(RFI) – En Côte d’Ivoire, Henri Konan Bédié est devant un dilemme : présenter ou non un candidat face à son allié, le président Alassane Ouattara, lors de la présidentielle de 2015. Ce dilemme, le patron du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) doit le résoudre d’ici le mois d’octobre, date du prochain congrès de son parti. Mais de quel côté penche-t-il secrètement ? Quel est le fond de sa pensée ? De passage à Paris, l’ancien président de la République ivoirienne répond aux questions de RFI.
[media url=”http://www.youtube.com/watch?v=6c3a30ZQEnQ” width=”600″ height=”400″ jwplayer=”controlbar=bottom”]RFI : Votre parti, le PDCI, prépare son douzième congrès, qui est prévu en octobre prochain. La contestation monte. Le président des jeunes KKB vous soupçonne publiquement de ne pas vouloir respecter les règles et de vouloir rester à la présidence du parti.
Henri Konan Bédié : Je ne réponds jamais aux invectives de personne, comme celle que vous venez de citer. Ces jugements sont excessifs.
Selon un certain nombre de camarades de votre parti, le règlement interne du PDCI limite à 75 ans, l’âge pour être candidat à la présidence. Or, vous en avez 79.
Oui. Il s’agit là de dispositions qui ont été prises à l’époque. Mais l’âge de 75 ans a été aboli au niveau de l’Etat de l’action présidentielle à Marcoussis. Et pour le prochain congrès, il s’agit pour le parti de faire comme au niveau de l’élection présidentielle. C’est à dire qu’il n’y a pas de limite d’âge pour la vie politique.
Ce qui veut dire que vous serez candidat à votre succession ?
Si le congrès me le demande, je serai toujours au service du pays.
Est-ce qu’à l’issue de ce congrès, si vous êtes réélu, est-ce que vous serez le seul patron du parti ou est-ce que vous allez élargir l’élection à une structure collégiale, une sorte de directoire ?
Un directoire, c’est possible. Un secrétariat général ou une autre direction, tout ça c’est possible. C’est le congrès qui décidera.
Alors vous parlez du secrétaire général du parti. Actuellement, c’est Alphonse Djédjé Mady. Est-ce que vous pensez que ce serait bien qu’il reste à ce poste après le congrès ou pas ?
C’est le congrès qui appréciera.
Les relations sont tendues entre Alphonse Djédjé Mady et vous depuis plusieurs mois. Est-ce que du coup il ne risque pas de perdre son poste de secrétaire général ?
Il n’y a pas de véritable relation tendue, car c’est le bureau politique qui organise le congrès. Et pour les hommes qui viendront à la tête du parti, c’est le congrès qui en décidera.
L’autre grande question pour ce congrès d’octobre prochain, c’est la présidentielle de 2015. Pour le RDR, le président Alassane Ouattara a déjà annoncé qu’il serait candidat. Pour le PDCI, qu’est-ce qui va se passer ?
Ce qui va se passer c’est ce que décidera le congrès. Le congrès doit juger de l’opportunité d’avoir un candidat en 2015 ou non.
Quel est votre point de vue là-dessus ?
Mon point de vue ne compte pas.
Ah si ! Monsieur le président, c’est important votre point de vue !
En démocratie, les points de vue personnels sont sujets à caution.
Selon le KKB, on ne peut pas imaginer que le PDCI, qui a conduit la Côte d’Ivoire à l’indépendance, n’ait pas de candidat à cette élection.
La politique c’est l’art de l’impossible. Ce qu’on ne peut pas imaginer peut être la réalité.
Pourquoi hésitez-vous sur cette question ? Est-ce parce que le président Ouattara vous a demandé de ne pas présenter un candidat PDCI face à lui-même ?
Absolument pas ! Mais c’est simplement qu’un processus doit s’accomplir !
Mais qu’est-ce qui vous retient ? Le PDCI a toujours présenté un candidat aux élections présidentielles depuis l’indépendance ! Qu’est-ce qui vous retient de le faire la prochain fois ?
Je n’ai pas dit que le PDCI ne présentera pas. J’ai dit tout simplement, que le parti avisera, selon la décision du congrès.
Est-ce qu’il y a un pacte de fidélité entre le président Ouattara et vous-même ? Pas de candidat PDCI face au candidat sortant du RHDP, Alassane Ouattara ?
Ce qui a lieu c’est bien l’alliance entre le RHDP et le parti qui le compose.
Mais est-ce que vous n’êtes pas déchiré entre ce pacte de fidélité au RHDP et votre attachement viscéral au PDCI ?
Mais il n’est pas, pour le moment, question de dissoudre le PDCI !
Mais vous savez très bien que beaucoup dans votre parti, disent : s’il n’y a pas de candidat PDCI en 2015, c’est la mort du parti !
Il serait difficile que le PDCI disparaisse parce que c’est un parti implanté, fortement structuré. C’est le plus vieux parti de la Côte d’Ivoire ! Aux dernières élections il a engrangé de nombreux succès, aussi bien aux législatives, qu’aux municipales et aux régionales !
Sur cette question ; candidature ou pas en 2015, est-ce que votre choix personnel est déjà fait ?
Je crois que je me fierai plutôt à la décision du congrès.
C’est-à-dire que votre choix n’est pas encore fait ?
Cela signifie que le choix n’est pas encore fait. Je prendrai acte à la décision du congrès.
Depuis deux ans, beaucoup dénoncent des nominations à caractère ethnique dans l’administration et à la tête des sociétés d’Etat de Côte d’Ivoire. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Je crois que tous les partis politiques qui ont été au pouvoir, ont pris des décisions qui ont toujours été qualifiées d’ethniques ou de tribalistes.
Mais qu’est-ce que vous en pensez vous-même ?
Je ne pense pas que ce soit toujours vrai. Nous avons toujours, bien sûr, des frictions sur des nominations. Nous avons des réglages à opérer chaque fois, mais je ne dis pas que globalement, l’action du gouvernement actuel soit le fruit d’un tribalisme ou bien d’un ethnicisme caractérisé.
La semaine dernière le ministre Jean-Louis Billon a dénoncé les conditions non transparentes dans lesquelles le deuxième terminal du port d’Abidjan a été attribué au groupe Bolloré. Est-ce que vous êtes d’accord avec lui ?
Nous avons des ministres PDCI au gouvernement, personne ne m’a signalé quelque irrégularité que ce soit.
Donc, a priori, vous pensez que Jean-Louis Billon a eu tort ?
Tort ou pas tort, je dis tout simplement que je ne connais pas le dossier en détail. Mais je fais confiance au gouvernement auquel appartiennent les ministres du PDCI, un gouvernement dirigé d’ailleurs, par un Premier ministre PDCI.
Par Christophe Boisbouvier