Alain BOUABRE
(Soir Info, 13 – 14 avril 2013) – Le vote d’une loi, par l’Assemblée nationale, permettant au Président de la République de prendre des mesures par ordonnance, relevant ordinairement du législatif, a secoué ces derniers jours, le milieu politique ivoirien, suscitant divers commentaires. Mû par le souci d’aller vite dans l’application de son projet socio-économique, pour l’année 2013, le chef de l’Etat, en bénéficiant de cette couverture constitutionnelle, s’expose à un risque. Celui de voir ses détracteurs ou adversaires politiques faire campagne autour de son pouvoir, en le présentant comme un régime réfractaire aux critiques, à la contradiction, s’ils ne l’accusent pas de ” dérives dictatoriales ”. Déjà, depuis le vote de la loi, le 10 avril 2013, des voix se sont élevées pour décrypter cette démarche constitutionnelle et y voir, à souhait, une volonté du président Alassane Ouattara de contourner l’Assemblée nationale. Pour certains, le président Ouattara veut gouverner en…rond et aurait peur d’essuyer des revers, ne serait-ce que de quelques voix, au Parlement, chaque fois qu’il irait le solliciter dans le processus de gouvernance dans Etat démocratique. On cite, d’ailleurs, abondamment, le quiproquo survenu lors de la loi relative au mariage. Le président de la République n’avait pas apprécié le manque de solidarité entre les alliés que sont son parti politique le Rdr et celui de Henri Konan Bédié, le Pdci. Au point où il a mis fin aux fonctions des ministres du gouvernement Ahoussou Kouadio Jeannot.
Dans l’opinion, certains ne comprennent pas que la Côte d’Ivoire, qui dispose d’une Assemblée nationale installée au terme d’élections législatives, puisse prendre le raccourci de la gouvernance par ordonnance, là où l’exercice de la démocratie requiert le débat contradictoire et la confrontation des idées, quand il s’agit des questions touchant à la vie et à la survie de la nation. Cela, d’autant plus que dans un tel régime, l’Assemblée nationale est perçue comme ce contre-pouvoir qui rétablit l’équilibre de la démocratie. D’autres se sont, du reste, étonnés que des députés à qui, il revient de jouer le gendarme de la République, en ce qui concerne la gestion du pouvoir d’État, aient accepté d’être contournés sur des questions sensibles de la nation. Évidemment, tout cela donne du grain à moudre aux adversaires politiques du chef de l’Etat qui le soupçonnent d’appliquer une ” gouvernance autocratique” Au fond, le vote de cette loi d’habilitation permettant au chef de l’Etat de prendre par ordonnance, des mesures de nature législative, n’est pas anti constitutionnelle. En effet, l’article 75 de la loi fondamentale ivoirienne, permet au président de la République de solliciter le Parlement dans ce sens, et qui peut donner donc suite à sa requête. En effet, cet article dispose que ” Le président de la République peut, pour l’exécution de son programme, demander à l’Assemblée nationale, l’autorisation de prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi ”. Mais ayant recours à une gouvernance par ordonnance, cela donne, malgré tout, le fâcheux sentiment que l’on est dans un Etat où les Institutions comme l’Assemblée nationale, ne fonctionnent pas normalement, bien que les choses s’inscrivent dans le respect de la Constitution.