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Fatou Bensouda n’était pas hier à l’audience publique convoquée dans le cadre d’une conférence de mise en état. Peut-être la procureure de la cour pénale internationale manquait-elle aussi d’arguments suffisamment solides dans l’affaire qui l’oppose à Charles Blé Goudé. Comme on l’a vu, dès l’entame de l’audience, avec son substitut. Au cours de cette conférence qui avait pour objet de permettre à Mme Silvia Fernandez de Gurmendi d’obtenir les arguments des parties afin que les décisions qui pourraient être prises permettent une communication des éléments de preuve sans problème, Éric Mc Donald a éprouvé toutes les difficultés du monde à répondre avec concision à ses préoccupations. La juge unique de la chambre préliminaire 1 de la cour voulait savoir dans quelle mesure l’accusation a l’intention de s’appuyer sur les éléments de preuve communiqués précédemment dans l’affaire le procureur contre Laurent Gbagbo. Elle demandait également au substitut du procureur de la CPI de lui parler de l’état d’avancement et de la durée prévue du processus de communication de ses éléments de preuve. Mme Silvia Fernandez de Gurmendi cherchait aussi savoir dans quelle mesure le bureau de Bensouda a l’intention de s’appuyer sur d’autres éléments de preuve dont il dispose actuellement et qui n’ont pas été précédemment communiqués dans l’affaire le procureur contre Laurent Gbagbo. la juge argentine voulait par ailleurs connaître si celui-ci a l’intention de poursuivre ses enquêtes avant l’audience de confirmation des charges. Et le cas échéant, quand il sera en mesure de communiquer ces éléments de preuve qui viendraient de cette enquête.
BLE GOUDE N’A AUCUNE INTENTION DE MOISIR EN PRISON
Mais les réponses de l’accusation à cette série de questions ne couleront pas aussi facilement. Mc Donald fera tout de suite remarquer que la communication des éléments de preuve a commencé depuis le 25 avril par le dépôt de documents publics (des documents de sources ouvertes et qui ne sont pas considérés classés confidentiels). « Nous n’avons pas communiqué certains documents qui étaient publics et qui avaient trait aux déclarations de témoins. Le but était de fournir à la défense ou de collecter plutôt ce que nous avons pu communiquer à la défense sans pour autant que soit adopté le protocole sur la gestion des documents confidentiels», précise-t-il au préalable. Avant de préciser que dès que ce protocole va être adopté, il va communiquer les éléments de preuve. Mais il y a un hic, ajoute-t-il : « Je suppose que c’est la programmation et l’échéancier qui vous intéresse. Il y a 4.800 documents qui sont soit des documents à charge ou des documents article 77 ou des documents qui sont potentiellement à décharge qui doivent être communiqués. Cela représente un volume de travail important de documents », lance-t-il. Et puis on sentira, dans sa réponse à la deuxième préoccupation de la juge unique de la chambre préliminaire 1, que le transfèrement de Charles Blé Goudé n’était pas attendu. « Lorsque, bien entendu, le transfèrement de m. Blé Goudé a eu lieu, c’est un peu comme un cheveu qui est tombé sur la soupe. Nous étions en train de nous occuper de l’affaire Gbagbo et maintenant nous devons déployer des efforts pour respecter la date butoir par rapport à Blé Goudé. Nous avons consulté notre base des données afin de voir s’il y a des documents qui seraient peut-être plus intéressants pour nous… donc pour le moment nous sommes en train de nous livrer à ces analyses », indiquera-t-il avant d’ajouter qu’il souhaite pouvoir communiquer les éléments de preuve à la cour le vendredi 6 juin prochain. Parce que, dira-t-il, les ressources de la CPI sont limitées et que des enquêtes sont aujourd’hui en cours concernant la même affaire. La réplique de la défense ne se fait pas attendre. Me Nicolas Kaufman, l’avocat principal de Charles Blé Goudé n’y va avec le dos de la cuillère pour tourner son adversaire en dérision. « En ce qui nous concerne, le 6 juin, c’est vraiment le maximum. Nous pensons que la communication devrait se faire avant le 6 juin. Nous voyons bien qu’il a beaucoup d’informations à communiquer et nous comprenons les réticences de M. Mc Donald suite à ce manque de ressources. la défense aussi n’a pas de ressources», lance-t-il tout en invitant la chambre préliminaire 1 de la CPI à ne pas suivre le procureur. A l’en croire, c’est justement parce que le représentant de Fatou Bensouda n’a aucune date à laquelle il compte communiquer ses éléments de preuve qu’il tergiverse.
UN ACCORD SUR LES EXPURGATIONS
« Étant donné que l’affaire Gbagbo est tellement lente, l’a accusation a quand même eu 2 ans et demi en plus pour faire ses enquêtes en ce qui concerne Blé Goudé qui d’après madame le procureur, est d’ailleurs la même affaire que l’affaire Gbagbo à part certains petits détails subalternes. M. Blé Goudé n’a aucune intention de moisir dans la prison de Scheveningen pendant 2 ans et demi. Il veut que la vérité se manifeste immédiatement. Il veut résolument être blanchi. Si madame le procureur ne trouve pas d’éléments à charge contre M. Charles Blé Goudé, c’est que ça n’existe pas. C’est tout », tranche me Kaufmann. Il affirmera, la main sur le cœur, que les éléments de preuve dont Fatou Bensouda dit qu’ils sont à charge prouvés par son équipe comme étant sans fondement. « Nous demandons à madame le juge unique d’éliminer tous les éléments de preuve qui pourront venir de nouvelles enquêtes faites par l’accusation à l’heure actuelle », assène-t-il.
La juge unique Silvia Fernandez de Gurmendi a par la suite demandé aux parties si elles ont l’intention de citer des témoins lors de la confirmation des charges. « L’accusation n’a pas l’intention de faire citer des témoins. Ça c’est sûr », répond le procureur Mc Donald. Il ajoute toutefois que le témoignage d’un expert pourrait être utile le cas échéant. « Étant donné que la défense jusqu’à présent n’a pas eu de communication utile, mais que des milliers de documents de pleines sources, je ne sais pas vraiment vous répondre sur ce point. Et bien sûr lorsque nous serons en mesure, nous le ferons », réplique l’avocat Nicholas Kaufmann.
Des accords ont été néanmoins conclus entre les parties concernant notamment des expurgations qui pourraient être faites lors de la communication des éléments de preuve en vue de satisfaire la date butoir du 17 juillet prochain pour le dépôt du dcc et éventuellement pour avoir une date pour la confirmation des charges selon Mc Donald. L’accusation et la défense ont convenu de suivre le régime actuel en ce qui concerne les expurgations portant sur les éléments éventuellement à charge. Toutefois, l’accusation a évoqué des cas d’obstacles devant elle malgré ses bonnes intentions, à en croire le représentant de Mme Bensouda. Des obstacles ou des incertitudes qui obligent parfois l’accusation à demander à la chambre une prolongation. « Nous avons un document que nous avons rédigé en ce qui concerne les éléments de l’article 77 et de la règle 67, la défense consent à la procédure qui se trouve dans la ICC 0211011130 paragraphe 48 à 51 de l’affaire Gbagbo », a complété me Kaufmann. Ajoutant par ailleurs que si aucun arrangement n’est trouvé entre les parties, la chambre sera saisie de ce point.
La conférence de mise en état qui a été convoquée par la juge unique Silvia Fernandez de Gurmendi fait suite à sa décision du 14 avril dernier portant création d’un système relatif à la communication des éléments de preuve. il s’agissait du dépôt n° 65 dans le dossier concernant le procureur contre Charles Blé Goudé.
L’ex-ministre de la Jeunesse du dernier gouvernement du président Laurent Gbagbo était présent à cette deuxième audience publique depuis son transfèrement à la Haye dans la nuit du 21 au 22 mars 2014.
Robert KRASSAULT
ciurbaine@yahoo.fr
Notre Voie n° 4705 du vendredi 2 mai 2014