L’intégralité de l’intervention de Pascal Affi N’Guessan, président du Front populaire ivoirien (Fpi)
C’est une grande émotion qui m’étreint au moment où je vous retrouve, chers Camarades, et à travers vous nos compatriotes, nos frères et sœurs d’Afrique, ainsi que tous nos amis à travers le monde, pour reprendre les rênes de la lutte, après plus de deux (2) ans de détention arbitraire et d’oppression physique et morale.
Il y a un an, il y a deux ans, seule une foi de prophète pouvait laisser espérer que nous nous reverrions encore, tellement était grande et féroce la volonté d’anéantissement qu’avait déployée le pouvoir issu du coup de force du 11 avril 2011, contre tout ce qui porte la marque ou s’apparente à la Refondation. Cette foi, vous l’avez eue, et parce que vous l’avez eue, Dieu nous a exaucés. A lui toute la gloire. Mais à vous, chers camarades, militants de base, Secrétaires Généraux de Section et de Fédération, à vous distingués membres du Comité Central et du Comité de Contrôle, Honorables députés, dévoués Maires, Frères et sœurs de la diaspora, Femmes du FPI et de Côte d’Ivoire, Jeunesse du FPI et de Côte d’Ivoire, Frères et Sœurs, amis et connaissances, à vous tous qui avez prié, qui avez supplié, qui avez crié, qui avez lutté, à vous l’honneur et la reconnaissance. Sans vous, je ne serais pas ce jour devant vous.
Honneur et Hommage solennelle au Camarade MIAKA Ouretto Sylvain et à toute la Direction Intérimaire du FPI. Il fallait beaucoup d’amour pour le parti et pour la patrie, un sens élevé de la dignité et de la responsabilité, pour oser s’afficher et incarner le FPI au lendemain du 11 avril 2011. Avec beaucoup de courage et de perspicacité, vous n’avez pas hésité à prendre le risque de mettre en danger vos vies et vos biens. La peur n’a pas ébranlé vos convictions. Grâce à vous le FPI est toujours debout. A cet hommage, j’associe nos braves secrétaires généraux de fédérations et de sections. Ces piliers du temple qui ont su résister à toutes les bourrasques et à toutes les tentations.
A cette cérémonie de rassemblement et de réengagement, de braves militants anonymes, d’illustres camarades et des milliers de nos compatriotes manquent à l’appel ; certains, victimes innocentes de la folie meurtrières qui s’était emparée de ceux qui nous gouvernent malheureusement à l’heure actuelle, et pour qui, la vie humaine n’a aucune valeur dans la balance de leurs ambitions. Nos cœurs saignent quand nous viennent en mémoire les souvenirs de BOHOUN Bouabré, Désiré TAGRO, DIAGOU Gomont Jean-Baptiste, GNAN Raymond pour ne citer que ceux-là. Les douloureux évènements de Doukoué, de NAHIBLY, mais aussi tous les foyers de massacres et d’exactions à travers le pays, interpellent notre compassion, notre solidarité et notre fraternité. Le week end dernier, nous avions observé une minutie de silence pour honorer les mémoires des disparus, toutes les mémoires. Aujourd’hui, j’adresse à mon tour mes condoléances les plus attristées à leurs enfants, à leurs familles et à tous ceux qui leurs sont chers, et à travers eux à la nation toute entière. A tous nos compatriotes, ces milliers de femmes et de jeunes qui croupissent en prison ou vivent un exil forcé, nous disons qu’ils sont une part de nous-mêmes, que leur sort afflige nos âmes, et que nos cœurs et nos esprits ne seront en paix qu’avec leur libération. Je pense tout particulièrement au Président Laurent GBAGBO, celui à qui je dois d’être aujourd’hui, au plan politique, ce que je suis, et de mériter votre sympathie et votre attachement. Le Camarade SANGARE Aboudrahamane, le plus intime parmi ses fidèles compagnons, à éloquemment dépeint la semaine dernière, le caractère odieux de la situation qui lui est faite et l’urgence de sa libération, au nom de la vérité, de la justice, de la paix et de la réconciliation nationale.
Qui peut raisonnablement penser que la Côte d’Ivoire peut se passer de Laurent Gbagbo et de ses compagnons en détention ou en exil, de Simone Gbagbo, de Blé Goudé Charles, du Général DOGBO Blé, du Conte Amiral VAGBA Faussignaux, pour ne citer que les plus illustres, pour guérir de ses blessures et poursuivre sa marche en avant. C’est ne pas comprendre que leur situation est justement la manifestation violente des pathologies dont souffre le pays. C’est ne pas avoir conscience que la qualité des personnalités incarcérées ou en exil, leurs origines, leurs places et leurs rôles dans la vie nationale sont tels qu’elles ne peuvent pas être ignorées dans le processus de réconciliation nationale.
Solennellement, je voudrais dire ici, que la lutte pour la libération de Laurent Gbagbo est pour le FPI une obligation politique et un impératif catégorique. Le FPI n’acceptera pas que son fondateur soit en prison pour avoir respecté la Constitution de son pays.
Frères et Sœurs, chers camarades, chers compatriotes, c’est un truisme de dire que notre pays, la Côte d’Ivoire va mal. Elle va à vau l’eau. Elle se désagrège et tombe en ruines sous nos yeux. En l’espace de vingt-huit (28) mois à la tête de l’Etat, Alassane Ouattara a réussi l’exploit luciférien de rendre ce pays méconnaissable. Cet échec, Alassane Ouattara lui-même le reconnait, qui avoue être dans l’incapacité de tenir ses promesses électorales, et néanmoins réclame déjà un second mandat. Les Ivoiriens seraient sadomasochistes, prêts à offrir une prime à l’incompétence et à la faillite.
Ceux qui ont pensé que le père de la rébellion serait le Président de la paix et de la sécurité en ont pour leurs bulletins de vote. L’insécurité s’est aggravée, s’est généralisée, et représente à l’heure actuelle la première source d’inquiétude des Ivoiriens. Le refus du régime de désarmer ses ex-combattants qui l’ont porté au pouvoir et l’intrusion des chasseurs traditionnels ‘’Dozos’’, supplétifs de la rébellion des Forces Nouvelles (FN), dans les missions de maintien d’ordre alors qu’ils n’en ont ni la qualification, ni la compétence, ont entrainé un désordre sécuritaire généralisé. Face à une insécurité chronique, les populations sont sans recours : la Police et la Gendarmerie sont désarmées, au sens propre comme au figuré.
L’armée nationale elle-même n’échappe pas à cette anarchie. En vérité le terme est-il indiqué pour qualifier cet assemblage d’éléments des ex-Forces de Défense et de Sécurité et d’anciens rebelles, qui occupent illégalement les domiciles privés d’honnêtes citoyens, dressent des barrages illégaux, s’adonnent au racket, prennent des otages qu’ils libèrent contre rançon et refusent d’obéir aux injonctions de leur hiérarchie et même du gouvernement.
Les ivoiriens désespèrent de la dégradation continue de leurs conditions de vie, de l’accroissement du chômage, celui des jeunes en particulier, et de l’extension de la pauvreté. En lieu et place du million d’emplois promis, c’est une politique systématique et autoritaire de licenciements abusifs qui est mise en œuvre pour épurer, au nom du rattrapage, l’administration, les établissements publiques et les sociétés parapubliques, de tous les travailleurs et agents non-affiliés au clan au pouvoir. La privatisation de la pharmacie de la santé publique (PSP), la gestion calamiteuse des services de santé et l’escroquerie politique que constitue la promesse de gratuité des soins de santé, corroborent l’opinion que nos compatriotes s’étaient faites d’Alassane Ouattara, lorsqu’au plus fort de la crise post-électorale il fit imposer un embargo sur l’approvisionnement du pays en médicaments, occasionnant la mort de milliers d’Ivoiriens.
L’école ivoirienne n’est guère mieux lotie. Les fréquents mots d’ordre de grève, la grogne des étudiants qui ont failli, le 13 mai 2013, lyncher leur ministre de tutelle, sont symptomatiques du malaise entretenu dans notre système éducatif par la gestion hasardeuse du régime Ouattara.
A la suite de la grave crise militaro-politique que le pays a connu, la Réforme du Secteur de Sécurité (RSS) s’impose. Elle doit être démocratique et transparente afin que l’armée nationale et toutes les Institutions qui participent à la sécurité nationale soient l’expression de la volonté nationale. Mais comment et avec qui conduire une reforme pertinente quand les professionnels des questions de Défense et de Sécurité sont jetés en prison pour professionnalisme, mis au garage, réduits au chômage et mis sous surveillance pour civisme et patriotisme, quand l’opposition politique est persécutée et la Société Civile ostracisée ? Quand des grades sont distribués à des chefs de guerre comme butin de guerre, pour « hauts faits de guerre », sans formation ni justification de l’ancienneté requise, mettant ainsi gravement en péril le commandement et la discipline militaire, deux piliers essentiels d’une armée digne de ce nom. Que dire de ces milliers de jeunes, ex-combattants laissés pour compte, armés et livrés à eux-mêmes, non soldés, qui se paient sur le terrain au préjudice de la tranquillité publique et de la paix civile ; qui occupent de façon anarchique les domaines publics et privés ; qui, ces derniers temps, manifestent violemment au son des kalachnikovs et autres engins de guerre leur impatience à percevoir leur part du ‘’braquage de l’Etat’’ qu’ils évaluent eux-mêmes à 40 millions de FCFA par personnes.
L’absence de volonté et l’impuissance observée dans le désarment des ex-combattants et dans la reforme de l’armée apparaissent comme une épée de Damoclès, une bombe à retardement qui menace en permanence tout effort de normalisation. Pourquoi, au lieu de s’attaquer résolument à ces problèmes, le Chef de l’Etat, lors de sa tournée dans le Nord, a-t-il demandé publiquement aux ex-combattants de garder leurs armes à la maison ? Ces genres de propos qui n’honorent pas la République, doivent être condamnés avec la plus grande fermeté. Je les condamne et demande au Chef de l’Etat et au Gouvernement de tout mettre en œuvre afin de trouver définitivement et durablement une solution, une vraie solution, à cette situation, qui du reste, est le fruit de ses propres errements, et qui n’a que trop durée.
Sous le rapport de la gouvernance économique, les campagnes intempestives de communication dont on nous abreuve et les nombreux voyages soi-disants à caractère économique du Chef de l’Etat, ne peuvent malheureusement pas cacher la réalité des chiffres, même tripatouillés : ils sont préoccupants, largement en deca des performances observées sous la gouvernance de Laurent Gbagbo qui ne gérait pourtant que 50% du territoire national.
Ainsi, est-il bon de savoir que si le gouvernement a annoncé avec grande pompe un taux de croissance de 9,8% en août 2013, la moyenne de 2011 à 2013 ne s’établit qu’à 2,55%, contre 3,1% entre 2009 et 2010 pour Laurent Gbagbo. Au surplus, seulement 0,5% de ce taux de croissance provient du secteur primaire (agriculture et produits miniers) qui emploie pourtant la grande majorité de la population ivoirienne. Une croissance appauvrissante donc pour les populations ivoiriennes, mais enrichissante pour les multinationales et les sociétés étrangères majoritairement représentées dans les secteurs secondaire et tertiaire. La faible performance du secteur primaire s’explique par la situation d’insécurité entretenue dans les zones de production agricole et sur les sites miniers par les seigneurs de guerres et des ‘’dozos’’. Entre 2011 et 2013, la production de cacao a baissé de 8,1%, et la production de pétrole de 13,07 %, celle de l’or brut de 1,55 %. N’ayant aucune maitrise de la situation sur le terrain, le gouvernement a cessé de publier les statistiques des flux physiques et financiers, violant ainsi les engagements pris par le pays dans le cadre de l’Initiative pour la transparence, de l’Industrie Extractive.
Même en croissance, les performances des secteurs secondaire et tertiaire sont marquées par l’instabilité, évoluant en dents de scie. C’est la caractéristique d’une absence de cohérence, de vision stratégique, d’encadrement et d’incitations : une absence de politique économique.
Les conséquences de cette absence de politique économique sont durement ressenties tant au niveau de nos échanges avec l’extérieur que des finances publiques et de la dette publique.
Notre solde commercial global qui était excédentaire de + 1051,4 Milliards de francs CFA sous Laurent Gbagbo (2010) a plongé vers un déficit –56,4 milliards de F CFA sous Ouattara (2013) : Avec Ouattara, on nous pompe notre argent à la puissance d’un ouragan.
Les finances publiques n’échappent pas à cette absence de règles et de discipline en matière économique et financière. Alors que les recettes et dons ne se sont accrus que de 14,54% entre 2010 et 2012, les dépenses quant à elles ont augmenté de 20,46% aggravant le déficit budgétaire en 2012, de +81, 86 % par rapport à 2010. Ce déficit représente 3,11% du PIB alors que le plafond toléré par l’UEMOA et que nous sommes tenus de respecter est de 3%. Sans budget sécurisé et sans discipline budgétaire, il est difficile de respecter les normes communautaires.
Mais c’est au niveau de la dette publique que M. Alassane Ouattara a fait la grande démonstration de son incapacité à gouverner sainement, à redresser l’économie du pays et à mettre fin au cycle infernal de l’endettement. En moins d’un an, les effets bénéfiques de l’initiative PPTE ont été dilapidés : en 2012, le stock total de la dette publique est plus élevé (617,4 milliards de FCFA) qu’en 2010 (5587,9 milliards) avant l’atteinte du point d’achèvement de l’initiative PPTE. Les dérapages se sont opérés au niveau de la dette intérieure qui a explosé, passant de 987,9 milliards F CFA (2009) à 2313,64 milliards de F CFA en 2012. Le pays est redevenu insolvable : en 2012 il n’a pu payer que 20,4 % du service de la dette extérieure due et 35,54% du service de la dette intérieure due. Evidemment l’argent ne circule pas. « Si l’argent ne circule pas, c’est parce qu’il travaille » nous rétorque Alassane Ouattara ; les économistes s’attrapent la tête ; d’autres se pincent pour ne pas rire. Nous, nous nous interrogeons. Avec de tels résultats et de tels discours, il est tout a fait compréhensible que les bailleurs de fonds aient tourné le dos au pouvoir et que celui-ci éprouve les pires difficultés à mobiliser les financements nécessaires au développement du pays. D’autant que les scandales financiers foisonnent liés à de graves problèmes de gouvernance : surfacturations et recours excessif à la procédure de gré à gré pour l’attribution des marchés publics, un moyen d’enrichir sans contrainte copains et coquins. Cette mauvaise gouvernance est attestée par les mauvais classements du pays par les agences internationales de notation : 46ème sur 52 pays en 2012 selon l’Indice Ibrahim pour la Gouvernance Africaine (IIGA). 177ème sur 185 pays selon l’indicateur Doing Business.
Au plan politique et Institutionnel, c’est une véritable dictature qui s’est installée sur le pays au lendemain du 11 avril 2011. Sont en cause, la légitimité des Institutions politiques, l’Etat de Droit, les libertés et les droits de l’Homme. C’est autour des ces questions que se pose également le problème de la réconciliation nationale.
La Constitution de la Deuxième République votée le 1er août 2000 est étroitement associée à la crise que connait le pays depuis le 19 Septembre 2002. Au départ il y a la question de l’éligibilité à la Présidence de la République (article 35) ou la bataille du ‘’et’’ et du ‘’ou’’. A l’arrivée, c’est, à travers l’étouffement des compétences constitutionnelles du Conseil Constitutionnel par une partie de la classe politique soutenue par des puissances étrangères, tout le contrat fondateur de l’Etat et de la République qui est remis en cause. Entretemps cette Constitution a subi d’autres types d’agressions : tentative d’instrumentaliser la fonction de Premier Ministre pour changer la nature du régime ; contournement des dispositions de l’article 35 à l’occasion de l’élection présidentielle de Novembre 2010. La crise elle-même a révélé d’autres questions fondamentales sur lesquelles le peuple a besoin de s’accorder pour vivre en paix, réconcilié : la nationalité, le foncier, le modèle de laïcité, la citoyenneté, le type de régime, le modèle d’organisation administrative, etc.
Aujourd’hui encore, la Constitution continue d’être confrontée à l’épreuve de son respect par le pouvoir en place :
– Violations des immunités parlementaires et des procédures judiciaires applicables, relatives au Président de la République et aux membres du Gouvernement ;
– Violations des droits et libertés publiques (méconnaissance de la présomption d’innocence, privation de liberté sans jugement, internement sous prétexte d’atteinte à la sûreté de l’Etat,….).
– Limogeages et nominations inconstitutionnelle de responsables des hautes Institutions de l’Etat.
La question de la légitimité se pose également pour la quasi-totalité des Institutions de l’Etat. L’Assemblée Nationale, dominée par le RDR grâce à un découpage électoral complaisant et à l’exclusion du FPI du processus électoral n’est pas représentative de tous les courants d’opinion. Frappée d’illégitimité, quelle légitimité peut-elle conférée aux lois qu’elle édicte ? Surtout lorsqu’elle touche les questions aussi essentielles pour la nation entière que celles de la nationalité et du foncier rural. On ne nous imposera pas des lois qui bradent les intérêts vitaux de la nation.
La Commission Electorale Indépendante (CEI), responsable de la grave crise post-électorale, continue de siéger et de fabriquer au profit du pouvoir, des majorités politiques fictives.
Au total, sous tous les rapports, le régime souffre d’un déficit de légitimité : légitimité sociale, légitimité économique, légitimité politique et institutionnelle. Ce déficit explique ses contreperformances politique, économique et sociale. Même les plus grandes dictatures ont besoin d’un minimum d’adhésion du peuple. La dictature a montré ses limites. Elle a échoué face à la résistance passive et active des Ivoiriens.
Alassane Ouattara et son Gouvernement en sont conscients. Mais au lieu d’engager avec courage les vrais débats qu’attendent les Ivoiriens pour reconstruire de nouvelles légitimités et refonder le pays, il use de dilatoire et ruse avec les négociations. Il ne sait pas que le temps joue contre lui. Il ne sait pas que la victoire marche à notre rencontre. Que compte-t-il gagner en éclatant le débat sur les problèmes de la Côte d’Ivoire dans quatre structures qui depuis deux ans tournent en rond : la Commission Dialogue-Vérité et Réconciliation, le Comité National de Cohésion Sociale, le Cadre Permanent de Dialogue et le Dialogue Direct avec le FPI.
Pourquoi toutes ces tergiversations sur la libération de tous les prisonniers politiques (civils et militaires) et le retour des exilés politiques ?
Pour nous, ces questions là ne sont pas le débat. Elles sont la condition du débat. Le débat, c’est comment réconcilier la Côte d’Ivoire avec elle-même, comment fonder une nation de la diversité et de la fraternité, débarrassée du tribalisme, du communautarisme et des fondamentalismes, une nation laïque et démocratique ; le débat c’est comment refonder l’Etat, un Etat pour la Liberté, pour l’Egalité et pour la Fraternité ; un Etat pour la Démocratie. Un Etat pour la Bonne gouvernance, pour la prospérité. Voilà le noyau du débat.
Le temps est venu d’engager ce débat ; le temps est venu de mettre fin aux divisions, aux persécutions, pour faire naitre une nation dont l’humanité entière sera fière. La guerre, l’instabilité, la misère, ne sont pas des fatalités. Elles sont toujours le prix de nos turpitudes, de nos méchancetés, de nos vanités, de nos ambitions démesurées, de notre mépris pour l’autre, de l’absence d’amour pour le pays, de l’absence d’amour tout court : or nous disent les Ecritures, « si je n’ai pas d’amour, je ne suis rien de plus qu’un métal qui résonne ou qu’une cymbale bruyante » (1 Cor. 13 :1). Ne continuons pas à faire de ce beau pays une boite noire de frustrations et de ressentiments, un gisement de colères et de révoltes.
Comment espère-t-on reconstruire durablement dans la division, les persécutions et la confusion ? C’est agir comme cet homme insensé qui a bâti sa maison sur le sable. Les Ecritures nous racontent que « La pluie est tombée, les rivières ont débordé, la tempête s’est abattue sur cette maison et elle s’est écroulée : sa ruine a été complète » (Mathieu 7 : 26-27).
Bâtir sur du roc, c’est libérer ici et maintenant tous les prisonniers politiques (Civils et Militaires) et laisser nos frères et sœurs exilés, rentrer chez eux pour retrouver la chaleur familiale et se mettre au service du pays. La tranquillité publique est à ce prix, la paix est à ce prix, la Réconciliation nationale est à ce prix. C’est avec tous nos camarades libérés et tous nos exilés que nous irons à la réconciliation nationale, c’est-à-dire à la Refondation de notre pays, dans la diversité, mais dans notre attachement à la patrie commune.
La Réconciliation nationale n’est pas facultative. Elle est obligatoire, parce qu’elle engage et conditionne l’existence et l’avenir de la nation, de l’Etat, de la République. Personne ne peut prendre le pays et la nation en otage. Celui qui est incapable de réconcilier n’a pas sa place à la tête de l’Etat.
Réconcilier c’est pardonner. Mais comment pardonner après tant de violence, tant de souffrance, tant d’humiliations ? Comment pardonner à chacun d’entre nous pour ce qu’il a dit, qu’il n’aurait pas dû dire, pour ce qu’il n’a pas dit qu’il aurait dû dire, pour ce qu’il a fait, qu’il n’aurait pas dû faire, pour ce qu’il n’a pas fait, qu’il aurait dû faire ? Comment pardonner à Alassane OUATTARA le drame qu’il fait vivre au pays depuis son intrusion sur la scène politique ivoirienne, la division qu’il a semée dans notre société et la fracture qu’il a provoquée dans notre nation en construction ? Comment pardonner à SORO Guillaume la rébellion du 19 septembre 2002 qui a mis le pays à feu et à sang, cette barbarie inqualifiable et injustifiable qui endeuille chaque jour de nombreuses familles ?
L’Histoire nous enseigne que le pardon est au pouvoir des Hommes. C’est par lui que les hommes peuvent surmonter les déchirements et les drames du passé et inventer un avenir nouveau. Un monde sans pardon est un monde qui étouffe sous le poids des ressentiments, des colères et de l’amertume, un monde de stress, un monde d’insécurité, de fragilités, de précarité. « Sans pardon, nous dit le Révérend Desmond Tutu, il n’y a pas d’avenir ». C’est Martin Luther King qui renchérit pour nous dire que « si nous n’apprenons pas à vivre ensemble, comme des frères et sœurs, alors nous mourons ensemble comme des imbéciles ». Quoi qu’il soit arrivé par le passé, l’exigence d’un avenir commun doit l’emporter sur le désir de vengeance. La vengeance est une voie sans issue.
Mais pardonner n’est pas oublier ni abdiquer ; ce n’est ni nier, ni denier encore moins renier ; ce n’est ni renoncer à ses droits, ni excuser : c’est lutter, sans haine, pour la vérité, pour la paix, pour la réconciliation, pour l’avenir, avec amour, avec compassion, avec miséricorde.
La Réconciliation Nationale est un chemin de vérité, donc de débats publics : qui a fait quoi et pourquoi ? Pourquoi vivre ensemble et comment ? Il faut que le peuple le sache et que les responsables soient situées afin que plus jamais pareil drame ne se reproduise dans notre pays. C’est au nom de cette exigence de vérité que nous ne pouvons cautionner les cadres actuels de dialogue ou de réconciliation que le pouvoir a mis en place pour nous distraire.
J’appelle le Chef de l’Etat, le Président Alassane Ouattara, une fois qu’il aura libéré tous les prisonniers politiques (civils et militaires) et ouvert les frontières aux exilés, à convoquer les Etats Généraux de la République qui seront l’instrument opérationnel de la réconciliation, instrument pour fonder un nouveau contrat social, un consensus sur toutes les questions qui nous divisent aujourd’hui.
Chers camarades, je l’ai dit : la Réconciliation, c’est la lutte. Notre tradition, c’est la lutte. Les avancées démocratiques enregistrées en Côte d’Ivoire, c’est par notre lutte, à la sueur de nos fronts, par le sacrifice de nos militants et de nos compatriotes. Au moment où les valeurs fondamentales de la République sont en péril, notre devoir est de voler au secours de la Patrie, d’incarner l’espérance de ces millions de compatriotes qui gémissent et souffrent en silence, de sauver la nation en danger. C’est vrai, ces dix (10) dernières années, nous avons vécu des moments difficiles, où la joie et l’espérance ont cédé le pas aux épreuves et aux frustrations. Le moment viendra où ensemble, dans la transparence et dans la vérité, nous établirons le bilan de cette période inoubliable. Pour l’heure, la Patrie nous appelle. Je compte sur vous. J’ai besoin de votre soutien et de votre confiance. Comptez sur ma fidélité et ma loyauté.
A nos Frères et Sœurs de la diaspora qui battent chaque jour le pavé afin que la cause de Laurent Gbagbo et de la Côte d’Ivoire progresse dans les consciences, je dis un grand merci et souhaite beaucoup de courage et de réussite. Notre victoire est inéluctable, Gbagbo reviendra. Que nos Représentations à l’Etranger se mettent au travail pour appuyer la diaspora et accélérer le processus de libération de Notre pays.
Aux Frères et Sœurs exilés au Ghana, au Togo, au Bénin et à travers le monde, je dis de tenir bon et de garder confiance. Bientôt vous serez avec nous. C’est dans le rassemblement et l’unité d’action que nous vaincrons.
Les Partis frères et les Organisations membres de l’ex-majorité Présidentielle et du CNRD partagent avec nous des objectifs communs et une vision commune de l’avenir. Tous ont apporté une contribution inestimable à l’évolution de la situation nationale. Votre présence ce jour à nos côtés et les échéances fructueux que nous avons eus ces derniers jours nous réconfortent. Ils augurent de brillants succès futurs.
Le monde bouge et la Communauté Internationale fait chaque jour l’expérience des nouvelles aspirations des Nations en développement. Ces aspirations ne sont pas incompatibles avec une coopération internationale respectueuse de leur dignité et de leur souveraineté. C’est autour de ces valeurs que nous entendons réhabiliter nos rapports avec le monde.
Aimons-nous les uns les autres
Aidons-nous les uns les autres
Afin que Dieu nous bénisse et délivre la Côte d’Ivoire, notre cher pays.
Abidjan, le 07 Septembre 2013
AFFI N’Guessan Pascal
Président du FPI