L’avocate générale avait requis 15 ans de réclusion contre cet homme, déjà condamné à six ans de prison pour des faits similaires en 2005. Il était accusé d’avoir caché sa séropositivité à plusieurs conquêtes féminines et transmis ainsi le VIH sciemment.
Par Violaine Jaussent avec AFP
Il est surnommé “le passeur de sida”. Christophe Morat, jugé depuis lundi 29 septembre à Aix-en-Provence par la cour d’assises des Bouches-du-Rhône, pour avoir caché sa séropositivité à plusieurs conquêtes féminines et transmis ainsi le VIH sciemment, a été condamné, jeudi 2 octobre, à douze années de réclusion criminelle. Il avait déjà été condamné à six ans de prison pour des faits similaires.
L’avocate générale avait requis 15 ans de réclusion criminelle contre cet homme âgé de 40 ans. Au cours du procès, la cour a décortiqué dans les moindres détails les relations de l’accusé avec les femmes qu’il a conquises depuis sa sortie de détention, en 2008. Francetv info revient sur les passages les plus marquants du procès.
Une de ses conquêtes : “Ça a été la descente aux enfers”
Les femmes qui ont connu intimement Christophe Morat entre 2009 et 2012 ont commencé à témoigner mardi. L’une d’elles, partie civile, qui l’a fréquenté pendant deux mois fin 2008, décrit un homme “charmeur”, dont elle était amoureuse. Un jour, elle découvre sur internet la précédente condamnation de son amant. “Ça a été la descente aux enfers. Je l’ai appelé, je lui ai demandé si c’était vrai, il m’a répondu ‘va faire une prise de sang’.” Celle-ci se révèle négative. Elle porte plainte début 2009.
La plus jeune des parties civiles, une animatrice aujourd’hui âgée de 21 ans, a expliqué, effondrée, avoir eu trois rapports sexuels avec l’accusé. “Je lui ai demandé de mettre un préservatif, il m’a répondu que ça ne servait à rien.” En décembre 2011, un collègue de Christophe Morat invite la jeune femme à aller voir sur internet. A un psychologue, elle confie ensuite avoir “reçu pire qu’un coup de massue sur la tête”. Les tests sérologiques de la jeune femme seront négatifs.“Elle est venue m’annoncer qu’elle n’avait pas le virus et j’ai pleuré de bonheur”, a commenté l’accusé.
Dans tous ces témoignages, en filigrane, la question de la préméditation. C’est une circonstance aggravante qui a été retenue à l’instruction, en s’appuyant sur la répétition des rapports non protégés avec plusieurs femmes et sur la recherche de nouvelles conquêtes sur des sites de rencontres. Cette préméditation a justifié le renvoi de l’accusé devant une cour d’assises et non devant un tribunal correctionnel.
La compagne de l’accusé, contaminée : “Ma vie est finie”
Une jeune femme a été contaminée par Christophe Morat : sa compagne régulière. Elle a longuement raconté, mercredi, comment elle était tombée “sous l’influence” de l’accusé. Cadre comptable, elle a aujourd’hui 43 ans et “suit son traitement à la lettre”, mais dit ressentir parfois des effets indésirables, comme des maux de tête ou des nausées. Elle parle de relations sexuelles faites de “pénétrations vaginales et de fellations, toujours sans éjaculation” d’abord épisodiques, puis de plus en plus sérieuses, tout en faisant état de ses soupçons sur sa fidélité.
Ces soupçons l’amènent à taper le nom de Christophe Morat sur internet en novembre 2009, et à découvrir son ancienne condamnation. “J’ai regardé surGoogle, je m’en souviendrai toujours. (…) Je l’ai vu. Il n’a pas nié. Il s’est effondré.”Mais elle se laisse convaincre car “il parle d’avoir un enfant”. Ils ont de nouveau des relations sexuelles, avec préservatif, mais il la pousse à arrêter cette protection.“Ça ne sert à rien, je n’éjacule pas en toi, il n’y a pas de risque”, aurait-il avancé. Elle fait alors un test, qui s’avère négatif. Rassurée, elle accepte les rapports sans protection.
Pourtant, quelques mois plus tard, elle est prise de violentes nausées et maux de tête. Elle avoue à son médecin qu’elle partage sa vie avec un séropositif. La prise de sang confirme la contamination. “Ma vie est finie, j’ai voulu mourir”, souffle-t-elle. Elle le confronte alors. “‘Tu m’as filé ton virus !’ Je m’attendais au moins à ce qu’il s’effondre en me disant : ‘C’est pas ce que je voulais’, mais rien : un blanc”. “‘Que veux-tu que je te dise’ ?”, lui répond-il finalement.
Elle finit par recevoir un appel du commissariat en décembre 2011, à la suite de la plainte d’une autre femme. Mais elle hésite à porter plainte. “Pourquoi ces hésitations ?”, demande l’avocat de la défense. “J’étais sous son influence et je me suis dit : ‘Si je porte plainte, toute la vie future que j’avais envisagée, je vais la perdre’.” Après un coup d’œil aux cinq autres femmes parties civiles, avec lesquelles son compagnon a entretenu des relations – parfois concomitantes avec la sienne – mais qui n’ont pas été contaminées, elle finit par lâcher : “L’histoire a l’air de se répéter.” “Dès la première trahison, j’aurais dû couper les ponts tout de suite”.
L’accusé : “J’ai pas menti… J’ai pas dit la vérité”
Pour justifier ces rapports non protégés, Christophe Morat a menti, selon ses victimes. “Il m’a dit : ‘Je suis allergique au latex'”, rapporte l’une. “Il m’a dit de ne pas m’inquiéter par rapport à la fellation, parce qu’il n’avait pas éjaculé”, rapporte l’autre. “J’ai pas menti… J’ai pas dit la vérité, c’est tout”, s’est défendu mercredi l’accusé, apparu le visage émacié, les traits tirés.
Les bras croisés, d’une voix hésitante, parfois ému, il regrette “de ne pas avoir pris la décision par [lui-même] de mettre un préservatif”, et de ne pas avoir mis au courant ses partenaires, par peur du rejet. “Pourquoi n’avez-vous pas mis de préservatif ?”, demande l’avocate générale. “Je ne sais pas. Je me suis muré dans le silence. Je gardais toujours l’espoir de ne pas les contaminer”, a-t-il répondu, selon Le Parisien (article payant).
“Je n’arrive pas à dire les choses”, concède Christophe Morat. En revanche, il nie avoir menti sur les risques qu’encouraient ses partenaires, et notamment à celle à qui il a finalement inoculé le virus. “A aucun moment, je lui ai fait croire que je n’étais pas contaminant”, assure-t-il. Poursuivi pour “administration volontaire de substances nuisibles ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, avec préméditation et en état de récidive légale“, il encourt jusqu’à 30 ans de réclusion criminelle.