L’actualité de ces dernières semaines sur notre continent a surtout été marquée par des histoires d’immigration. Il y a eu les pogroms contre les émigrés en Afrique du sud, et les centaines, voire milliers de personnes qui ont disparu dans la Méditerranée, dans l’indifférence de la plupart des Etats africains. Sans doute que pour certains de nos chefs, l’important est que leurs chômeurs et laissés pour compte s’en aillent, peu importe où. S’ils atteignent l’Europe ou d’autres continents d’où ils peuvent envoyer de l’argent à leurs familles, c’est tant mieux. S’ils n’y arrivent pas, l’important est qu’ils ne reviennent pas gonfler les rangs des malheureux qui sont restés au pays, tous potentiels opposants et marcheurs pour exiger des fins de règne. Alors, on ne va pas verser une larme si leur odyssée s’achève au fond de la Méditerranée. L’Europe qui est plus concernée que nos Etats s’est réunie de toute urgence, mais n’a pu proposer de solution à ce qui est en train de devenir un sérieux problème pour elle. Au-delà de la détresse humaine et des drames qu’il faut à tout prix chercher à éviter, il y a la question de la présence massive de ces immigrés dans des Etats qui, pour une bonne part, sont en pleine crises économiques et sociales. Les crises économiques ne font pas bon ménage avec l’arrivée d’immigrants. Et ce qu’il faut craindre, à savoir une montée de la xénophobie est en train d’arriver, si elle n’est pas déjà installée. Le journal britannique The Sun, a publié une chronique signée d’une certaine Katie Hopkins qui traite les migrants de « sauvages », de « cafards », avant d’affirmer que ce qu’il leur faut, « ce sont des navires de guerre pour renvoyer ces embarcations dans leur pays. » Il serait peut- être bon de rappeler à cette dame qu’il y a quelques siècles, c’étaient les Européens qui fuyaient leur continent par milliers, pour aller s’installer en Amérique, en Afrique australe, en Australie, en Nouvelle-Zélande… Ils fuyaient leurs pays qui étaient dévastés par des famines, des guerres, l’intolérance religieuse, les crises économiques. Comme exactement la plupart des pays que les Africains qui disparaissent dans la Méditerranée fuient aujourd’hui. Et l’on peut imaginer que si aujourd’hui autant de bateaux modernes disparaissent dans la Méditerranée, il a dû y avoir encore plus de bateaux de l’époque qui ont disparu dans les vastes mers que les Européens ont dû parcourir pour trouver leurs « terres promises. » La différence est qu’aujourd’hui l’information circule encore plus vite que les véhicules les plus rapides. On me rétorquera sans doute que c’est de l’histoire ancienne. Mais l’histoire se répète bien souvent. Et seuls ceux qui ne veulent pas voir ignorent les milliers de Portugais qui fuient en ce moment leurs pays pour aller s’installer en Angola, au Mozambique, ces milliers d’Espagnols qui vont s’installer au Maroc, pas à cause des climats ou de l’exotisme de ces pays, mais pour essayer d’y trouver une vie meilleure que ce que leur offrent leurs pays. J’ai cité les destinations africaines, mais, comme il y a quelques siècles, les européens sont à nouveau en train de fuir leur continent pour aller partout où ils peuvent trouver une vie meilleure. Et ce n’est pas anodin que des milliers de jeunes gens de ce continent choisissent comme destination la Syrie et l’Irak, pour rejoindre les rangs de l’organisation appelée Etat Islamique, dont la principale activité consiste à tuer de la manière la plus horrible possible tous ceux qui ne pensent pas comme elle. Lorsqu’une jeunesse choisit une telle voie, c’est que la société dans laquelle elle vit est malade.
A nos « frères » sud-africains je voudrais dire que je comprends que lorsqu’un pays est en crise, il cherche toujours des boucs-émissaires, et généralement, ce sont les étrangers qui sont choisis, à leur corps défendant, pour jouer ce rôle. La fin de l’apartheid en Afrique du sud n’a pas changé grand’chose à la situation de la majorité des Noirs de ce pays. Et ses dirigeants trouvent plus facile d’orienter les frustrations de leurs concitoyens contre les étrangers plutôt que de les soulager. Mais qu’ils sachent, ces dirigeants actuels, qu’ils ne sont pas les auteurs de la relative prospérité de leur pays, et qu’au contraire, sous leur direction, nous voyons l’Afrique du sud péricliter et tomber dans tous les travers qui ont fait la ruine de bon nombre de pays africains, à savoir corruption, favoritisme, impéritie, incompétence, populisme. A ce rythme, dans peu d’années, ce sont les Sud-africains qui iront chercher leur bonheur dans d’autres pays africains, qui eux, se sont guéris ou sont en train de se guérir des travers cités plus haut.
La romancière sénégalaise Fatou Diome avait lancé aux Européens, lors d’un débat télévisé en France, que nous devions tous (Africains et Européens) trouver ensemble des solutions à cette émigration des Africains, ou périr ensemble. Parce que tout est aujourd’hui imbriqué. Je dirais la même chose à nos «frères » sud-africains. Chasser les étrangers africains ne règlera aucun des problèmes structurels de l’Afrique du sud. Mais ce pays est en Afrique, et toute l’Afrique réglera ses problèmes ensemble, ou périra ensemble.
Venance Konan
Source: Facebook