Au terme de sa visite de 72 heures à Gagnoa à l’invitation des Chefs Traditionnels, le Président de l’Assemblée Nationale Guillaume Kigbafori SORO a échangé avec les nombreux journalistes de la Presse Nationale et Internationale venus couvrir l’événement. Cet échange a eu lieu au cours d’une conférence de presse au sein de la Préfecture de Gagnoa. Nous vous proposons l’intégralité de ladite conférence.

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Propos liminaires du Président Guillaume SORO

(…) Mesdames et Messieurs les journalistes, je peux dire aujourd’hui que je suis satisfait de ma visite de 72 heures dans la Région du Goh. J’ai eu à sillonner plusieurs chefs-lieux de sous-préfecture et plusieurs villages notamment Gnaliepa, Mama, Abougrou, Guiberoua, Kpokrogbo, Takoua, Tchedjelet, Ouragahio et aujourd’hui, nous avons achevé notre tournée par un meeting ici à Gagnoa.

Partout où nous sommes passés, je dois le dire, j’ai été particulièrement satisfait de la mobilisation et de la disposition des populations. Le constat que j’ai pu réaliser, c’est que cette région a besoin de développement, le constat que j’ai pu noter, c’est que les populations m’ont l’air désabusées. Leurs préoccupations sont moins les questions politiciennes que de se préoccuper de leur quotidien. Je suis allé à Gnaliépa, nous avons même fait hospitaliser certains personnes à Abidjan, nous avons envoyé certaines personnes se soigner à Abidjan parce qu’elles ne se sentaient pas bien.

Partout où je suis passé, les populations m’ont demandé des ambulances, de l’argent pour financer leur coopératives. Monsieur le Préfet, j’ai l’impression que d’Abidjan, les gens sont coupés des réalités de nos villages parce que je me suis rendu compte que les populations, leurs préoccupations ne sont pas tel ou tel sujet politique d’Abidjan. Les populations m’ont évoqué leurs problèmes ce sont par exemple des ambulances, des châteaux d’eaux qui ne marchent pas à Kpokrogbo où nous avons remis 4 millions pour changer de moteur. À Takoa par exemple dans le village de Noël DOURE, c’est le château d’eau que nous avons ouvert pour leur donner de l’eau. À Gnaliepa, c’est l’école primaire et des logements pour instituteurs.

J’ai touché du doigt, la réalité de ces populations. C’est pourquoi je pense qu’au terme de ma visite, je rendrai compte au Président de la République et je serai de ceux qui militerons pour que le Chef de l’Etat puisse se rendre dans la région du Goh et à Gagnoa pour effectuer une visite d’état pour apporter une bouffée d’oxygène en matière de développement économique et social dans cette région. Voilà mesdames et messieurs les journalistes, les propos liminaires que je tenais à vous livrer.

Série de questions et réponses…

Question : Trouvez-vous le bilan de votre visite satisfaisant ?

Guillaume SORO : Je suis personnellement satisfait et ce n’est pas du triomphalisme pour la simple raison qu’en venant ici, que n’a-t-on pas écrit, que n’a-ton pas véhiculé dans l’opinion. Je pense même que si les chaînes internationales sont venues à Gagnoa, c’est parce que pour elle, il y avait un vrai enjeu. Les gens ont voulu faire croire que Gagnoa et le peuple bété singulièrement étaient captifs d’un parti politique or, notre constitution interdit la création de parti politique à caractère régional. Nous sommes en démocratie, il n’y a pas comme je l’ai dit, de principauté en Côte d’Ivoire. Nous pouvons circuler sur l’ensemble du territoire librement, c’est ce que j’ai fait et ma tournée s’est bien déroulée. J’ai même été surpris des écrits de certains journaux qui ont prétendu que j’ai été chassé et hué à Mama. La presse internationale est là, elle peut témoigner. Je ne dis pas qu’à Mama, tous les citoyens étaient contents de me voir ou contents de ma visite là-bas mais je dis que je n’ai jamais été hué. Je me suis promené, je me suis même payé le luxe de marcher dans les rues et d’aller saluer des familles qui étaient endeuillées. Le minimum qu’on puisse attendre d’une presse, c’est de relater les faits. Et les commentaires et les analyses sont autres choses. Je suis donc satisfait. Je suis même allé à Bougrou, et là, c’était très important car c’est un militant du FPI qui a organisé mon arrivée et mon accueil, il était le Directeur du Protocole d’Etat,  M. Allou Eugène.

Question : Allez-vous poursuivre vos tournées de Réconciliation dans le pays ?

Guillaume SORO : La Côte d’Ivoire et les ivoiriens ont besoin d’entendre le langage du pardon, toutes les régions ont besoins d’entendre le langage du pardon, le langage de la vérité. Ce n’est pas par Gagnoa que j’ai commencé mes tournées, mes tournées ont commencé par Dabou, après je suis allé dans le Sanwi, dans l’Indenié et dans d’autres régions. Aujourd’hui c’est vrai que Gagnoa, j’ai du modifier mon programme pour venir mais je continuerai après les régions d’Agboville, d’Adzopé. Ce matin, je recevais des invitations des Chefs Traditionnels d’Issia, du Nawa pour aller chez eux. Nous allons continuer cette caravane de la Paix et de la Réconciliation.

Question : Pourquoi n’avez-vous pas demandé de minutes de silence pour le Dr Benoît Dakoury Tabley ?

Guillaume SORO : Vous savez, nous ne sommes pas des démagogues, l’aîné de Benoît Dakoury est ici, il sait très bien, le jour son frère a été abattu, criblé de balles à Abidjan et que son corps a été déshonoré par les gens que nous savons, nous n’avons pas fait que des minutes de silence à Bouaké et ailleurs. Nous avons soutenu notre ami, compagnon et aîné Dakoury et nous continuerons de le soutenir. Ce n’est pas ici que nous allons faire pour la première fois des minutes. Ce que je peux compléter sur cette question, l’acte fort et symbolique que j’ai demandé et que vous auriez pu retenir, c’est de demander à la Chefferie d’aller demander pardon dans la cour des Dakoury-Tabley. Je pense que c’est ça, il faut aller demander pardon. En demandant à la Chefferie de s’organiser pour aller dans la cour des Dakoury-Tabley pour demander pardon, c’est cette symbolique forte que je veux que vous reteniez du discours que nous avons tenu aujourd’hui.

Question : Êtes-vous en campagne pour que les populations accueillent le Président de la République ?

Guillaume SORO : L’information peut être que je dois vous donner, c’est que les Chefs Traditionnels de Gagnoa, ont adressé une invitation au Président de la République à venir à Gagnoa. Les Chefs Traditionnels m’ont adressé depuis 2012, une invitation à venir à Gagnoa. Pour des raisons de calendrier, je ne suis arrivé que le 15 Août 2013, c’est une coïncidence. Ceci dit, je suis content d’être venu et de pouvoir rendre compte au Président de la République de la situation réelle et des enjeux qu’il y a dans cette région. J’avoue que j’ai été instruit, vous êtes des journalistes, j’ai vu beaucoup de pauvreté dans cette région et dans les villages. Je voyais et j’ai été fortement préoccupé par ça, les routes, il y a même des villages où je ne suis pas allé parce qu’il n’y a pas de route. Je pense que c’est un bon passage pour que je puisse expliquer au Président en réalité, qu’elle est la vraie préoccupation des populations de Gagnoa. Parce que d’Abidjan, on a l’impression que la seule préoccupation que les populations ont ici, c’est la libération de Laurent Gbagbo. Mais vous avez constaté comme moi, dans les discours qui ont été fait, ils n’ont même pas cité Laurent Gbagbo. Ils ont plutôt demandé des écoles, des ambulances, donnez nous telle chose ou telle chose. Je pense que je rendrai compte au Président, la préoccupation des populations, c’est beaucoup plus comment elles mangent, comment elles inscrivent leurs enfants à l’école, comment on trouve du travail. J’ai beaucoup de CV que je ramène avec moi parce qu’ils m’ont accosté partout pour dire que leurs enfants ne travaillent pas, aidez-nous. Je pense que c’est eux qui en voulaient plus à ceux qui ne voulaient pas que nous venions.

Question : Monsieur le Président est ce que la CDVR a échoué ? 

Guillaume SORO : Vous savez, la Réconciliation, ce n’est pas quelque chose de figée, de systématique. La Réconciliation doit être une quête permanente pour nos pays. Même en Afrique du Sud, combien d’année après l’apartheid, on continue de parler de Réconciliation, en Guinée on continue de parler de Réconciliation. Pour moi la CDVR ne peut pas avoir échoué du tout, je pense qu’elle doit continuer son travail pour la Réconciliation. En ce qui concerne l’Assemblée Nationale, la question de la Réconciliation est transversale, c’est une question qui préoccupe toutes les institutions et toutes les institutions doivent s’impliquer pour que la Réconciliation soit une réalité. Mais au-delà des institutions, les religieux, les Ongs, c’est l’affaire de tous, quand on sort de guerre, c’est l’affaire de tous d’aller à la Réconciliation.

Question : Monsieur le Président, allez-vous agir en faveur du retour de la Maman de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire et à Gnaliepa son village ? 

Guillaume SORO : Oui, j’ai été à Gnaliépa et à ma propre demande je suis allé visiter la maison de la maman de l’ancien Président. Mais je précise que c’est ne pas Gnaliepa son village, son village c’est blouzon et mariée à Gnaliepa. C’est son mari qui était à Gnaliepa, pour la précision. Évidemment, depuis très longtemps le gouvernement a souhaité que la Maman de l’ancien Président, rentre d’exil. Je peux même vous dire, qu’à l’initiative du Ministre d’état Hamed BAKAYOKO, les fonds ont été débloqués pour que de façon express et spécialement la maison de la Maman de Monsieur Laurent Gbagbo soit réhabilitée pour qu’elle revienne. D’après les rumeurs, certains lui font pression pour ne pas qu’elle revienne pour qu’ils l’utilisent comme un moyen de pression politique, je ne sais pas à qui cela profite. Mais sinon, l’Etat a joué son rôle. Deux choses, premièrement, l’Etat n’a jamais signé un document pour mettre la Maman de l’ancien Président en exil. Elle est partie, j’en ignore les raisons, les raisons qu’on peut continuer de chercher. On peut épiloguer là-dessus. Deuxièmement, la constitution ivoirienne interdit de contraindre un citoyen à l’exil donc elle est libre de venir, mieux, le gouvernement est allé plus loin en prenant l’initiative de réhabiliter sa maison afin de faire en sorte qu’elle vienne retrouver une maison à la recevoir.  Nous attendons toujours que ceus qui veulent faire le chantage politique comprennent qu’il n’y a pas de préalable à la Réconciliation et qu’ils viennent prendre leur place dans tout le jeu politique.

Question : Monsieur le Président, est-ce que votre passage ici à Gagnoa est de faire oublier Laurent Gbagbo ?

Guillaume SORO : Cela ne peut pas être un enjeu pour le Président de l’Assemblée Nationale de Côte d’Ivoire, nous, nous sommes venus plutôt à la demande, j’insiste là-dessus, on me dira qu’on ne sait pas pourquoi j’insiste mais c’est la réalité, c’est factuel. Ce sont les Chefs qui ont insisté à plusieurs reprises depuis un an pour que je vienne. Je suis venu non pas pour faire oublier Gbagbo, il ne me viendra pas à l’esprit d’aller dire à un père de renier son fils, ce n’est pas de cela qu’il est question. En même temps, je dis que dans une famille, il peut avoir une querelle, il peut arriver qu’un frère tue un frère, on ne tue pas le second pour perdre les deux. On finit pas pardonner, à travailler et à avancer. Ce que je veux qu’on retienne de mon passage ici, c’est de dire qu’il n’y a pas de préalable à la Réconciliation Nationale. Il faut aller à la Réconciliation Nationale, première chose. Deuxième chose, il faut pardonner les uns aux autres. Il faut demander pardon, le Président OUATTARA dans ses discours a demandé pardon, il faut qu’on se pardonne. Le peuple Yacouba nous a montré un acte fort, quand leur fils GUEI Robert a été abattu, son épouse peut être parce qu’elle était l’épouse de leur fils a été abattu, les gardes du corps, tout le monde, ils ont été abattus. Aujourd’hui, nous savons qui a perpétré ces tueries et pourtant, le peuple Yacouba a pardonné, est resté digne et a accepté que le Gbagbo en tant que Président de la République aille à Kabacouma pour son enterrement. Donc je dis que, quand on a vécu ça dans notre pays, on ne peut pas poser de préalable pour la Réconciliation.

Merci. 

Propos recueillis et retranscrits par Hussein KOUAME