La chaîne  TV5 Monde  vient de lancer sa plateforme de VoD gratuite  sur les écrans de 194 pays. A travers cette innovation, cette chaîne  qui  est très suivie en Afrique  souhaite élargir ses parts de marchés sur le continent en profitant des nouvelles opportunités qu’offrent certaines niches de marché.

À la différence d’une plateforme normale de vidéo d’abonnement à la demande, TV5MondePlus sera gratuite et pourra diffuser de la publicité. En misant sur le continent Africain, TV5MondePlus entend proposer 5.000 heures de programmes d’ici à l’année prochaine. Le jeu en vaut la chandelle car la chaîne Afrique du réseau TV5 est la plus regardée. De fait, elle enregistre l’audience hebdomadaire la plus importante des neuf chaînes régionales du média francophone, soit plus de 29 millions de téléspectateurs. Il importe de souligner également qu’il y aura 750 millions de personnes francophones en 2050 dont neuf sur dix en Afrique. Sur la base de ces chiffres qui proviennent d’une récente étude, l’Afrique apparaît  comme un marché à fort potentiel au regard des innombrables opportunités qui foisonnent dans le secteur du numérique et qui sont portés par l’essor de la téléphonie mobile. Avec des émissions  sous-titrées en espagnol, arabe, anglais ou allemand, TV5 Monde  espère séduire les mobinautes de par le monde.  La stratégie de TV5 consiste entre autres à  proposer plusieurs  séries longues  en Afrique, afin de répondre aux attentes de proximité des téléspectateurs. Parmi les 3.000 heures de contenus déjà disponibles,  on retrouve de nombreux programmes ou émissions déjà diffusés par les chaînes partenaires du réseau de TV5. La plateforme a aussi vocation de diffuser des exclusivités, à l’instar de Wara, une série politique coproduite au Sénégal. Toutefois le responsable Afrique de l’ouest d’Internet Sans Frontières observe que même si TV5MondePlus ambitionne  de  proposer des magazines, des talk shows et des reportages que le volume  actuellement proposé  est loin des trois milles émissions actuellement disponibles sur les antennes de  la chaîne.

Dr. Qemal Affagnon, Dr en Sciences de l’Information et de la Communication, Responsable Afrique de l’Ouest de l’ONG Internet Sans Frontières et membres du réseau UJPLA,Enseignant-Chercheur à l’Université d’Abomey-Calavi

Dans de telles conditions, le Dr Qemal Affagnon, responsable Afrique de l’Ouest de l’ONG Internet Sans Frontières, pense qu’il faille  craindre un enfermement culturel et une pauvreté de l’offre qui sera offerte sur la plateforme destinée aux mobinautes africains. Alors  que les plus fortes audiences de TV5 se trouvent en RDC, au Mali et en Côte d’Ivoire on assiste à un appauvrissement de l’offre  télévisée en direction du continent africain. En effet, le responsable Afrique de l’ouest d’Internet Sans Frontières relate que suite au piratage informatique qu’elle a subi en avril 2015, TV5 a opté pour un plan  d’économie drastique. Le  Dr Qemal Affagnon précise que la chaîne francophone avait ramené  par exemple  le montant de la pige payée aux intervenants de l’émission hebdomadaire  Kiosque à  soixante (60) euros. Si certaines émissions ont entre temps disparu des écrans de la chaîne francophone, la  direction de TV5 Monde  envisageait la suppression totale du défraiement versé aux intervenants des  émissions Kiosque  et Afrique-Presse avant de se raviser sous la pression des délégués du personnel. Selon le responsable Afrique de l’ouest d’Internet Sans Frontières, c’est ainsi que le montant octroyé par TV5 aux éditorialistes d’Afrique-Presse, une autre  émission populaire  de la chaîne, fut ramené à 100 euros bruts par chaque participation. Par ailleurs, le Dr Qemal Affagnon note que si TV5, entend miser sur le succès de la téléphonie pour développer ses revenus, cette stratégie comporte des risques.  Il explique ainsi que le modèle d’affaires qui prévaut dans les médias en ligne repose sur la création d’un contenu attirant pour cibler des lecteurs dont les informations sont  récoltées et vendues à des sociétés de collecte de données. Avec ces données, les courtiers peuvent glaner des informations rares et chères, comme les convictions politiques, qui sont ensuite convertis en publicités ciblées. De plus, le responsable Afrique de l’ouest d’Internet Sans Frontières  insiste sur le fait  que si les plateformes de streaming ont  le vent en poupe, le succès de ces entreprises attire de nombreux  pirates.  Entre le 6 et le 12 avril 2020, le responsable Afrique de l’ouest d’Internet Sans Frontières révèle  que des pirates ont crée plus de 700 fausses pages web afin de tromper les abonnés de Disney+ et Netflix, deux plateformes de streaming par abonnement. Selon  le  Dr Qemal Affagnon,  les pirates parviennent avec ce type de procédé à attirer  des utilisateurs sans méfiance avec une offre d’abonnement gratuite  dans le but de subtiliser leurs données personnelles. En 2015, les autorités de la  chaîne francophone dont plus de 44 pour cent des revenus publicitaires proviennent d’Afrique déclaraient que TV5  se doit de renforcer sa sécurité informatique après la  cyberattaque qui l’a obligé  d’interrompre ses programmes.

Pour les dirigeants de  TV5, ce piratage  était une opération  fortement financée  dont l’exécution a été confiée à  APT 28, un groupe de pirates russes. A l’ère du Big data, de nouveaux acteurs de l’économie numérique grappillent dorénavant les traces de comportements  des internautes en ligne. Sans respect pour la vie privée, ces acteurs  sont  prêts à tout afin d’atteindre les mobinautes depuis les confins du net.   Les dernières révélations au sujet  de l’opération Carthage montrent que  l’objectif de ces nouveaux acteurs est de cibler les électeurs les plus disposés à se laisser persuader, pour ensuite  les bombarder  de messages taillés sur mesure.

Laurent Batonga