Éric Joël Békalé, est un écrivain gabonais, auteur d’une vingtaine de publications. Prix spécial du Jury des 4ème Jeux de la Francophonie à Ottawa-Hull (Canada) en 2001, il est actuellement le Président de l’Union des Ecrivains Gabonais (UDEG) et cela depuis 2012. Il commence son deuxième et dernier mandat de trois (03) ans. Dans cette interview il nous parle de l’UDEG et de littérature.
Aujourd’hui vous êtes à la tête de l’Union des Écrivains du Gabon. Quels sont les sentiments qui vous animent au moment où vous conduisez la destinée de cette Union ?
Je suis heureux que mes confrères aient, à nouveau, voulu me faire confiance. Cela signifie que le mandat écoulé a été satisfaisant. Mais, pas entièrement suffisant, selon moi. La nouvelle équipe et moi allons devoir redoubler d’effort pour mieux faire connaitre la littérature gabonaise aussi bien au pays qu’à l’étranger.
Nous allons continuer à animer les café-littéraires dans les établissements scolaires de Libreville et de l’intérieur du pays. C’est un exercice très important. Il nous permet d’aller vers le lectorat, mettre les livres à leur portée et, le plus important, lui faire rencontrer les écrivains eux-mêmes. Mais, au-delà, il est question de rendre notre littérature visible aux endroits où on parle des livres. C’est aussi important. Nous allons nous évertuer, en espérant en avoir les moyens, à être présents dans les Salons du Livre d’Europe et d’Afrique. De même, je souhaite développer des collaborations avec les autres Associations d’écrivains d’Afrique et mettre en contact les maisons d’éditions du continents afin d’échanger et de monter des projets communs. Autre chose, et c’est un véritable défi, faire en sorte que l’écrivain, comme dans les années soixante (60), retrouve toute sa place dans le débat politique et social. Son absence et son silence sont assourdissants. En tant que témoin de l’histoire, passeur d’idées et de pensées, son avis devrait être sollicité et même écouté.
Une chose est d’avoir des projets et une autre est de les réaliser. Quels sont vos atouts pour réussir votre mandat ?
C’est vrai qu’il faut des moyens pour pouvoir atteindre tous nos objectifs. Nous allons les chercher où ils se trouvent, en commençant par le Ministère de la Culture. Ce n’est pas gagné, mais nous allons nous y mettre. Toutefois, je suis convaincu que la première richesse est l’homme, c’est-à-dire les écrivains eux-mêmes. Si nous sommes déterminés et solidaires, rien ne nous résistera. C’est ainsi que nous avons passé le mandat passé, en comptant d’abord sur nous-mêmes, et cela nous a réussi. Maintenant, il s’agit d’aller plus loin dans l’ambition.
Dans la plupart des pays africains, l’on se plaint du peu d’engouement du gouvernement envers le livre. Quelle est la situation dans votre pays ?
Je crois qu’il en est de même au Gabon. Ce n’est que très timidement que le Ministère de la Culture nous soutient. Nous ne pouvons pas organiser d’es évènements d’envergure à cause de cela. Mais, nous tenons et avons bon espoir. Ce que je dis à ceux qui nous gouvernent, c’est qu’il ne faut pas qu’ils oublient que le livre est le creuset des connaissances et des savoirs… C’est grâce aux livres et à ceux qui écrivent que nous avons pu faire des études. Il n’existe pas de cycle scolaire ou de formation professionnelle qui n’appuie pas ses enseignements sur des livres. Ce qui signifie que nous sommes ce que nous sommes aujourd’hui grâce à ces livres que nous avons lu tout le long de notre formation et encore aujourd’hui. C’est ce même livre qui, dans cinquante ans, cent ans, voire plus, qui témoignera de notre passage sur terre, de notre existence et de notre histoire… Les gouvernements africains ont tout intérêt à soutenir l’action des écrivains.
Pouvez-vous nous parler de la condition actuelle de l’écrivain au Gabon ?
Oui. Il n’existe pas au Gabon d’écrivain qui vive de son activité d’écriture. En dehors de ceux dont les œuvres sont retenues au Programme scolaire, et encore, personne ne gagne sa vie avec les livres. Ce qui fait que tous les écrivains sont fonctionnaires ou agents des Sociétés privées. Nous sommes actuellement en train de mettre sur pied le Bureau Gabonais des Droits d’Auteurs (BUGADA). Nous espérons que le travail de cette structure va nous sortir de notre pauvreté.
Qu’en est-il des maisons d’éditions ?
C’est ce que nous réussissons le mieux actuellement. Il y a quinze ans, nous ne comptions que deux (02) maisons d’éditions qui étaient, elles-mêmes, nouvelles à cette époque. Aujourd’hui, on en compte plus d’une dizaine. C’est un saut quantitatif et qualitatif impressionnant. Ces maisons ont permis l’arrivée de nombreux nouveaux écrivains, plus particulièrement des jeunes et des anciens qui, jusque-là, ne savaient pas comment publier leurs tapuscrits. On peut donc mentionner ici celles que j’estime les plus performantes : Ntsame, Odem, Raponda Walker et Amaya. D’ailleurs, elles gagneraient à développer des coéditions avec d’autres maisons africaines pour mieux se faire connaitre et, ainsi, créer un réseau de distribution et de diffusion des livres.
Quelle est actuellement la place du Gabon dans la littérature africaine ?
Pour dire vrai, sa place est encore marginale. Nous sommes à la recherche de grands noms qui porteraient, vers le haut, les autres écrivains. Rappelons-nous que la première œuvre publiée de la littérature gabonaise date de 1971. « Histoire d’un enfant trouvé » de Robert Zotoumba. Notre histoire est donc assez récente. Cependant, nous avons fait du chemin et rattrapé un peu de notre retard. Quelques noms commencent à se dégager du lot. Sans hiérarchiser, je site pèle mêle : Bessora, Eric Joël Békalé, Justine Mintsa, Jean DivassaNyama, Janis Otsiémi, Sylvie Ntsame et Nadia Origo. Des noms qui font déjà parler d’eux à l’international. Sans hésiter, je dirai que nous sommes une littérature en pleine émergence.
Quels rapports les médias nationaux entretiennent avec votre Union ?
Les médias nationaux sont à nos côtés. Ils soutiennent nos activités. Chaque fois que nous avons besoin d’eux, ils sont là : télévisions, radios, presses écrites et en ligne. Nous ne serions pas efficaces sans eux. Ils contribuent beaucoup à notre visibilité. C’est peut-être l’occasion de leur dire merci.
Avez-vous un message à lancer d’abord aux écrivains du Gabon, d’Afrique et aux gouvernants ?
Naturellement… Aux écrivains d’abord, je dirai qu’il nous faut continuer à écrire et à bien écrire… Que le découragement ne nous soumette pas à son joug. Il nous faut développer entre nous plus de synergie et de solidarité. Isolés nous sommes faibles, ENSEMBLE, NOUS SOMMES PLUS FORTS. Pour ce faire, la mise en place d’un réseau des écrivains, des associations d’écrivains et des maisons d’édition, est très important… Dialoguons et échangeons nos expériences… A ceux qui nous gouvernent, le message est tout aussi clair. Qu’ils mettent à la disposition des écrivains les moyens de leur épanouissement pour le bien des jeunes et des peuples. Ils doivent subventionner les associations car elles mènent des activités d’utilité publique. Aider à l’édition en soutenant financièrement les maisons. Ce qui ferait en sorte que les livres coûtent moins chers. En fait, les gouvernements doivent mettre en place de vraies politiques publiques du livre. Il y a aussi la grosse question des bibliothèques publiques. L’Etat doit construire des bibliothèques partout où il y a des hommes qui veulent lire. Bref, y a du travail !
Interview réalisée par Macaire ETTY