteau de la richesse sud-africaine.
C’est le porte-monnaie qui est le seul endroit où se joue la cohésion d’une nation, même celle Arc-en-ciel. Tant qu’il y aura la majorité des populations exclues du partage des richesses d’Afrique du Sud, on n’a pas besoin d’être un économiste ou un magicien pour prévoir que tôt ou tard, cela va s’écrouler. Les stades vides de Soweto et d’Orlando, les huées contre le président Zuma lors de la cérémonie officielle pour les funérailles de Mandela prouvent que le peuple est désabusé et se rend compte qu’il été floué par des politiciens à la solde du système dominant, et qu’en définitive la prétendue démocratie n’a servi qu’à valider des noms que ce système avait déjà soigneusement choisis dans son modèle de casting qui ne cherche pas la compétence, mais la naïveté et le degré de soumission des candidats.
QUELLES LECONS POUR L’AFRIQUE ?
Il me plait de conclure comme nous avons démarré, avec mon héros.
Au “Jardin du Souvenir” le cimetière où est enterré Bantu Stephen Biko à King William’s Town, il est inscrit cette phrase signée de Biko lui-même:
“Il vaut mieux mourir pour une idée qui survivra, plutôt que de vivre pour une idée qui finira par mourir.” Biko est mort pour une idée de justice sociale, de partage de ressources et d’harmonie sociale comme gage de paix à long terme, et tôt ou tard, si l’Afrique du Sud veut la paix, la vraie et non cette bombe à retardement appelée injustice sociale, elle est obligée de la mettre en application. Mandela au contraire a vécu sur une idée qui finira par mourir : le mensonge au peuple, la discrimination économique de ce dernier et la marginalisation sociale de la quasi- totalité de son peuple, dans un système dominant toujours sournoisement oppressif, avec les chaines de l’esclavage bien vissées autour des pieds et des mains des populations africaines d’Afrique du Sud, et qui a fait de lui, Mandela, son porte-drapeau.